11 Octobre 2023
Un collectif de trente signataires (architectes, urbanistes, paysagistes, historiens, ingénieurs, universitaires…) s’élève, dans une tribune au « Monde », contre les projets de réaménagements de plusieurs squares de la capitale, dont l’intégrité pourrait être gravement affectée par la suppression de leurs grilles.
Les espaces publics des grandes capitales concentrent des enjeux complexes à l’heure des nouvelles politiques environnementales et du tourisme de masse. L’hyperfréquentation, qui s’étend désormais du centre aux faubourgs, contribue à rompre les équilibres fragiles de la vie locale et à dégrader des espaces verts publics comme le Champ-de-Mars, mais aussi les squares, ces jardins de proximité qui jalonnent tous les quartiers de Paris.
C’est dans ce contexte que la Mairie de Paris projette de supprimer les grilles de plusieurs squares, bizarrement désignées dans ses documents comme des « clôtures identitaires ». Un débat sur ce sujet est en cours depuis le 4 octobre au Conseil de Paris et se poursuit dans les conseils de quartier concernés.
Or ces grilles, dont les ferronneries sont autant de filtres élégants entre voies de circulation et jardins, constituent l’écrin qui permet de protéger l’épanouissement des massifs végétaux et leur biodiversité – car, comme les humains, les végétaux ont besoin de périodes de régénération, la nuit notamment.
Elles permettent aussi d’accueillir, à l’écart des tumultes et des dangers de la circulation (vélos compris), les nombreuses activités qui se déploient dans les squares : détente et repos, activités physiques, jeux pour les enfants qui peuvent y courir librement. Dans tous les quartiers, ces précieuses oasis sont appréciées et utilisées selon les heures et les saisons par tous les publics. On regrette d’ailleurs les gardiens, désormais absents, qui veillaient au bien-être de la végétation comme à celui des usagers.
L’histoire ancienne et récente des jardins parisiens révèle qu’en règle générale, les squares déclôturés ont dû être reclôturés du fait de problèmes de maintenance et de sécurité : pelouses et massifs piétinés, occupations intempestives, épisodes orageux…
Le projet de la mairie menace aujourd’hui plusieurs sites :
L’intention de la mairie est d’y substituer à grands frais une promenade axiale sur le modèle des « ramblas » barcelonnaises. En juin, a été affichée sur site une déclaration de travaux pour l’enlèvement de 1 658 mètres linéaires de grilles des squares ; or les déposer, c’est les supprimer. D’où une mobilisation d’associations de riverains, mais aussi d’élus et de professionnels.
Ces quatre squares bénéficient d’un ensemble remarquable de serrurerie conçu par Alain Payeur, fondateur de la Société d’études d’urbanisme et d’architecture (Seura). Ce mobilier urbain reconnu, et souvent plagié, est constitué de grilles basses et hautes, de grilles d’arbres, de passerelles pour passer d’une rive à l’autre du boulevard, tout cela dans un graphisme élégant et original, entre Hector Guimard (1867-1942) et Pierre Alechinsky.
Attachés au respect d’un patrimoine paysager typiquement parisien, ancien et contemporain, les présents signataires (architectes, urbanistes, paysagistes, historiens, ingénieurs, universitaires…) veulent défendre l’existence et l’intégrité des squares et jardins dont les grilles sont des éléments constitutifs. Ces espaces singuliers sont des îlots de fraîcheur, de biodiversité et d’agrément essentiels au bien-être dans la cité et sont unanimement appréciés.
Dans une ville aussi dense que Paris, quoi de plus efficace pour constituer des îlots de fraîcheur qu’un jardin touffu et ombragé ? La politique des espaces publics de la capitale doit respecter son identité et ses habitants et être pensée dans la triple dimension écologique, sociale et économique, condition même du développement durable. Cela concerne aussi ses jardins et ses squares.
Liste des signataires : Philippe Artières, historien ; Patrick Bouchain, architecte urbaniste scénographe, Grand Prix de l’urbanisme (GPU) 2019 ; Paul Chemetov, architecte urbaniste, Grand Prix national de l’architecture (GPNA) 1980 ; Jean-Pierre Courtiau, urbaniste ; Maurice Culot, architecte urbaniste et éditeur, Grand Prix national de la critique architecturale (GPCA) ; Jean-Charles Depaule, anthropologue, CNRS ; Christian Devillers, architecte, GPU 1998 ; Elisabeth Essaïan, architecte, enseignante-chercheuse ; Anne-Marie Filaire, photographe ; Mathieu Flonneau, historien, enseignant à la Sorbonne ; Annie Fourcaut, professeur émérite à la Sorbonne, histoire urbaine contemporaine ; Bruno Fortier, architecte, GPU 2002 ; Alexandre Gady, professeur d’histoire de l’art moderne à la Sorbonne ; Albert Garcia Espuche, architecte, historien (Barcelone) ; Antoine Grumbach, architecte, GPU 1992 ; Jean-Marc Lanton, paysagiste ; Bernard Landau, architecte voyer général honoraire ; Jean-Pierre Le Dantec, historien, ancien directeur de l’Ecole d’architecture de Paris-La Villette ; Bertrand Lemoine, architecte, ingénieur XPonts, historien ; André Lortie, architecte, chercheur, Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville ; François Loyer, historien ; Ariella Masboungi, architecte ; Michel Péna, paysagiste ; Virginie Picon-Lefebvre, architecte, enseignante ; Gwenaël Querrien, critique architecture-ville-paysage ; Simon Ronai, chercheur ; Vincent Sainte-Marie-Gauthier, programmiste ; Chiara Santini, professeure en histoire des jardins à l’Ecole nationale supérieure de paysage (ENSP) de Versailles ; Jean-Jacques Terrin, professeur émérite, architecte, urbaniste ; Pierre-Marie Tricaud, architecte paysagiste, urbaniste ; Catherine Tricot, architecte.
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Un collectif de trente signataires (architectes, urbanistes, paysagistes, historiens, ingénieurs, universitaires…) s’élève, dans une tribune au « Monde », contre les projets de réaménagements de plusieurs squares de la capitale, dont l’intégrité pourrait être gravement affectée par la suppression de leurs grilles.
Les espaces publics des grandes capitales concentrent des enjeux complexes à l’heure des nouvelles politiques environnementales et du tourisme de masse. L’hyperfréquentation, qui s’étend désormais du centre aux faubourgs, contribue à rompre les équilibres fragiles de la vie locale et à dégrader des espaces verts publics comme le Champ-de-Mars, mais aussi les squares, ces jardins de proximité qui jalonnent tous les quartiers de Paris.
C’est dans ce contexte que la Mairie de Paris projette de supprimer les grilles de plusieurs squares, bizarrement désignées dans ses documents comme des « clôtures identitaires ». Un débat sur ce sujet est en cours depuis le 4 octobre au Conseil de Paris et se poursuit dans les conseils de quartier concernés.
Or ces grilles, dont les ferronneries sont autant de filtres élégants entre voies de circulation et jardins, constituent l’écrin qui permet de protéger l’épanouissement des massifs végétaux et leur biodiversité – car, comme les humains, les végétaux ont besoin de périodes de régénération, la nuit notamment.
Elles permettent aussi d’accueillir, à l’écart des tumultes et des dangers de la circulation (vélos compris), les nombreuses activités qui se déploient dans les squares : détente et repos, activités physiques, jeux pour les enfants qui peuvent y courir librement. Dans tous les quartiers, ces précieuses oasis sont appréciées et utilisées selon les heures et les saisons par tous les publics. On regrette d’ailleurs les gardiens, désormais absents, qui veillaient au bien-être de la végétation comme à celui des usagers.
L’histoire ancienne et récente des jardins parisiens révèle qu’en règle générale, les squares déclôturés ont dû être reclôturés du fait de problèmes de maintenance et de sécurité : pelouses et massifs piétinés, occupations intempestives, épisodes orageux…
Le projet de la mairie menace aujourd’hui plusieurs sites :
L’intention de la mairie est d’y substituer à grands frais une promenade axiale sur le modèle des « ramblas » barcelonnaises. En juin, a été affichée sur site une déclaration de travaux pour l’enlèvement de 1 658 mètres linéaires de grilles des squares ; or les déposer, c’est les supprimer. D’où une mobilisation d’associations de riverains, mais aussi d’élus et de professionnels.
Ces quatre squares bénéficient d’un ensemble remarquable de serrurerie conçu par Alain Payeur, fondateur de la Société d’études d’urbanisme et d’architecture (Seura). Ce mobilier urbain reconnu, et souvent plagié, est constitué de grilles basses et hautes, de grilles d’arbres, de passerelles pour passer d’une rive à l’autre du boulevard, tout cela dans un graphisme élégant et original, entre Hector Guimard (1867-1942) et Pierre Alechinsky.
Attachés au respect d’un patrimoine paysager typiquement parisien, ancien et contemporain, les présents signataires (architectes, urbanistes, paysagistes, historiens, ingénieurs, universitaires…) veulent défendre l’existence et l’intégrité des squares et jardins dont les grilles sont des éléments constitutifs. Ces espaces singuliers sont des îlots de fraîcheur, de biodiversité et d’agrément essentiels au bien-être dans la cité et sont unanimement appréciés.
Dans une ville aussi dense que Paris, quoi de plus efficace pour constituer des îlots de fraîcheur qu’un jardin touffu et ombragé ? La politique des espaces publics de la capitale doit respecter son identité et ses habitants et être pensée dans la triple dimension écologique, sociale et économique, condition même du développement durable. Cela concerne aussi ses jardins et ses squares.
Liste des signataires : Philippe Artières, historien ; Patrick Bouchain, architecte urbaniste scénographe, Grand Prix de l’urbanisme (GPU) 2019 ; Paul Chemetov, architecte urbaniste, Grand Prix national de l’architecture (GPNA) 1980 ; Jean-Pierre Courtiau, urbaniste ; Maurice Culot, architecte urbaniste et éditeur, Grand Prix national de la critique architecturale (GPCA) ; Jean-Charles Depaule, anthropologue, CNRS ; Christian Devillers, architecte, GPU 1998 ; Elisabeth Essaïan, architecte, enseignante-chercheuse ; Anne-Marie Filaire, photographe ; Mathieu Flonneau, historien, enseignant à la Sorbonne ; Annie Fourcaut, professeur émérite à la Sorbonne, histoire urbaine contemporaine ; Bruno Fortier, architecte, GPU 2002 ; Alexandre Gady, professeur d’histoire de l’art moderne à la Sorbonne ; Albert Garcia Espuche, architecte, historien (Barcelone) ; Antoine Grumbach, architecte, GPU 1992 ; Jean-Marc Lanton, paysagiste ; Bernard Landau, architecte voyer général honoraire ; Jean-Pierre Le Dantec, historien, ancien directeur de l’Ecole d’architecture de Paris-La Villette ; Bertrand Lemoine, architecte, ingénieur XPonts, historien ; André Lortie, architecte, chercheur, Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville ; François Loyer, historien ; Ariella Masboungi, architecte ; Michel Péna, paysagiste ; Virginie Picon-Lefebvre, architecte, enseignante ; Gwenaël Querrien, critique architecture-ville-paysage ; Simon Ronai, chercheur ; Vincent Sainte-Marie-Gauthier, programmiste ; Chiara Santini, professeure en histoire des jardins à l’Ecole nationale supérieure de paysage (ENSP) de Versailles ; Jean-Jacques Terrin, professeur émérite, architecte, urbaniste ; Pierre-Marie Tricaud, architecte paysagiste, urbaniste ; Catherine Tricot, architecte.