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Pierre Mansat et les Alternatives

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Champs Elysées, Concorde: remarques à propos du projet d’aménagement par Serge Santelli, architecte #Paris #ChampsElysées #Concorde #PlacedelaConcorde #Hirtoff #Perronet #Gabriel #Marly

Plan de Deharme, 1763

Plan de Deharme, 1763

Remarques à propos du projet d’aménagement des Champs Elysées et de la place de la Concorde.

Par Serge Santelli, architecte

Tout le monde aura été interpellé par le battage publicitaire et médiatique exceptionnel en cours, en France et en Europe, et le généreux accueil qu’a réservé la Mairie de Paris en exposant le projet de l’architecte Philippe Chiambaretta sur l’avenue des Champs-Elysées et la place de la Concorde au Pavillon de l’Arsenal depuis le 13 février 2020. Remarquons que ce projet est venu à point, au tout début de la campagne électorale municipale, pour montrer que la municipalité, qui semble promouvoir et soutenir ce projet, n’est pas en manque de projets et n’est pas indifférente à l’avenir des espaces publics parisiens.

Il faut évidemment se féliciter des intentions premières que sont la réduction nécessaire de la circulation automobile, l’augmentation substantielle des espaces piétonniers qui s’ensuit, ainsi que l’augmentation optimale des « espaces verts ». L’illustration abondante nous montre en effet, pour ce qui concerne les seules propositions, de nombreuses images séduisantes d’espaces piétonniers, arborés, agrémentés de plantations diverses (bacs à fleurs, massifs arborés) ponctués d’objets urbains (kiosques, bancs, etc.. ) pour l’usage de piétons déambulant ou assis en terrasses de café, dans une ambiance conviviale et détendue.

Les trottoirs sont effectivement agrandis, au détriment de l’espace de circulation des automobiles réduit à deux chaussées à deux voies chacune. Ce parti pris piétonnier est très clairement exprimé dans les dessins 3D exposés dans lesquels les voitures circulent dans ce qui est devenu un corridor central/axial étroit réservé aux seuls véhicules. Si on peut se féliciter de cette réduction importante, significative, de l’espace réservé à la circulation automobile au profit des espaces piétonniers on peut néanmoins se demander comment le flux automobile pourra être efficacement réduit. Par ailleurs la configuration formelle de l’avenue n’étant pas fondamentale modifiée, on peut aussi se demander si cette disposition serait assez convaincante pour favoriser le retour de nombreux visiteurs sur l’avenue. Les voitures occupant toujours l’axe central de l’avenue on peut en douter. Pourquoi donc les parisiens reviendraient-ils sur l’avenue dont l’axe central est toujours tenu par la voiture ? D’un point de vue visuel et symbolique, le projet n’apporte donc pas de modification majeure à l’aspect actuel de l’avenue, sauf pour ce qui est du rétrécissement de la chaussée.

Par ailleurs on remarque que ces trottoirs élargis seront physiquement délimités et séparés de la chaussée proprement dite par des sortes de gros bacs à fleurs alignés et disséminés de manière aléatoire et ponctuelle : un parti pris végétal sans dessin ni forme réels, que les professionnels, dans leur ensemble, ajoutent partout, pour répondre, à ce qu’ils croient être la commande voulue par les élus. On remarque aussi que des massifs végétaux plus importants sont plantés entre les deux alignements d’arbres existants : également répartis de manière irrégulière ces masses arborées ont pour effet d’occulter la perspective visuelle existante sous leur frondaison. En y introduisant volontairement le désordre, toutes ces strates végétales ajoutées les unes aux autres ne peuvent avoir qu’un impact visuel négatif et perturber la régularité et la continuité visuelle (axiale) actuelle de l’avenue. Et l’on reste sceptique sur la qualité que pourrait apporter le caractère irrégulier de telles implantations végétales, opposé au caractère classique « à la française » de la plus belle avenue du monde. On voit bien que ce projet tend donc à effacer l’ordonnancement et la régularité des figures paysagères emblématiques (alignement d’arbres, promenade-mail plantée, perspectives et composition symétrique) héritées du savoir-faire architectural et urbain français des siècles précédents. Remarquons également une autre « pollution » visuelle, celle créée par la disposition d’édicules divers, des « food kiosks », guinguettes ou autres boutiques, disposés également de manière aléatoire qui, par leur masse relativement importante, ont pour malencontreux effet d’obstruer, eux aussi, la transparence visuelle des alignements d’arbres existants. La commercialisation et la marchandisation des espaces piétonniers de l’avenue sont donc largement favorisées, au profit d’une occupation dense de boutiques et de stands qui sont supposés apporter vie et animation à l’avenue. Dans cette perspective c’est le commerce « vivant » et désordonné qui se développe, au détriment de l’espace public noble et ordonné. D’ailleurs ces implantations commerciales ne feraient que renforcer la tendance actuelle, celle de l’occupation illicite des terrasses des cafés et restaurants dans une zone initialement prévue pour la déambulation.

Comment peut-on raisonnablement imaginer que la réduction de surface de la voierie automobile et l’augmentation des espaces piétonniers pourraient à elles seules suffire à faire venir des milliers de visiteurs supplémentaires ? De nouvelles terrasses de café suffiraient-elles à inciter les promeneurs à revenir et à améliorer la qualité urbaine de l’avenue ? De fait, ce qui frappe le plus dans ce projet est surtout l’absence d’idées, architecturales et urbaines, dont les caractéristiques formelles exceptionnelles seraient susceptibles de séduire de nouveau les parisiens et les inciter à se promener sous les frondaisons de l’avenue.

Pour favoriser le retour des promeneurs ne pourrait-on proposer un projet plus noble et ambitieux et s’inspirer par exemple, des grands opérations paysagères réalisées en France durant la période classique et baroque : grands plans d’eau majestueux, fontaines ou cascades, pelouses-tapis verts, tonnelles et kiosques, valorisation des perspectives monumentales, configurations régulières respectant la symétrie des lieux, etc.. Autant d’éléments d’une composition paysagère absents dans le présent projet. Mais qui auraient l’avantage de donner à celui-ci une dimension qualitative à la hauteur de la majesté disparue de l’avenue. Majesté aujourd’hui oubliée des jardins et espaces publics parisiens.

La place de l’Etoile n’échappe pas à cette végétalisation surabondante, voire obsessionnelle : l’Arc de Triomphe est entouré d’un premier anneau de pelouse chichement arborée et d’un deuxième, en périphérie, fait d’arbres et de massifs végétaux plantés, eux aussi, de manière irrégulière.

Mais le pire est le traitement réservé à la place de la Concorde, certainement la plus belle réalisation du siècle des Lumières. Si Paris y retrouve le fleuve et la Seine son identité la plus ancienne, elle permet surtout de faire apparaître, à travers un regard panoramique qui ouvre sur le ciel, la poétique vision de la couleur violette de Paris, utile à nos rêves et à nos projections d'avenir.

Une composition d’oeuvres construites qui illustrent le génie français : architectures liées aux bâtiments de la Marine et aux deux perspectives ponctuées par les deux frontons de l’Assemblée Nationale et de l’église de la Madeleine, au pont de la Concorde, aux arches tendues, premier pont moderne du XVIIIe siècle, oeuvre du premier ingénieur du Royaume J.R. Perronet. Composition à laquelle est associé un ensemble de sculptures, deux fontaines monumentales, les guérites de Gabriel, les lampadaires et colonnes rostrales d’Hittorff, sans oublier les statues des chevaux de Marly. Ici, comme nulle part ailleurs, ont été réunis des artistes pour célébrer les spécificités géographiques du commerce et de l’économie de la France, que notre époque a le devoir impératif de faire redécouvrir et de transmettre. Pour toutes ces raisons, la place est un joyau patrimonial, un espace symbolique fort qu'il convient de préserver avec le plus grand respect.

Sous l’Ancien régime des fossés, dessinés par Gabriel, délimitaient la place sur les quatre cotés. Visibles sur le plan Le Rouge de 1765 ils ont été comblés pour des raisons de sécurité en 1854. L'aspect actuel minéral de la place résulte donc du projet d’Hittorff fondé sur une longue réflexion menée pendant près de trente années. De ce fait la place actuelle a l’avantage majeur d’offrir un vaste espace vide minéral, dont la périphérie est délimitée par une élégante balustrade ponctuée par les pavillons de Gabriel et les colonnes rostrales d’Hittorff.

C’est évidemment ce vaste espace qui doit être protégé dans son intégralité minérale comme dans sa dimension unique. Ces qualités, effectivement dues « à la disposition simple sans être mesquine, grande sans être somptueuse » * voulue par Hittorff et son équipe d’artistes, doivent être impérativement préservées. En aucun cas il ne faudrait donc rétrécir la place ni modifier son aspect minéral historique. C’est pourtant ce que propose le projet présenté à l’Arsenal : une végétalisation employée sans culture et sans discernement, quatre jardins à l’anglaise pauvrement arborés et dénués de toutes qualités, aux quatre coins de la place, à l’emplacement présumé et approximatif des anciens fossés. La place se trouve ainsi rétrécie, rabougrie, et perd définitivement les qualités qu’avaient pu lui donner l’ampleur et la noblesse d’un vide majestueux. Un triste projet de banalisation qui témoigne clairement de la manière brutale avec laquelle l’héritage monumental de la place est malheureusement « revisité ». Un véritable déni de la qualité historique du lieu.

Quant au revêtement du sol il peut en revanche faire l’objet d’un traitement contemporain. Il faut se souvenir qu’il était « appelé par une coloration à jouer un rôle non négligeable utilisant alors des matériaux dont les différents tons de granit et de lave devaient former grâce à un compartimentage orné de cercles et de losanges comme un vaste tapis, », matériaux qui, pour des raisons économiques, furent tristement réduits à de l’asphalte. Il y a donc là, des propositions à engager adaptées aux impératifs de notre temps. Un détournement de la circulation automobile pourrait alors libérer la place et permettre aux promeneurs de pouvoir, enfin, y déambuler. A ce moment-là la liaison piétonne entre le Louvre, les Tuileries et la place aura été heureusement rétablie.

Serge Santelli.

 

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