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Pierre Mansat et les Alternatives

Luttes émancipatrices,recherche du forum politico/social pour des alternatives,luttes urbaines #Droit à la Ville", #Paris #GrandParis,enjeux de la métropolisation,accès aux Archives publiques par Pierre Mansat,auteur‼️Ma vie rouge. Meutre au Grand Paris‼️[PUG]Association Josette & Maurice #Audin>bénevole Secours Populaire>Comité Laghouat-France>#Mumia #INTA

Paris "« Pourquoi réinventer une guerre des grilles? " une tribune Chiara Santini, Gwenaël Querrien, Bernard Landau

« Pourquoi réinventer une guerre des grilles ? »
Tribune 8 septembre 2023
Alors que la mairie de Paris doit entamer à l’automne la dépose d’une partie des grilles qui entourent les squares des boulevards Jules Ferry et Richard Lenoir en vue de la transformation de cette coulée verte, Chiara Santini, historienne, professeure à l’ENSP de Versailles, Bernard Landau, architecte-urbaniste et Gwenaël Querrien, critique architecture-ville-paysage défendent, dans une tribune, les fonctions de ces grilles et mettent en garde sur les conséquences de leur disparition, soulignant notamment, dans une mise en perspective historique, leur consubstantialité avec les jardins qui les entourent.
Depuis plusieurs mois se développe à Paris l’idée selon laquelle les grilles, qui depuis fort longtemps ceinturent la majorité des squares et parcs de la ville, seraient des dispositifs révolus, vestiges d’une époque où manquait l’esprit d’ouverture. Aujourd’hui la grande idée serait pour certains que la ville elle-même devienne un grand jardin ; ce qui fait penser – soit dit en passant – au vieux rêve de la ville à la campagne, sans considération pour les réalités du terrain…
Dans le programme municipal pour plus de nature en ville – avec l’invention des « forêts urbaines » où quelques arbres plantés sur une place symbolisent une forêt —, le nouveau mot d’ordre semble être de « faire tomber les barrières » pour avoir un espace public continu ; cela sans penser que des lieux de natures et d’usages divers justifient différents types de gestion pour le bien-être des habitants (ouverture, entretien, sécurité y compris liée aux intempéries).
Une contre-allée plantée, une grande place arborée, un terre-plein végétalisé, une « forêt urbaine », le mail du Cours-La-Reine, celui de l’avenue René-Coty, un square petit ou grand, un parc : tous ces lieux sont autant d’espaces publics plantés ; mais sont-ils pour autant de même nature ?
Une place, par essence espace de circulation à la croisée de voies, même si elle est plantée d’une forêt urbaine, n’est ni un square, ni un jardin, et si l’urgence climatique nous dicte de désimperméabiliser, végétaliser et rafraîchir Paris, une des villes les plus denses au monde, elle n’impose en rien d’enlever les grilles des jardins publics ! Ces derniers sont des lieux de détente et de loisirs où l’on se pose, souvent en famille avec de jeunes enfants, même si l’on peut aussi s’y promener, à l’abri de toute circulation autre que piétonne.
Pourquoi les Parisiennes et les Parisiens sont-ils inquiets ?
Faire tomber les grilles – qui, de fait, sont moins des barrières que des filtres, parfois très beaux, de simples mises à distance qui maintiennent la continuité visuelle tout en sanctuarisant les jardins – semble obséder certains de nos élus comme en témoignent des décisions et des déclarations récentes de hautes autorités de la ville.
Ainsi, un petit square proche du Cirque d’Hiver, le square Pasdeloup, vient d’être récemment « réaménagé » par la dépose de ses grilles avec un résultat pour le moins incertain et contesté par les usagers.
Il serait aussi question que le square de la Tour Saint-Jacques subisse le même sort comme le laisse craindre l’annonce faite par la maire de Paris dans le cadre d’un communiqué sur le réaménagement de la place du Châtelet et de ses abords. Une controverse existe aujourd’hui sur ce sujet précis pour deux projets importants de la municipalité : le square Jean-XXIII aux abords de Notre-Dame, qui devrait perdre ses clôtures pour la création d’un « grand parc des berges » s’étendant jusqu’à la pointe orientale de l’Ile de la Cité, et les quatre squares rythmant la grande promenade arborée des boulevards Jules-Ferry et Richard-Lenoir, qui se verraient supprimées tout ou partie de leurs grilles dans le cadre d’un projet de réhabilitation des 4 km du terre-plein central continu allant de la rue du Faubourg-du-Temple à la place de la Bastille. Associations de riverains opposés aux projets, pétitions en ligne, recours juridiques pour abus de pouvoir, articles de presse : la polémique bat son plein. Dans le même temps, face à la dégradation et aux agressions nocturnes dans les jardins du Champ de Mars, on entend parler de l’éventualité d’y installer des grilles… Comprenne qui pourra !
Pourquoi les squares, parcs et jardins publics parisiens ont-ils en général des grilles ?
Il n’est pas inutile de le rappeler, les grilles de clôture des jardins publics dans une ville qui a toujours été très dense comme l’est Paris, quels que soient leur hauteur ou leur aspect, sont un élément de mobilier urbain qui joue et cristallise plusieurs fonctions. Elles séparent le jardin, espace de détente et de repos, des voies de circulation urbaine, bruyantes et potentiellement accidentogènes, tant du fait de la circulation (bus, voitures, vélos, trottinettes électriques…) que du commerce (livraisons…). Dans une ville peu pourvue en cours et jardins privés, elles protègent les jeux des jeunes et des moins jeunes, permettent la cohabitation dans un même lieu verdoyant d’une grande variété d’usages et d’usagers qui trouvent là des espaces extérieurs agréables, disponibles aux différentes heures de la journée et des saisons. Tout aussi important, elles protègent les plantations et leur biodiversité, en particulier les arbustes, les haies et les massifs de fleurs qui sont les plus exposés aux détériorations. Elles sont un élément du décor et de la beauté de la ville, certaines étant d’ailleurs protégées au titre des Monuments historiques. Le dessin souvent très soigné de leurs ferronneries, scellées dans un soubassement en pierre ouvragé (comme pour les stations de métro), exprime à la fois la grande variété de styles de différentes époques et une unité qui signe l’esthétique de Paris magnifié par divers manifestes littéraires sur l’espace public parisien.
Elles déterminent enfin, selon leur positionnement toujours conçu dans une approche globale des squares et jardins, des parcours susceptibles d’avoir des répercussions sur les activités des commerces et sur la valeur d’emplacement du marché immobilier.

Un vieux débat qui en cache d’autres, plus concrets
Les craintes actuellement exprimées par les riverains du square Jean-XXIII ou des jardins des boulevards Jules Ferry et Richard-Lenoir gagneraient à être mises en résonance avec un débat qui anime la politique municipale depuis presque deux siècles et qui a contribué à forger la façon dont les Parisiennes et les Parisiens fréquentent et appréhendent leurs jardins de proximité.
Les archives de l’administration, tout comme celles des débats au sein du Conseil de Paris, offrent de très nombreux exemples en ce sens. De l’état d’entretien à l’effet esthétique, du respect des horaires d’ouverture à celui de fermeture, les Parisiens semblent scruter avec attention les grilles de leurs jardins. Du point de vue des services, la sécurité des usagers et la conservation des plantations sont les deux enjeux prioritaires des clôtures : c’est pourquoi parfois l’administration est amenée, sollicitée par des riverains excédés, à en ajouter même là où elles n’étaient pas prévues. C’est ce qui est arrivé, par exemple, au square de Belleville en 1877 et aux plateaux plantés du parvis de Notre-Dame en 1882, où la surfréquentation et les chiens ravageaient les pelouses et les buissons. Et quand ces mesures se sont avérées insuffisantes, c’est l’aménagement tout entier qui a été repensé, voire tout bonnement supprimé, comme dans le cas du square de l’Église Sainte-Élisabeth où des parterres de la place Voltaire, démantelés respectivement en 1880 et 1891, car impossibles à entretenir [1].
En règle générale, les responsables des services des « promenades et plantations » et les préfets affirmaient unanimement que « supprimer les grilles c’est tuer un jardin » et on passait très vite aux vrais problèmes curieusement toujours actuels : manque de moyens pour l’entretien dans certains quartiers, manque d’effectifs qualifiés, salaires trop bas des gardiennes et gardiens que l’on a du mal à recruter… Tandis que les services de communication de la Ville n’ont cessé d’enfler, les services d’entretien des espaces publics (dont les jardins) et les moyens alloués se réduisent, entraînant des pertes de savoir-faire conséquentes auxquelles ne saurait suppléer la pratique de la sous-traitance. Ce constat est reconnu par nombre de Parisiennes et de Parisiens ces dernières années.
L’expérience récente du square de la Tour Saint-Jacques
L’histoire récente du square de la Tour Saint-Jacques, dont l’avenir reste en suspens, pourrait fournir une intéressante matière de réflexion à nos élus. En 1968, le conseil municipal a voté l’ouverture au public de ce du jardin « d’une façon permanente, le jour comme la nuit ». Il s’agissait, fut-il annoncé, d’un essai s’inspirant des exemples des jardins de Kiev et plus généralement « des villes de la Russie soviétique [2] » et destiné à être étendu à d’autres squares. On enlève alors les grilles, on dégage des massifs [3] et on installe l’éclairage nocturne. Mais, dès le début des années 1970, les riverains commencent à dénoncer « l’état lamentable » et la « saleté repoussante » du jardin. L’« expérience » [4] suscite une enquête à plus large échelle, menée par la préfecture. Elle montre que la grande majorité des usagers préfère les jardins fermés, ou à la limite avec des formules mixtes de fermeture, qui assurent la sécurité des enfants et marquent la séparation entre le mouvement de la voie publique et l’espace protégé et reposant du jardin [5]. Ainsi, en 1997, regrettant qu’après la suppression des grilles le square de la Tour Saint-Jacques ait « perdu tout caractère de jardin », pour devenir « plus un lieu de passage qu’un lieu de repos et de détente » [6], le conseil d’arrondissement, soutenu par la Commission départementale des sites, obtient son réaménagement selon le tracé d’origine et la remise en place des grilles de 2m20 [6] !
Le fait d’installer ou d’ôter les grilles est donc un changement significatif, non seulement de la composition, du gardiennage et du statut de l’espace planté — dont la gestion bascule entre le service des parcs et jardins et celui de la voirie, avec tout ce que cela comporte en termes de compétences techniques mobilisées et de moyens financiers — mais également de ses usages, de sa fréquentation et même de son existence.
À qui profite le crime ?
Face aux nombreuses protestations exprimées par les associations d’habitants, il est légitime de se demander qui sont véritablement les destinataires de ces propositions de transformation et quelles conceptions spatiales habitent la décision. Loin des lectures superficielles de la Ville qui semblent nourrir le discours de certains élus – selon lesquels un espace public, pour être véritablement considéré comme tel, devrait être accessible à toute heure, indépendamment des contraintes imposées par sa gestion et sa conservation – et alors que sont chantées les louanges de « la ville du quart d’heure » [7], donc valorisés les équipements de proximité, les attentes et les besoins des riverains sont-ils le moindrement pris en compte dans le processus décisionnel et dans l’élaboration des projets ? Avec les nouvelles exigences de désartificialisation et de verdissement maximal de la ville lié au réchauffement climatique, ne faut-il pas inverser la tendance et renforcer d’urgence les effectifs et les budgets des services techniques pour l’entretien et la gestion de ces nouveaux espaces comme de tous les espaces verts ? Et, plus largement, comment ces interventions s’articulent-elles avec la vie du quartier, les activités de proximité, l’histoire du site et de ses transformations successives
Entre, d’une part, l’hypertourisme installé dans un espace public de plus en plus marchandisé qui envahit progressivement tous les quartiers du centre de Paris et, d’autre part, l’attention portée au respect de la vie locale dans la richesse de ses diversités d’activités et de populations, il va falloir exprimer des choix clairs et argumentés.
En voulant transformer tout l’espace de la rue en jardin, nos édiles risquent finalement de transformer les jardins en rues !
1 :  Chiara Santini, Adolphe Alphand et la construction du paysage de Paris, Paris, Hermann, 2021, p. 252-256.
2 : Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 25 novembre 1967.
3 : Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 13 janvier 1968.
4 : Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 13 janvier 1968.
5 : Cf. « Espaces verts dans Paris », Paris Projet, 4, octobre 1970, p. 36 et Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 11/06/1970.
6 : Sites et Monuments, premier juillet 1995.
7 : Cf. Projet du PLU bioclimatique de Paris.

 

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