23 Novembre 2019
Le 26 novembre 1957, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Medjana, tombait au champ d’honneur la jeune communiste algérienne. Elle avait 30 ans.
Raymonde Peschard (Taous au maquis) fut arrêtée avec le reste du groupe. Mais, quand elle a vu les corps criblés de balles de ses compagnons d’armes, Arezki Oukmanou, Si Moh et les étudiants Rachid Belhocine et Redjouani, elle n’hésita pas à traiter les soldats français de criminels, de barbares et de nazis. Ligotée, le visage écrasé au sol, elle reçut une balle dans la nuque, tirée à bout portant par le colonel lui-même.
Raymonde Peschard fut hâtivement enterrée sur place, mais, identifié au cours de l’interrogatoire des autres prisonniers, son corps fut exhumé en présence des autorités civiles, militaires et judiciaires. « Le cadavre de Raymonde Peschard a été exhumé vendredi matin (29 novembre 1957) au cimetière de Bordj Bou Arréridj », déclara le lieutenant-colonel Marey, adjoint au commandant du secteur Alger-Sahel, au cours de la conférence de presse tenue le jour-même. « J’étais arrivé à Bordj le jeudi soir et j’ai été immédiatement mis en présence du corps de la mystérieuse femme blonde. Je l’ai aussitôt reconnu. Ce n’est que jeudi matin qu’un détachement fut envoyé sur les lieux du combat pour récupérer le corps. Le terrain avait été abandonné par nos troupes, qui y avaient déjà passé une nuit. Mais cette nouvelle opération nous a coûté deux spahis, car, en arrivant sur le piton rocheux, les militaires furent accueillis par un feu nourri de hors-la-loi très bien retranchés, désireux sans doute de reprendre le cadavre avant nous. Il fallut engager quatre compagnies pour déloger les rebelles. Enfin le corps fut exhumé et chargé par une ambulance qui, elle aussi, fut mitraillée sur le chemin du retour. Le véhicule porte d’ailleurs de nombreux points d’impact. »
Pour Robert Lambotte, qui relata le fait dans l’Humanité du 2 décembre 1957 : « Les conditions dans lesquelles a été découvert le corps de Raymonde Peschard demeurent troublantes. Pourquoi n’est-ce que 24 heures après le combat que des unités françaises reçoivent l’ordre de retourner sur les lieux, déterrer le corps de Raymonde Peschard, tuée d’une balle derrière la tête ? »
Raymonde Peschard commença à militer à Constantine au mouvement des Jeunesses communistes aux côtés des frères Mazri, Reinette Zaoui (future épouse de Georges Raffini, mort au maquis des Aurès), Édith Zerbib (future belle-sœur de William Sportisse). Elle est passée à l’Union de la jeunesse démocratique algérienne (Ujda) dès sa création en 1946. Recrutée en 1947 par un organisme des œuvres sociales de l’EGA (Électricité et gaz d’Algérie) géré par les syndicalistes de la CGT, elle a eu une formation d’assistance sociale dont elle fera sa profession. Raymonde Peschard a été à l’écoute des travailleurs de l’EGA comme elle a été à l’écoute des gens des quartiers défavorisés de Constantine. Militante de l’Union des femmes d’Algérie (UFA), on la trouve en 1950 aux côtés des familles des détenus politiques membres de l’Organisation spéciale (branche paramilitaire du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Expulsée du département de Constantine, elle rejoint Alger en 1955 après un passage par Paris et Oran.
En novembre 1956, Raymonde Peschard, recherchée par la police après l’arrestation de Fernand Iveton, entre en clandestinité. Poursuivie par les parachutistes du général Massu, elle quitte Alger et rejoint une unité de combat de l’ALN en wilaya 3 (Kabylie), à la suite des accords PCA-FLN du mois de juillet 1956 sur l’intégration au FLN des membres de la branche armée du PCA – les Combattants de la libération (CDL). Raymonde Peschard intégra la nation algérienne dans le combat quotidien. Comme l’ont fait ses camarades de parti : Henri Maillot, assassiné par l’armée française le 5 juin 1956, Fernand Iveton, guillotiné le 11 février 1957, Maurice Audin, mort sous la torture le 21 juin 1957… Depuis l’indépendance, Raymonde Peschard est enterrée au cimetière de Constantine.