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Pierre Mansat et les Alternatives

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L’historien de l’architecture Jean-Louis Cohen, l’un des grands passeurs de son temps, est mort

erreur: ses filles sont Mathilde et Vera

erreur: ses filles sont Mathilde et Vera


L’historien de l’architecture Jean-Louis Cohen, l’un des grands passeurs de son temps, est mort
L’architecte, professeur invité au Collège de France et dans de nombreux autres établissements à travers le monde, s’est éteint, le 7 août, à l’âge de 74 ans.
Par Isabelle Regnier

Jean-Louis Cohen est mort, lundi 7 août, à 74 ans, dans sa maison en Ardèche. Et le monde de l’architecture se retrouve orphelin. Architecte, historien de l’architecture, théoricien et critique, titulaire d’une chaire d’histoire de l’architecture à l’Université de New York (NYU), professeur invité au Collège de France et dans de nombreux autres établissements à travers le monde, membre des conseils scientifiques du Musée d’art moderne de New York (MoMA), du Centre canadien d’architecture à Montréal, de l’Académie des arts de Berlin, entre autres, l’homme était bien plus que tous ces labels réunis. Une soif inextinguible de savoir, une mémoire hors du commun, la maîtrise d’une petite dizaine de langues, une trajectoire historique fascinante, un plaisir à partager son savoir le classaient dans la catégorie des grands passeurs, ces personnalités rares et si précieuses qui marquent les esprits autant que les cœurs.
Avant d’arriver sur ce lieu de vacances où une piqûre d’hyménoptère a eu raison de son incroyable puissance de vie (il était allergique), il était à Shanghaï pour une exposition sur le Paris de l’entre-deux-guerres dont il était cocommissaire (« Paris Moderne 1914-1945 : Architecture, Design, Film, Fashion »). En juin, on l’a vu à Porto au vernissage de la belle exposition consacrée à Paulo Mendes da Rocha, dont il a assuré le commissariat avec l’historienne de l’architecture Vanessa Grossman. Et, avant cela, à New York, où il terminait l’année à NYU.
Jean-Louis Cohen laisse derrière lui deux filles, Mathilde et Vera. Et de nombreux projets. Un catalogue raisonné des dessins de Frank Gehry, huit tomes au total, dont seulement le premier est paru en 2020, aux éditions Cahiers d’art. Le deuxième et le troisième devraient suivre bientôt, mais les autres sont désormais en suspens. Il s’était, par ailleurs, lancé dans une entreprise de relecture de l’histoire de l’architecture de la Russie moderne dans son périmètre impérial, tsariste ou bolchevique, depuis le point de vue des anciens « satellites ». Il planchait aussi sur une histoire de l’architecture française sous le régime de Vichy, provisoirement intitulée Le Maréchal et les architectes.
« Une falaise intellectuelle »
Spécialiste de tout, Jean-Louis Cohen l’était véritablement dans le domaine de l’architecture moderne. Vous aviez un projet sur le constructivisme russe ? C’est vers lui qu’on vous renvoyait. Sur le périphérique parisien ? Vers lui aussi. Sur Le Corbusier ? Los Angeles ? Alger ? Berlin ? New York ? Toujours lui. « Une falaise intellectuelle, un géant de l’architecture moderne », résume le critique d’architecture François Chaslin, qui l’a connu quand il avait 15 ans dans une classe de neige organisée par le Parti communiste en Tchécoslovaquie.
« Même enfant, c’était stupéfiant ce qu’il savait, sa capacité d’analyse…, dit-il. Mais c’était tout sauf un polar ! Sa boulimie de savoir était très joyeuse, greffée sur des virées en auto-stop, beaucoup de temps à la Cinémathèque, des nuits à traîner dehors, un goût pour l’aventure… » L’esprit structuré de l’universitaire, la puissance de travail hors du commun s’accordaient chez lui, poursuit son ami, avec un goût du jeu de mots, un humour juif savoureux – « Ce goût pour l’autodérision forgé dans les expressions en yiddish, le drame tourné à la farce… »
Né à Paris le 20 juillet 1949, Jean-Louis Cohen a passé beaucoup de temps, étant enfant, dans les pays du bloc socialiste, avec son père tout d’abord, Francis Cohen (1914-2000), un ancien résistant devenu journaliste à L’Humanité, puis rédacteur en chef de La Nouvelle Critique, revue officielle du Parti communiste français, dont le jeune Jean-Louis aura lui-même un temps la carte. Sa mère, Marie-Elisa Nordmann (1910-1993), ingénieure chimiste, résistante et militante communiste elle aussi, a survécu au camp d’extermination d’Auschwitz. Un grand-père architecte, un autre linguiste, spécialiste de sanskrit, ont contribué à plonger son enfance dans un bain d’érudition heureuse.
Passé par l’Ecole spéciale d’architecture, il intègre, après Mai 68, l’unité pédagogique UP6 et obtient son diplôme d’architecte en 1973. Il multiplie les voyages, notamment à Moscou, dans le cadre d’un programme de recherche au parfum d’espionnage industriel pour le compte de l’Etat français qui le conduit, dès 1978, à monter (avec Alexeï Goutnov) sa première exposition, sur l’espace urbain soviétique, au Centre Pompidou. En 1979, il est un des commissaires de la grande exposition « Paris-Moscou » du même Centre Pompidou.
Rayonnement aux Etats-Unis
Auteur d’une thèse sur André Lurçat (1894-1970), qu’il soutient en 1985 à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Jean-Louis Cohen a enseigné à l’Ecole d’architecture Paris-Villemin, occupé la chaire Histoire des villes à l’Institut français d’urbanisme de l’université Paris-VIII. Directeur du programme de recherche architecturale du ministère de l’équipement au tournant des années 1980, il s’est vu confier, deux décennies plus tard, la mission de préfiguration de la Cité de l’architecture, que des affaires d’alternance politique l’empêcheront de mener à son terme.

Mais la France ne lui suffisait pas. Il se défiait en outre, comme il s’en expliquait, en juin, dans un entretien donné à la revue D’A, de « l’aspect franco-français de l’histoire de l’architecture et du discours sur l’architecture en France ». La fascination qu’il cultivait pour la culture italienne le conduit à suivre les cours du théoricien de l’architecture Manfredo Tafuri (1935-1994), avec qui il montera ensuite de nombreux projets, et à écrire dans la prestigieuse revue Casabella.

Sa relation avec Monique Eleb, sociologue spécialisée dans l’habitat (morte le 26 mai), originaire de Casablanca, fait fermenter un travail remarquable sur la capitale économique du Maroc (Casablanca. Mythes et figures d’une aventure urbaine, Hazan, 1998, réédité en 2019). Longtemps désiré, longtemps différé (« Mon passeport était marqué à l’encre rouge »), son premier voyage aux Etats-Unis est une bascule dans son parcours : à partir de 1994, année où il obtient sa chaire à NYU, il passe la moitié de l’année dans ce pays où son rayonnement allait finir par dépasser celui qu’il avait en France.

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Art du court-circuit provocateur

Ce besoin de décentrement aura forgé une approche intellectuelle transversale qui le conduisait à aborder l’architecture dans son rapport avec la ville, la société, l’histoire, la politique, à opérer par thématiques en cultivant un art bien à lui du court-circuit provocateur. Quelques exemples : « Des fortifs au périf » (exposition au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, en 1991) ; « Architecture en uniforme : projeter et construire pour la seconde guerre mondiale » (exposition au Centre canadien d’architecture de Montréal et catalogue chez Hazan en 2011) ; L’Architecture au futur depuis 1989 (Phaïdon, 2012) ; « Le Corbusier. An Atlas of Modern Landscapes » (exposition au MoMA en 2013) ; « Construire un nouveau Nouveau Monde : l’amerikanizm dans l’architecture russe » (exposition au CCA de Montréal, catalogue coédité avec les Editions de La Villette, 2019)…

Fin politique, Jean-Louis Cohen montait volontiers au front pour les causes qui lui tenaient à cœur. En première ligne pour sauver, à Clichy (Hauts-de-Seine), la Maison du peuple de Beaudouin, Lods, Prouvé et Bodiansky, en 2017, d’un projet d’immobilier de luxe qui menaçait de la dénaturer, il fut aux commandes de la formidable opération de restauration de la villa E-1027 d’Eileen Gray, à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes).
Il s’est beaucoup investi, par ailleurs, dans la défense des logements sociaux de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Mais aussi dans une entreprise de blanchiment moral de Le Corbusier, en 2015, quand la parution de trois ouvrages sur les liens de l’architecte avec le fascisme menaçait de ruiner les efforts de la Fondation Le Corbusier pour faire classer son œuvre au Patrimoine mondial de l’Unesco.

 

 

 

 

 

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