16 Juin 2021
Le rapporteur public du Conseil d’État désavoue le gouvernement dans l’affaire des archives "secret défense" et prend position sur le projet de loi PATR
Paris, le 16 juin 2021.
Le Conseil d’État a examiné aujourd’hui en audience publique les recours du
collectif « Accès aux archives publiques » dirigé s contre les dispositions de l’IGI 1300 imposant une
déclassification préalable à toute communication d’archives publiques « secret défense » que le code
du patrimoine déclare pourtant communicables de plein droit après cinquante ans.
Le rapporteur public, Alexandre Lallet, a conclu à l’annulation de ces dispositions dans des termes
extrêmement sévères pour le gouvernement. Il a estimé que la nécessité de cette déclassification
n’existait « que dans l’esprit du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale », qu’elle
avait été « inventée pour les besoins de la cause » au moment même où s’ouvraient les archives de la
guerre d’Algérie, et qu’elle avait « un arrière goût désagréable de subterfuge ». Il a également déploré
le coût représenté par l’application de ces mesures de déclassification inutiles.
Historiens contemporanéistes et archivistes ont donc vu leurs activités essentielles entravées depuis
plusieurs années sans raison légale. Ils regrettent tous les travaux qui n’ont pu être menés ainsi que
la perte de temps qu’a représenté pour eux ce combat juridique.
Dans la suite de ses conclusions, le rapporteur public a donné le cadre constitutionnel dans lequel
pourrait néanmoins, à titre exceptionnel, continuer d’être protégés, au delà de cinquante ans, des
documents restés « sensibles ». Il a posé des barrières beaucoup plus étroites que celles qui figurent
dans l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement,
actuellement en cours de discussion au Sénat : cette protection ne peut concerner que les matériels et
les infrastructures de défense, et donc pas les activités de renseignement, et seulement en cas de
« menace grave pour les intérêts fondamentaux de la nation ».
Cela signifie que l’article 19 du projet de loi en cours de discussion excède, en l’état, le cadre juridique
rappelé par le rapporteur public. Il risquerait, de ce fait, la censure du Conseil constitutionnel.
Le collectif «Accès aux archives publiques » se félicite des conclusions du rapporteur public. Il s’agit
là d’une prise de position majeure . Elle poussera certainement le Parlement à reconsidérer la rédaction
de l’article 19 du projet de loi pour l’adapter à ce cadre juridique nouveau , voire à décider si, compte
tenu de la sévérité de ces conclusions, cet article a toujours lieu d’être.