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Pierre Mansat et les Alternatives

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Sylvie Thénault : Algérie, la colonisation est à ranger au titre des entreprises inhumaines

Sylvie Thénault : Algérie, la colonisation est à ranger au titre des entreprises inhumaines

La colonisation est à ranger au titre des entreprises inhumaines
Les discriminations et les violences ont été le moteur de l’histoire de l’Algérie coloniale, au contraire des amitiés et des sociabilités partagées entre «musulmans» et «non-musulmans», qui sont restées très limitées, explique l’historienne.En 1948, discours d’ouverture du gouverneur général Naegelen à l’Assemblée algérienne, créée en 1947.
 par Sylvie Thénault, historienne
 publié le 25 avril 2025
 Organisée en catégories raciales, une colonie de peuplement repose sur la suprématie de la minorité coloniale. En Algérie, les recensements distinguaient officiellement les «musulmans» et les «non-musulmans» – respectivement au nombre de 8,455 millions et 984 000 en 1954. Le vocabulaire de la «race» était couramment employé par les contemporains, selon une acception mêlant apparence physique, caractéristiques culturelles (langue, religion, vêtements, cuisine, pratiques matrimoniales et familiales…) et rang social – parmi les «musulmans», les «évolués» sont censés s’être acculturés. L’histoire du mot «ratonnades», importé d’Algérie en France au moment de la guerre d’indépendance, indique bien le poids et le rôle de la race dans les rapports sociaux de l’Algérie coloniale.
L’enjeu démographique a été posé d’emblée, au XIXe siècle. Les Algériens, d’abord, ont été décimés par la guerre de conquête et ses violences, les famines et les épidémies, les sécheresses et autres calamités naturelles ; avant que la dépossession foncière les prive des meilleures terres. Chez les colonisateurs, quand le refoulement et l’extermination (selon les mots de l’époque) n’étaient pas assumés, l’idée existait que les Algériens disparaîtraient d’eux-mêmes. Sinon, comme l’écrivait un officier de santé militaire : «Il ne nous reste plus que de vivre avec les Arabes.»
Juridiquement, les Français pleinement citoyens regroupaient, outre des métropolitains venus en Algérie, les descendants des Européens bénéficiant du droit du sol et les Juifs d’Algérie collectivement naturalisés. Les Algériens, quant à eux, étaient français de nationalité, de statut personnel musulman (ils ne relevaient pas du code civil en matière familiale) et partiellement citoyens.
Ainsi, ils étaient relégués dans un collège électoral spécifique (le «second collège») toujours infériorisé par rapport au premier collège regroupant les Français. Par exemple : l’Assemblée algérienne créée en 1947 comptait 120 élus, soit 60 pour chaque collège et les élus du premier collège détenaient les postes clés. De même, la départementalisation est trompeuse – l’organisation administrative ne réplique pas celle de la métropole.
Ainsi, il existait deux types de communes : les communes de plein exercice avec un conseil municipal (élu selon le système des deux collèges et la primauté assurée au premier), au peuplement surtout français, et les communes mixtes gérées par des administrateurs nommés où vivaient l’immense majorité des Algériens. Un mot encore des écoles : elles comportaient des sections indigène et française. Sans parler du régime de l’indigénat, qui soumettait les Algériens à l’internement, aux amendes collectives, au séquestre des biens ainsi qu’à des amendes et des jours de prison prononcés par l’administrateur. En bref : la discrimination juridique et administrative était la règle.
Une ségrégation structurante
Les données démographiques et socio-économiques témoignent elles aussi d’une ségrégation structurante. En 1954, les Algériens sont à 75 % ruraux, les Français à 88% urbains et ils se concentrent dans trois pôles : Oran, Alger et l’agglomération de Bône. Dans la population active, 90% des Algériens travaillent dans un secteur primaire paupérisé. En 1955, une étude gouvernementale (le rapport Maspétiol) témoigne de leur écrasement.
Répartissant les habitants de l’Algérie en cinq catégories, selon leurs revenus, ce rapport démontre que 93 % des musulmans appartiennent aux deux catégories inférieures où n’est recensé aucun Français. Ceux-ci, d’un niveau de vie inférieur en moyenne à celui de la métropole, sont artisans, commerçants, fonctionnaires. Les riches colons n’en sont pas représentatifs.
Bien sûr, tout cela n’interdit pas les relations interpersonnelles, sincèrement amicales (les relations amoureuses, beaucoup moins), ni des vies algériennes échappant à la domination dans des campagnes tenues à l’écart de la colonisation. L’étroitesse du «monde du contact» est flagrante, néanmoins, tant les espaces et les milieux sociaux où il pouvait exister étaient limités. Au total, regarder la colonie de peuplement, c’est comprendre pourquoi les discriminations et les violences ont été le moteur de l’histoire de l’Algérie coloniale, au contraire des amitiés et des sociabilités partagées.
Au présent, l’histoire coloniale ouvre trois perspectives. D’abord, de cette situation, les Français d’Algérie ne sont pas responsables – il s’agit d’un système colonial qui les dépasse. Ensuite, la domination coloniale apparaît nettement pour ce qu’elle est : une domination pesant radicalement sur les colonisés. De ce point de vue, aucun équilibrage ne tient, aucun bilan comptable du positif et du négatif ne fait sens – ce qui n’empêche pas des individus d’avoir souffert de toutes parts et l’empathie d’exister pour les uns comme pour les autres.
Et, finalement – c’est le point crucial – la colonisation est à ranger au titre des entreprises inhumaines à condamner unanimement, parce que reposant sur une vision de l’humanité comme composée de races hiérarchisées entre elles et légitimant un traitement discriminant de celles et de ceux considérés comme inférieurs.

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