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Pierre Mansat et les Alternatives

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Simon Ronai "Crise dans les banlieues 2023: les injonctions contradictoires"

Crise dans les banlieues 2023 : les injonctions contradictoires

Publié le 27 septembre 2023 : Temps de lecture 19 minutes

Par : Simon Ronai - Géographe urbaniste exerçant en bureau d'études auprès des collectivités locales

Banlieues, quartiers prioritaires, quartiers politique de la ville… Les noms changent, mais la motivation politique depuis 50 ans est restée inchangée : réduire les écarts de ces quartiers avec les autres territoires. Les effets sont relativement modestes et de nouvelles problématiques ont émergé. Comment sortir de cette spirale ?

SOMMAIRE

L'essor des banlieues : les grandes lignes Diversification des dispositifs

Le tournant du Programme national de renouvellement urbain Réduire les écarts entre les quartiers : quels leviers pour y parvenir ? Sortir de l'idée "un problème, une solution"

Après le décès d'un jeune homme lors d'un contrôle routier à Nanterre le 27 juin 2023, la France a connu plusieurs nuits d'intenses émeutes. Partant des dégradations d'équipements publics et de commerces observés lors de ces émeutes, de nombreux acteurs ont renouvelé leurs critiques des politiques publiques menées en banlieue. Tout en constatant le maintien d'inégalités sociales et territoriales, peut-on parler "d'échec d'une politique de rénovation urbaine, coûteuse et inefficace, en faveur des banlieues" sachant que le tiers des communes qui ont subi des violences n'ont pas de "quartier politique de la ville (QPV)" et que la moitié des QPV n'en ont pas connues ? Le traumatisme collectif lié à cette "révolte urbaine" interroge plus profondément toute la société bien au-delà des quartiers populaires : comment comprendre l'irruption dans l'espace public de quelques milliers d'émeutiers majoritairement très jeunes ? Pourquoi cette infime minorité d'habitants des QPV a-t-elle voulu embraser tant de villes et défier aussi brutalement toutes les autorités ? Ces jeunes ne nous parlent-ils pas aussi de la crise du sens et de confiance qui fracture la société française, travaillée par le recul de la mixité sociale… ?

L'essor des banlieues : les grandes lignes

La banlieue désigne l'espace autour d'une ville-centre, composée de zones industrielles où commerciales, de quartiers pavillonnaires où d'habitat social collectif. Plus du tiers de la population réside dans ces communes, qui recouvrent des réalités diverses du point de vue historique social et urbain. En Île-de-France, la banlieue regroupe 75% des habitants répartis dans environ 200 communes principalement en petite couronne. Après chaque crise, d'autres termes plus connotés – quartiers populaires, cités dortoirs, ghettos abandonnés – ont ressurgi pour qualifier les territoires qui concentrent des problèmes économiques (chômage de masse), culturels (forte proportion d'immigrés où d'enfants d'immigrés) et sociaux (îlots de pauvreté) et où les difficultés récurrentes s'accumulent jusqu'aux explosions.

L'origine des banlieues

Les banlieues se sont développées dès la fin du XIXe siècle pour répondre à l'exode rural et l'essor industriel. Dans l'entre-deux-guerres, elles se couvrent d'une marée pavillonnaire de lotissements souvent médiocres et sous équipés. Dans l'après-guerre, le baby-boom, la croissance économique et l'immigration provinciale et étrangère augmentent la population des villes, aggravant la pénurie de logements, qui deviennent de plus en plus rares, surpeuplés, et sous-équipés. En 1954, l'appel médiatisé de l'Abbé Pierre accélère la politique publique nationale de construction massive de logements. L'industrialisation du bâtiment, la maîtrise du béton armé, l'imposition de normes et de plans types pour les appartements favorisent les formes simples de barres et tours implantées en périphérie sur de grandes parcelles de terrains agricoles ou maraîchers faute d'autres réserves foncières. Le contrôle de l'usage du sol par l'État a permis de 1959 à 1975 de créer 197 zones à urbaniser en priorité (ZUP) qui regroupent 2,2 millions de logements essentiellement des habitations à loyer modéré (HLM) (décret du 31 décembre 1958 sur les Zones à Urbaniser en Priorité). La maîtrise foncière technique et financière de la production a permis la construction de 8 millions de logements entre 1953 et 1975. La loi-cadre du 7 août 1957 qui programme 300 000 habitations en moyenne par an a fondé la politique de construction des grands ensembles si bien que le nombre de HLM passe de moins de 500 000 à près de 3 millions, sachant que la notion de "grand ensemble" a été l'objet de controverses (taille, localisation, morphologie).

À l'époque, il n'y a pas eu de débat sur la forme urbaine où la mixité, le consensus s'est établi autour de quelques principes : faire bénéficier tous les salariés des bienfaits de l'hygiène et de la modernité, séparer habitat et usines, édifier vite des cités confortables d'au moins 1 000 logements dotés d'équipements pour les classes populaires.

Grandeur et décadence des grands ensembles

La crise et la paupérisation rampante des banlieues ont été anticipées dès les années 1960 autour de la pathologie de cet urbanisme qui générerait ennui et suicide, notamment parmi les femmes, et délinquance chez les jeunes. Après mai 1968, la dégradation des bâtiments bon marché mal entretenus et la critique du type de société édifiée loin des centres-villes conduisent Olivier Guichard, ministre de l'équipement, à arrêter la construction des grands ensembles (circulaire du 21 mars 1973). Traitant des formes architecturales et de la lutte contre la ségrégation sociale par l'habitat, il interdit les opérations les plus massives et tente de mieux insérer les nouvelles constructions dans les villes existantes.

Au début des années 1970, face à l'observation selon laquelle la petite classe moyenne commençait à partir, les investissements publics commencent à privilégier les villes nouvelles, conçues comme contre modèle harmonieux. Simultanément, en 1977, la loi Barre réoriente les crédits de l'aide à la pierre vers l'aide sélective à la personne (allocation personnalisée au logement, APL) et engage le tournant en faveur de l'accession à la propriété individuelle. Simultanément la réflexion sur le devenir du parc social dégradé s'amorce comme nous le verrons plus loin, mais l'objectif pour l'État est aussi d'inciter les classes moyennes à quitter l'habitat social collectif pour les lotissements pavillonnaires dans les communes alentour, accélérant le processus de dévalorisation de quartiers, un court moment si convoités.

Il faut reconnaître que la géographie de la politique de la ville reflète les faibles revenus des habitants bien au-delà des quartiers concernés par le renouvellement urbain. En 2014, sous la présidence de François Hollande, il a été décidé de réorienter les objectifs en privilégiant le critère de la concentration de pauvreté pour redessiner les périmètres des quartiers prioritaires. Cet infléchissement visait à relativiser les caractéristiques urbaines où celles qui décrivent le parc immobilier par rapport aux indicateurs sociaux simples et indiscutables. Désormais un territoire devient quartier prioritaire lorsqu'il remplit un critère unique : le revenu par habitant comparé aux revenus moyens de l'agglomération où se situe le quartier, et à ceux de la France (Décret n° 2015-1138 du 14 septembre 2015 rectifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville). Après cette refonte il s'agit de la juxtaposition de carrés de 200m de côté où habitent, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), au moins 1000 personnes bénéficiant en 2011 de moins de 1 128 euros par mois dans un périmètre de 2 km². Cette méthode a permis de repérer 1 514 quartiers prioritaires (dont 1 296 en Métropole). Ils accueillent dans 859 communes 8% de la population française : 5,4 millions de personnes dont 2 millions de jeunes de moins de 24 ans, 70,8% d'ouvriers et employés, 39% de moins de 25 ans, 29,4% d'immigrés, 23,6% d'étrangers. Cet ensemble inédit concentre la pauvreté, la délinquance, la violence sociale, et l'insécurité.

Un maillage que la politique volontariste de démolition/reconstruction, commencée aux Minguettes dans la banlieue sud de Lyon en 1983 et amplifiée dans les années 1990/2020, n'a pas pu métamorphoser en transformant l'habitat, en sécurisant les espaces publics, en désenclavant les quartiers par les transports urbains (bus, métros, tramways). Ces grands projets sont longs, coûteux et complexes et parfois décalés par rapport aux attentes plus urgentes des habitants en matière de sécurité, d'école et d'emploi. Même lorsque le cadre de vie a été embelli et sensiblement amélioré le niveau de ressource des habitants est resté très faible, les écarts n'ont pas été résorbés et l'image des "quartiers" peine à changer dans un environnement qui a continué de s'urbaniser et de s'équiper. La question de l'efficacité de l'allocation des ressources publiques massivement orientées vers la rénovation urbaine mérite d'être posée.

50 ans de réflexions, d'ajustement et d'hésitations

Force est de constater que la politique de la ville n'est qu'une toute petite part des politiques publiques déployées en banlieue pour tenter de corriger les inégalités. Il faut aussi citer le déploiement des réseaux de transports collectifs, les politiques éducatives adaptées, l'implantation volontariste d'équipements sportifs et culturels destinés à l'ensemble de la ville etc. Pour éviter les jugements anachroniques qui masquent les progrès accomplis, on doit restituer le sens de la dizaine de "plans banlieue" lancés depuis quarante ans. Leur fil conducteur est la lutte contre la ségrégation sociale et les discriminations en se rappelant que les crédits "politique de la ville" n'ont jamais dépassé 1% du budget de l'État. En revanche, les crédits de droit commun affectés à ces quartiers sont restés inférieurs à ce qu'ils sont dans les quartiers plus favorisés des centres-villes notamment parce que les fonctionnaires qui y travaillent (enseignants, policiers, travailleurs sociaux) sont en début de carrière, moins bien payés et moins stables, et que ces communes ont souvent de moindres capacités financières.

Diversification des dispositifs

Depuis les années 1980/90, le devenir des quartiers populaires est marqué par des hésitations : étendre où resserrer le nombre de quartiers prioritaires pour ne pas disperser les moyens, diversifier les actions sociales et éducatives ou accélérer la mise à niveau du bâti, affecter des moyens réellement supplémentaires où apporter d'abord plus de crédits de droit commun.

En 1977/1981, la procédure "Habitat et Vie Sociale" finance la réhabilitation d'une cinquantaine de cités dégradées, mais si rapidement dévalorisées après avoir été si appréciées. En 1981-1984, la gauche au pouvoir amplifie le "Développement Social des Quartiers (DSQ)" dans 16 sites expérimentaux et crée les zones d'éducation prioritaire (ZEP) pour corriger l'inégalité par le renforcement sélectif de l'action éducative là où le taux d'échec scolaire est le plus élevé.

La décennie 1980 marque l'extension géographique (148 conventions DSQ sur la période 1984-1988, 296 de 1989 à 1993) et la mobilisation de l'appareil administratif : création de la mission "Banlieues 89" et de la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DSU). Treize contrats de ville signés et une série de rapports tentent d'élargir le projet au-delà du strict urbain.

La décennie 1990 conforte le portage politique, c'est-à-dire la densification des actions et acteurs locaux : assises "Banlieues 89" ; nomination par le président François Mitterrand de Michel Delebarre ministre d'État chargé de la politique de la ville accompagné de 13 sous-préfets chargés de mission (ils seront 15 en 1992, 30 en 1993, et 31 en 2023) ; nomination en 1993, par le Premier ministre Edouard Balladur, de Simone Veil ministre d'État chargé des affaires sociales, de la santé et de la ville. 214 contrats de ville sont signés sur la période 1994-2000, 247 entre 2000 et 2006. En 1996, le Pacte de relance pour la ville renforce la dimension économique avec les zones franches urbaines (ZFU) où les exonérations fiscales et de charges sociales doivent favoriser le développement de l'emploi notamment parmi les jeunes hommes. L'ensemble des rencontres nationales élargissent les réflexions de l'urbain au social (sur la prévention de la délinquance à Montpellier, sur l'éducation à Tours, sur le développement économique et emploi à Nantes et sur le renouvellement urbain et grands projets de ville à Vaux en Velin).

Le tournant du Programme national de renouvellement urbain

En 2003, constatant que l'objectif de mixité sociale avait échoué, la loi Borloo change de méthode avec le Programme national de rénovation urbaine mis en œuvre par l'Agence Nationale (ANRU) pour diversifier le parc immobilier dans les quartiers classés zones urbaines sensibles (ZUS). La démolition/reconstruction est affichée comme levier pour reconquérir des territoires gangrenés par la drogue et mixer logements sociaux, logements privés, accession à la propriété, création d'équipements publics (écoles, parcs, médiathèque), de commerces. Les ménages dont les logements sont démolis doivent être relogés dans des conditions adaptées à leurs besoins et ressources, autant que possible en dehors du quartier que l'extension des transports ouvre vers le centre des agglomérations. Le but est de faire revenir les catégories sociales populaires qui avaient massivement quitté ces sites à partir des années 1970. Porté par l'envie d'accéder à la propriété et de changer de statut social, le parcours résidentiel de nombreux locataires les a fréquemment menés vers l'habitat pavillonnaire périurbain dont on mesure aujourd'hui certaines difficultés.

En décembre 2002, l'ANRU présente un bilan sur la période 2004/2021 : 546 quartiers ont été concernés, 164 000 logements démolis (dont 92% construits entre 1957 et 1976), 142 000 reconstruits dont 53% hors site, 408 000 réhabilités (17 000 euros par logement), et 2 346 équipements (lieux culturels, écoles, etc.) construits. Ces chantiers ont représenté 48,8 milliards d'euros d'investissements dont 11,2 milliards d'euros de subventions de l'ANRU, elle-même financée par Action logement (participation des employeurs à l'effort de construction pour financer le logement des salariés à revenus modestes ) et par l'Union Sociale de l'Habitat. Ils ont profité au BTP, créé 40 000 emplois en visant l'insertion professionnelle, rapporté 4 milliards d'euros de TVA et 6 milliards d'euros de cotisations sociales. Mis à part ces effets socio-économiques, on peut également s'interroger sur les effets écologiques et environnementaux de ce cycle de construction-démolition-reconstruction…

La politique de la ville n'a pas anticipé ni régulé les mutations socio- démographiques des quartiers.

Les premiers occupants du parc social étaient les familles françaises avec enfants du baby-boom, puis les rapatriés de la décolonisation mais encore peu de personnes âgées où isolées. Ces locataires, majoritairement employés et ouvriers, comptaient peu de cadres moyens où supérieurs, tandis que les populations étrangères et immigrées étaient logées dans les taudis des quartiers anciens, bidonvilles, foyers pour célibataires, hôtels meublés, cités de transit ou d'urgence.

En 1976, le gouvernement a décidé une nouvelle politique d'immigration : aide au retour, maintien du nombre d'étrangers, autorisation du regroupement familial, intégration par des conditions de logement semblables à celles des familles françaises. La mobilité résidentielle et les règles d'attribution des logements HLM ont facilité l'installation de familles étrangères modestes que l'APL a rendues solvables. L'idée était de les répartir suivant des quotas d'environ 15%, mais cette intention a dérivé vers des logiques de regroupement communautaire dont les effets induits n'ont pas été anticipés notamment la composition des publics scolaires, l'offre commerciale ethnicisée, et le choc des cultures.

En 1983, les lois de décentralisation ont transféré les permis de construire aux maires qui décident parfois abusivement du peuplement de leur commune. En 1991, la loi d'orientation pour la ville (LOV) proclame le droit à la ville pour tous. En 2000, la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) oblige les communes des grandes agglomérations à disposer d'au moins 20% de logements sociaux (objectif porté à 25% en 2014). L'objectif national de mixité sociale doit encadrer les choix plus ou moins égoïstes de chaque commune, notamment les plus bourgeoises qui s'opposent à l'équité territoriale et sociale. Simultanément et contradictoirement d'autres mesures ont accéléré le départ des ménages les moins pauvres comme la généralisation du surloyer et le prêt à taux zéro facilitant l'accession à la propriété.

Depuis, bailleurs et élus sont confrontés à des nouveaux locataires toujours plus précaires, car ils correspondent aux critères prioritaires d'attribution liés au droit au logement opposable (DALO). Tout ceci dans un environnement où la pénurie de logements sociaux reste forte (notamment femmes seules avec enfants) et où il faut aussi répondre aux besoins du contingent du préfet, en charge du relogement des ménages précaires où prioritaires. Cette augmentation du nombre de familles monoparentales (23% de familles avec enfants de moins de 18 ans selon l'Insee en 2016) peut expliquer le déficit d'autorité familiale et de suivi de certains enfants. En

2017 l'"appel de Grigny» signé par de nombreux maires a été suivi en mai 2018 d'un nouveau rapport Borloo intitulé "Plan de réconciliation nationale". Ses 19 volets voulaient "faire revenir la République" dans les quartiers face au "repli identitaire et communautaire". Le président de la République l'a écarté, mais il a lancé le Nouveau PRU (dont le budget a doublé de 6 à 12 milliards d'euros) qui prévoit d'ici 2030 de démolir 110 000 logements et d'en construire ou réhabiliter 250 000. Pour annoncer la suite de cette politique fortement attendue par de nombreux maires, le Comité interministériel des villes, tenu le 30 juin 2023, devait donner une forme nouvelle aux contrats de ville et annoncer le plan "quartiers 2030". On n'en connaît pas encore le contenu précis.

Réduire les écarts entre les quartiers : quels leviers pour y parvenir ?

On constate aujourd'hui que la politique de la ville n'a pas réduit les écarts avec les autres quartiers. Malgré les moyens publics mobilisés, la ségrégation sociale et ethnique s'est plutôt renforcée au gré des dynamiques locatives et métropolitaines. Sachant que les personnes plus habiles et qualifiées sont parties pour poursuivre leur cycle de vie et s'assurer ailleurs une égalité des chances, le devenir des "quartiers" dépend moins de la population déjà sur place que des flux qui y concentrent la majorité de la pauvreté et l'immigration récente plus diverse et plus lointaine. Il ne suffira pas de reproduire de nouveaux plans ni d'accroître substantiellement les fonds "politique de la ville" sans affronter les points durs qui sont à la racine d'une crise sécuritaire, sociale, éducative, et politique :

La police : Depuis les années 1980, les contrôles d'identité nourrissent, chez certains, un ressentiment à l'égard des forces de l'ordre. Tout indique que la question délicate de la sécurité doit être impérativement traitée pour surmonter la désaffection politique des habitants des cités et leur méfiance à l'égard de tout ce qui incarne l'autorité, la justice, la police, les institutions, les élus…

L'école : Un autre dysfonctionnement crucial touche l'école qui ne parvient plus à diffuser le savoir et une culture commune là où elle incarne trop souvent l'échec et l'impuissance face au narratif de substitution porté par un public juvénile radicalisé et connecté. Le dédoublement des classes de CP dans ces quartiers est un premier pas trop timide pour compenser le rôle éducatif du milieu familial. L'usage du dispositif ZEP par les enseignants débutants comme accélérateur de carrière n'a pas renforcé la présence, la stabilité et la cohésion des équipes éducatives confrontées à des problématiques inédites.

La pauvreté : L'appauvrissement d'une fraction importante des couches populaires frappées par la désindustrialisation et le chômage interroge les politiques économiques, de formation et d'orientation professionnelle. Les zones franches n'ont pas permis de retrouver une dynamique d'intégration par le travail des jeunes hommes sortis du système scolaire sans qualification qui occupent l'espace public. Leur précarité matérielle a été compensée par la diffusion du trafic de drogue dans les environ 3 200 points de deal recensés par le ministère de l'intérieur en 2022 qui font vivre une partie des familles, même si 70 000 chômeurs de moins dans ces quartiers ont surtout bénéficié d'emplois ubérisés. Les jeunes filles se sont mieux adaptées à l'économie de service dans ces quartiers où le taux de chômage des moins de 30 ans atteignait 30% en 2020.

L'emploi et la formation : sujets à l'ordre du jour avec la réforme de la formation professionnelle et le développement de l'apprentissage.

La gouvernance : un sujet politique transversal concerne le mode de gouvernance des agglomérations où les inégalités internes se recomposent aux échelles de plus en plus fines. Faute de politiques fiscales et urbaines plus inclusives, c'est-à-dire davantage axées sur la coopération intercommunale et un meilleur partage des ressources et des logements sociaux, on observe le décrochage durable de certains territoires pauvres et la sécession spatiale des plus favorisés confortés par certains maires qui refusent d'étendre leur parc de logements sociaux pour demeurer un village protecteur. Pour dépasser ces contradictions n'est-il pas temps qu'un gouvernement métropolitain démocratiquement élu au suffrage direct par tous les habitants d'une agglomération remplace la juxtaposition de petites patries communales inégales, fragmentées et concurrentes ?

Sortir de l'idée "un problème, une solution"

Ce rappel de quelques grandes étapes des politiques urbaines portées par l'État dans les quartiers populaires montre combien la construction et la rénovation de ces quartiers, le développement continu d'équipements publics, l'élargissement des interventions à d'autres domaines ne peuvent freiner les dynamiques globales de notre société.

Ces quartiers sont partie prenante d'un marché immobilier et le reflet d'évolutions globales marquées par la force et la prégnance des inégalités. Certains pensent que les moyens ont été insuffisants où mal ajustés, quoi qu'il en soit ils n'ont pas pu enrayer la farouche concurrence entre les territoires pour accueillir certaines populations et en écarter d'autres. De même, on n'a pas su anticiper et maîtriser les effets pervers de politiques d'aménagement dont on mesure maintenant les effets notamment avec l'étalement urbain, facilité par la généralisation de l'automobile. Bref, l'État n'a cessé d'intervenir, mais il n'est pas le seul et les acteurs privés comme les maires sont aussi des partenaires essentiels, co-auteurs des bons résultats où des échecs constatés.

27 septembre 2023


 

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