7 Juillet 2021
Lettre ouverte aux parlementaires membres
de la Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte
sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif
à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement
L’arrêt du Conseil d’État du 2 juillet 2021 a déclaré illégale et annulé la procédure de déclassification des archives "secret-défense" de plus de cinquante ans. Ces archives redeviennent donc communicables de plein droit, permettant aux historiens de reprendre leur indispensable travail sur la seconde guerre mondiale, la IVeme république ou la guerre d’Algérie.
Après cette décision, il n'est pas possible de poursuivre l'examen de l'article 19 du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement comme si de rien n’était.
La décision du Conseil d’État donne, en effet, une tout autre perspective à cet article. Nul ne peut plus nier qu'il a pour seul et unique objet d'allonger les délais actuels de communication des archives publiques et qu'il n'est pas la mise en œuvre d'une politique d'ouverture pourtant revendiquée.
A la lueur de la décision du Conseil d’État, il serait incompréhensible, pour la crédibilité de la parole publique, qu’aucune conséquence n’en soit tirée.
Maintenant, et maintenant seulement, ce que le gouvernement demande au Parlement apparaît clairement: la fermeture sans limite de durée de la majeure part des archives des services de renseignement, dès lors que toutes les archives qui gardent trace des actions de ces services révèlent dune manière ou d'une autre leurs procédures opérationnelles ou leurs capacités techniques.
Les archives n'appartiennent pas aux seules administrations qui les produisent. Elles sont le bien commun de la nation. Leur accès ne peut pas être gouverné par la défiance ou la peur.
Certaines archives doivent rester inaccessibles pendant longtemps, c'est certain.
Au-delà même, parfois, des délais des 50 ou 100 ans actuellement applicables. Mais ces cas sont rarissimes. Ils doivent rester tout a fait exceptionnels et doivent être très étroitement encadrés. Bien mieux encadrés qu'en l’état actuel de la rédaction de l'article 19.
C'est l'honneur de la République que de défendre le droit d'accès aux archives publiques.
Pierre Audin
Patrick Boucheron
Sylvie Braibant
Robert Frank
Julian Jackson
Henri Leclerc
Isabelle Neuschwander
Michèle Perrot
Robert O.Paxton
Denis Peschanski
Nicole Questiaux
Frederic Rolin
Benjamin Stora
Noé Wagener
Patrick Weil
Annette Wievorka
Les trois associations coordonnant le collectif "Accès aux archives publiques"
Raphaëlle Branche, présidente AHCESR
Céline Guyon, présidente AAF
Pierre Mansat, Président AJMA