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Pierre Mansat et les Alternatives

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L'éditorialiste du Monde, Ph.Bernard "Avec la décision de rendre payant, en 2022, le stationnement des motos et des scooters non électriques dans la capitale, Paris se comporte comme si un grand désert s’étendait au-delà du périphérique"

« A Paris comme ailleurs, pour accélérer la transition énergétique, il faut aider ceux qu’elle affecte le plus »

Chronique

auteur

Philippe Bernard

 

Avec la décision de rendre payant, en 2022, le stationnement des motos et des scooters non électriques dans la capitale, Paris se comporte comme si un grand désert s’étendait au-delà du périphérique, observe dans sa chronique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

Chronique. Le boulevard périphérique parisien est souvent présenté non seulement comme le stigmate, mais aussi comme l’une des causes de la ségrégation spatiale qui s’aggrave entre Paris et sa banlieue. Comme s’il suffisait d’effacer ou de recouvrir cette saignée autoroutière pour rétablir davantage d’égalité. Cette évidence apparente demande à être nuancée. Non seulement parce que de plus en plus de communes de la banlieue proche ressemblent à leur arrondissement limitrophe (Montreuil et le 20e, Montrouge et le 14e, par exemple). Mais aussi parce que les véritables manifestations du fossé qui se creuse sont à chercher dans des politiques où le Paris « intra-muros », celui où l’on paie moins d’impôts locaux tout en bénéficiant de davantage de services, se comporte comme si un grand désert s’étendait au-delà du périphérique.

Comment considérer autrement la décision d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, rendue publique le 15 juin, de rendre payant le stationnement des motos et des scooters non électriques ? Soyons clairs : les nuisances des deux-roues en question (bruit, pollution) comptent lourdement dans le stress de la rue parisienne, et les Parisiens aspirent à davantage de tranquillité et à un air plus respirable. Inciter à l’usage raisonné des deux-roues motorisés et à la conversion électrique est une tâche de salubrité publique. Quant au fait de payer pour occuper une partie de l’espace public, il s’est imposé depuis des lustres.

  Mais comment croire qu’une question aussi sensible touchant les transports peut trouver une solution pérenne et socialement acceptable à l’échelle de Paris intra-muros ? Pas plus que le nuage de Tchernobyl ne s’est arrêté aux frontières de l’Ukraine, les particules fines émises par les moteurs thermiques ne sont stoppées par le périphérique et ne le seront par ce nouvel octroi. Le stationnement payant des motos, dont les résidents parisiens seront quasi exonérés, évoque cette taxe très discriminatoire perçue jusqu’en 1943 sur toutes les marchandises entrant à Paris.

« Dépasser les fractures territoriales »

En réalité, Paris dépend largement de ses banlieues (59 % des personnes qui y travaillent n’y résident pas) et ne peut se rêver en ville débarrassée des voitures et des motos indépendamment de l’agglomération qui l’entoure. Surtout au moment où se répandent la livraison à domicile et les services à la personne, l’échelle des vingt arrondissements n’est guère pertinente sans un minimum de solidarité.

« Il faut dépasser les fractures territoriales, urbaines et sociales en inventant des politiques de péréquation permettant à Paris de contribuer à la cohésion et à l’intégration des communes les plus populaires », note Emmanuel Bellanger, historien du Grand Paris, codirecteur du Centre d’histoire sociale de l’université Paris-I. Le débat n’a rien de nouveau, souligne-t-il, en rappelant le long combat des maires de banlieue pour une meilleure répartition des recettes avec une capitale qui, elle, a depuis longtemps colonisé des terrains extra-muros, notamment pour enterrer ses morts (« cimetières parisiens » de Bagneux, d’Ivry ou de Pantin).

Historiquement, la coupure entre Paris et ses banlieues a été scellée par le démembrement, en 1964, par le pouvoir gaulliste, du département de la Seine, où cohabitaient la capitale et 80 communes de sa périphérie, et qui a longtemps permis de nombreuses solidarités, cela afin de limiter l’influence alors dominante du Parti communiste. Très ancienne, l’ambition d’un « grand Paris » plus solidaire et intégré n’a plus de sens que dans le cadre de la région. La nouvelle Métropole du Grand Paris, elle, reste une institution invisible du public (sauf pour la construction du réseau de métro du Grand Paris Express), une coquille vide et impuissante, paralysée par les élus en place à qui elle pourrait faire de l’ombre.

Discours caricaturaux sur l’écologie

Le choix de la bonne échelle d’intervention est inséparable de l’objectif de justice sociale qui, au-delà du cadre parisien ou francilien, doit guider chaque mesure destinée à lutter contre le changement climatique. Sans acceptabilité des changements rapides de mode de vie et d’emploi qu’impose le réchauffement de la planète, et surtout sans justice, les alarmes les plus justifiées risquent de rester vaines. Et les mesures politiques ou fiscales destinées à favoriser tel moyen de transport ou de chauffage risquent d’alimenter les discours caricaturaux sur l’écologie prétendument « punitive », voire une nouvelle vague de « gilets jaunes ».

Le mécontentement suscité par l’extension des zones à faible émission qui supposent l’obsolescence des voitures anciennes n’est pas seulement attisé par le lobby automobile, il est lié à l’insuffisance des aides à l’achat de véhicules non polluants et au sentiment d’injustice. « Le coût de la transition doit inclure le coût du changement des usages », plaide Mathieu Flonneau, historien des mobilités à l’université Paris-I, qui met en parallèle « la démagogie automobile et le populisme écologique de centre-ville ». Le rapport Blanchard-Tirole, qui vient d’être remis à Emmanuel Macron, insiste d’ailleurs sur la nécessité d’allouer une partie des recettes de la fiscalité verte aux « perdants » des réformes, les « ménages défavorisés et les automobilistes en zones rurales et périurbaines ».

A Paris comme ailleurs, on gagnerait à accorder autant d’attention aux moyens d’accélérer la transition énergétique qu’aux mesures destinées à compenser ses coûts pour ceux qu’elle affecte le plus : ceux qui n’ont aucune alternative à leur voiture ou à leur moto pour travailler, ceux qui vivent dans les logements les moins bien isolés. Depuis la crise financière de 2008, on n’en finit pas de mesurer l’impact mondialement toxique du sentiment que les laissés-pour-compte, du fait de l’austérité, ont eu de devoir payer la facture du krach. Laisser s’enraciner l’idée selon laquelle il en serait de même avec le changement climatique serait désastreux.

Philippe Bernard

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