30 Juillet 2021
Réaction du collectif «Accès aux archives publiques » à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2021 relative à l’article concernant l’accès aux archives dans loi PATR (prévention d’actes de terrorisme et au renseignement)
Paris, le 30 juillet 2021. Le Conseil constitutionnel a rendu il y a quelques minutes sa décision sur la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement.
Il a estimé que l’article 25 (ancien article 19), concernant l’accès aux archives publiques, ne méconnaissait aucune disposition de valeur constitutionnelle.
Si l’article 25, selon le Conseil constitutionnel, ne viole donc pas la Constitution, il n’en représente pas moins une rupture historique : c’est la première fois en France qu’une loi revient en arrière dans l’accès à différentes catégories d’archives publiques - si l’on excepte le cas très particulier des armes de destruction massive réglé en 2008 du fait d’obligations internationales.
L’article 25 construit, en particulier, un régime d’incommunicabilité des archives des services de renseignement qui ne dit pas son nom. Avec ce texte, en effet, la grande majorité des archives de ces services est susceptible de devenir inaccessible, et ce, sans aucune limite de durée autre que celle que ces mêmes services décideront et selon des modalités de contrôle incompatibles avec les conditions de la recherche historique.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins formulé deux réserves d’interprétation, dont l’une est particulièrement importante : l’allongement des délais prévu à l’article 25 est inapplicable aux documents d’archives publiques « dont la communication n’a pas pour effet la révélation d’une information jusqu’alors inaccessible au public ». En d’autres termes, et contrairement à ce que prétend l’alinéa 21 de l’article 25, une information qui était déjà accessible doit le rester, qu’elle ait fait ou non l’objet d’une mesure de classification au titre du secret de la défense nationale. Cela signifie concrètement qu’aucune des archives « secret défense » de la Seconde Guerre mondiale, de la IVe République ou encore de la guerre d’Algérie, qui étaient communicables au sens du code du patrimoine, ne pourra faire l’objet d’un refus de communication, quand bien même elle entrerait dans les catégories nouvelles d’archives dont la communication est reportée pour une durée indéterminée.
Cette réserve représente, pour le collectif « Accès aux archives publiques », une vraie victoire. Elle ne résout rien, en revanche, de la situation des archives inaccessibles en 2021, et dont la date de libre communicabilité est reportée sans aucune limite de temps : l’histoire des services de renseignements de 1971 à nos jours sombre, en particulier, dans un grand trou noir dont nulle date de sortie n’est fixée.
Le collectif regrette ce choix politique gouverné par la défiance et la peur, qui décharge certaines administrations des contraintes de transparence et de responsabilité qui devraient être les leurs et entre en contradiction directe avec les différentes annonces du Président de la République sur l’ouverture des archives.
Le collectif n’oublie pas que la mobilisation exemplaire des historiens, des archivistes, des juristes, et des usagers des services publics d’archives en général, aura permis de mettre en
échec une première version de l’article 25, qui organisait une fermeture bien pire encore, tout comme il n’oublie pas que cette première version, en date du 30 mars 2021, avait reçu l’aval unanime des différents ministères, et notamment des ministères spécialement en charge de la conservation et de l’accès aux archives publiques.
Devant cette rupture du lien de confiance, il en tire la conclusion qu’il est désormais urgent que la société civile et les associations professionnelles s’organisent de manière pérenne pour suivre les questions d’archives publiques. Il entend en particulier travailler à la mise en place d’un Observatoire des archives publiques. Il appelle, à ce propos, toutes les personnes intéressées par ces questions à participer à la rencontre-débat qui se tiendra le 13 septembre prochain à la maison de l’Île-de-France de la Cité internationale universitaire de Paris.
Le collectif suivra, en outre, avec la plus grande attention les mesures d’application de l’article 25 de la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Il rappelle à ce propos que plusieurs engagements, aussi limités soient-ils, ont d’ores et déjà été pris publiquement :
- dans une lettre du 26 juillet 2021, le Premier ministre s’est engagé à veiller « à ce que l’application du texte par les services concernés soit exemplaire » et à ce que « les volumes de documents concernés [soient] limités » ;
- lors des débats à l’Assemblée nationale du 2 juin 2021, la ministre des armées s’est engagée à ce que les services dits « de second cercle » susceptibles de bénéficier de l’allongement des délais d’accès aux archives publiques se réduisent à « deux de ces services, le service central du renseignement territorial et la direction du renseignement de la préfecture de police ».
- dans un message à l’ensemble du réseau des archives de France du 1er juillet 2021, la cheffe du service interministériel des archives de France s’est engagée à ce que l’allongement des délais concernant les archives des services de renseignement ne vise pas « les documents faisant état du renseignement recueilli par ces services, mais bien uniquement ceux qui décrivent les méthodes permettant ce recueil ».
Le collectif rappelle enfin que suite à un amendement du sénateur Ouzoulias, les services publics d’archives ont désormais l’obligation d’identifier et d’informer les usagers de l’existence des fonds d’archives qui bénéficieront de l’allongement des délais de communication, et ce, en amont de toute demande de communication particulière. Par le présent communiqué, le collectif demande donc aux Archives nationales, au Service historique de la Défense et aux Archives diplomatiques de satisfaire à cette obligation positive nouvelle que le Parlement a mise à leur charge, et d’informer en conséquence les usagers, dans un délai de deux mois, de l’ensemble des fonds qui bénéficieront effectivement de la prolongation des délais d’accès institués par l’article 25.