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Pierre Mansat et les Alternatives

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Entre Paris et Alger,l'espoir prudent d'un "apaisement" des mémoires / Le Monde

Entre Paris et Alger,l'espoir prudent d'un "apaisement" des mémoires par Frederic Bobin 29/07/2020

L'affaire est un champ de mines. Emmanuel Macron le sait pertinemment, mais il avance, par petits pas et menus gestes, résolu à affronter le défi mémoriel de la guerre d’Algérie (1954-1962), auquel il confère « à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 », selon ses propres mots, prononcés en janvier au retour d’un voyage à Jérusalem.

En confiant, le 24 juillet, à l’historien Benjamin Stora une « mission de réflexion » sur la « mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie », le chef de l’Etat poursuit son exploration de ce terrain « complexe ». L’historien, dont M. Macron loue la « connaissance intime et approfondie de tous ces enjeux », devra lui remettre des recommandations sur « les gestes à effectuer et les actions à engager dans les mois et années à venir, dans notre pays comme dans ses liens avec l’Algérie, afin d’avancer dans ce travail de mémoire si difficile et pourtant si nécessaire à notre avenir », selon les termes de la lettre de mission reçue par Benjamin Stora. Le but recherché par le président français est d’aboutir « à l’apaisement et à la sérénité de ceux que [la guerre d’Algérie] a meurtris, (…) tant en France qu’en Algérie ». De l’autre côté de la Méditerranée, à Alger, l’initiative d’Emmanuel Macron est suivie avec intérêt, mais il est encore bien trop tôt pour assurer que les vicissitudes d’une relation bilatérale tourmentée ne viendront pas empoisonner le processus. Le passé récent incite à la prudence. Le projet d’un « traité d’amitié » échafaudé dans la foulée d’un voyage réussi de Jacques Chirac à Alger, en 2003, avait été torpillé deux ans plus tard par l’adoption de la fameuse loi du 23 février 2005, dont l’un des articles enjoignait aux manuels scolaires de « reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Jacques Chirac a eu beau obtenir début 2006 l’abrogation par décret du sulfureux article, le mal était fait. A Alger, la colère soulevée par ce qui a été perçu comme une tentative de réhabilitation de la colonisation a remisé pour longtemps les efforts d’une réconciliation des mémoires.

« Une nouvelle génération »

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Le fait est que le dialogue s’amorce. Le président de l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune, a nommé, le 19 juillet, le directeur du Centre des archives nationales algériennes, Abdelmadjid Chikhi, pour servir d’interlocuteur à Benjamin Stora. La mission n’est pas commune, mais les deux hommes se parleront. La nomination de M. Chikhi à ce poste de « conseiller mémoire » du chef d’Etat algérien a quelque peu surpris les observateurs de la relation bilatérale, tant le directeur des archives algériennes est perçu comme un orthodoxe, gardien du temple de l’histoire officielle du Front de libération nationale (FLN) et tenant d’une ligne dure sur le contentieux mémoriel. Le chef de l’Etat algérien parviendra-t-il à faire prévaloir une approche a priori plus ouverte, alors que la répression en cours contre les animateurs du Hirak (« mouvement » de protestation) semble redonner une marge de manœuvre aux conservateurs de l’armée ? Abdelmadjid Tebboune fait en tout cas passer le message qu’il souhaite, à l’instar de son homologue français, avancer sur ce dossier de la mémoire. Il tient des propos plutôt amènes sur Emmanuel Macron, qui « appartient à une nouvelle génération » et « n’a jamais été en accointance avec les lobbys antialgériens », a-t-il déclaré le 13 juillet dans un entretien au quotidien français L’Opinion.

A Alger, on a bien pris note des signes de bonne volonté du président français. Avant même son élection, en février 2017, il avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » lors d’un déplacement à Alger. Puis, en septembre 2018, il avait reconnu « au nom de la République française » que Maurice Audin, mathématicien membre du Parti communiste algérien (PCA) disparu le 11 juin 1957 au plus fort de la bataille d’Alger, avait été « torturé puis exécuté ou torturé à mort » par des militaires français, un drame « rendu possible par un système légalement institué ». Enfin, le 3 juillet, il a honoré sa promesse de restituer à l’Algérie les crânes de vingt-quatre résistants algériens décapités en 1849 dans le Sud-Constantinois par les troupes françaises, qui avaient été conservés depuis au Musée de l’homme, à Paris.

Avancer de manière pragmatique

Autant de gestes inédits, qui ont instauré un climat plutôt favorable entre Paris et Alger sur cette question mémorielle. Mais jusqu’où les deux capitales pourront-elles aller ? La question des « excuses » que les Algériens réclament de la France est assurément la plus sensible. Dans un entretien accordé le 4 juillet à France 24, Abdelmadjid Tebboune a dit les « souhaiter », mais sans conférer à la requête la forme d’une exigence comminatoire. Dans les messages qu’il transmet à Paris par les canaux diplomatiques, le président algérien n’évoque ni excuse ni repentance, mais bien plutôt la « reconnaissance des faits » de la colonisation et de la guerre. Il restera à voir comment la tonalité plutôt pondérée de son approche s’accordera avec les dispositions des secteurs les plus conservateurs de l’appareil algérien. Une manière de déminer cette affaire sensible des « excuses » serait, pour les deux capitales, d’avancer de manière pragmatique sur des dossiers concrets qui ont jusque-là aigri le contentieux mémoriel. Ils sont au nombre de quatre : les disparus, les archives, les cartes des frontières minées et les essais nucléaires au Sahara.

Si Emmanuel Macron a innové dans l’affaire Audin, il reste à l’Etat français à faire la vérité sur des centaines d’autres disparitions non encore élucidées. « Ces morts sans sépulture demeurent un traumatisme en Algérie, souligne l’historien algérien Amar Mohand-Amer. Il faut que les familles puissent faire le deuil, c’est important sur le plan psychologique. » Outre les disparus musulmans, des Européens enlevés par des militants de l’indépendance ont connu le même sort – notamment à Oran en 1962. Cette histoire reste à écrire. La question de la domiciliation des archives françaises d’Algérie est le deuxième chantier sensible auquel devront s’atteler Benjamin Stora et Abdelmadjid Chikhi. Les Algériens n’ont cessé de réclamer la « restitution intégrale » de ces archives, estimant qu’elles relevaient de leur patrimoine national. Paris a restitué sans difficulté les archives ottomanes datant d’avant 1830, année de la conquête, ainsi que les archives dites de « gestion » de l’ère coloniale (état civil, cadastre, documents notariaux, jugements de tribunaux…), mais a rapatrié en métropole les archives dites de « souveraineté ». La discorde se cristallise autour de cette dernière catégorie de documents. Faut-il en rétrocéder les originaux – formule qui suscite la perplexité de nombre d’historiens en raison de l’opacité qui régit la gestion des archives à Alger – ou trouver des modalités numériques de partage ?

Considérations stratégiques et économiques »

Troisième dossier délicat, celui des mines posées par l’armée française le long de 460 km de frontières avec la Tunisie, et de 700 km de frontières avec le Maroc. Il aura fallu attendre 2007 – quarante-cinq ans après l’indépendance ! – pour que Paris remette des cartes à Alger. Mais on ne sait pas grand-chose des victimes de ces mines – vraisemblablement des milliers de morts et de blessés – qui ont continué à frapper des villageois bien après l’indépendance. Faudra-t-il procéder à des indemnisations ?

Enfin, dernière pierre d’achoppement, les essais nucléaires que la France a conduits dans le Sud saharien. De février 1960 à février 1966, l’armée française a procédé à dix-sept tests – quatre atmosphériques puis treize souterrains – à partir des sites de Reggane et In-Ekker. Là encore, bien des inconnues persistent sur les zones contaminées et les victimes de radiations. L’affaire est délicate autant pour Paris que pour Alger, qui a autorisé la poursuite par la France de ces essais nucléaires après l’indépendance en vertu d’une clause des accords d’Evian de mars 1962.

Une entente est-elle possible sur toutes ces plaies mal cicatrisées, source de crispations mémorielles récurrentes ? La difficulté est que ce dialogue au sujet de la mémoire n’est souvent qu’une variable d’ajustement dans une relation éminemment complexe et multiforme. « Le passé est souvent instrumentalisé et manié de part et d’autre au profit de relations plus globales, dominées par des considérations stratégiques et économiques », observe l’historienne Sylvie Thénault. S’y ajoutent les soubresauts de la politique intérieure dans chaque pays, où s’activent des groupes mémoriels de plus en plus revendicatifs. En France, la loi de février 2005 avait illustré les relais d’influence dont bénéficiaient les lobbys pro-Algérie française. Et en Algérie, précise Amar Mohand-Amer, « l’Etat et ses relais ne sont plus les gardiens du temple depuis que des porteurs de mémoire, notamment des fondations locales, se sont imposés, avec la libéralisation relative du champ politique en 1988 ». Entre la realpolitik des Etats et la pluralité des acteurs de la mémoire, le chemin de l’« apaisement » franco-algérien est escarpé.

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