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Pierre Mansat et les Alternatives

Luttes émancipatrices,recherche du forum politico/social pour des alternatives,luttes urbaines #Droit à la Ville", #Paris #GrandParis,enjeux de la métropolisation,accès aux Archives publiques par Pierre Mansat,auteur‼️Ma vie rouge. Meutre au Grand Paris‼️[PUG]Association Josette & Maurice #Audin>bénevole Secours Populaire>Comité Laghouat-France>#Mumia #INTA

Important interview d'Anne Hidalgo par Sibylle Vincendon dans Libération

Petit commentaire:" je pense qu'Anne Hidalgo surestime les capacités d'une collectivité et qu'il faut des mesures réglementaires et législatives puissantes. Et qu'elle ne met pas la dimension métropolitaine au bon niveau, c'est là qu'il faut des politiques publiques orientant, encadrant, régulant, maitrisant la métropolisation. Sinon il se passe ici, la même chose que dans toutes les métropoles du monde: ségrégation spatiale, surenchérissement sans limite de l'immobilier dans l'hypercentre, inégalités [cf l'étude de l'IAU " Gentrification et paupérisation en Ile de France]
Anne Hidalgo : «Une ville sans classes moyennes ne fonctionne pas»
Par Sibylle Vincendon — 4 juin 2019 à 18:26

La maire de Paris revient sur les problématiques des quartiers populaires du nord-est de la capitale, menacés par la gentrification mais aussi confrontés, au quotidien, à l’errance de toxicomanes et la présence de réfugiés.

Elle n’a pas attendu le résultat des européennes pour poser les jalons de sa campagne pour les municipales de mars 2020. Maire de Paris depuis 2014 et candidate à sa réélection, Anne Hidalgo aura fort à faire face à une majorité présidentielle à l’électorat droitisé et avide d’accrocher la capitale à son tableau de chasse, et face à des écologistes gonflés à bloc par le succès, en particulier à Paris, de la liste de Yannick Jadot. Dirigeant la ville à la tête d’une alliance avec les écolos et les communistes, la socialiste compte bien rester au-dessus des partis et mettre en avant son bilan au-delà des polémiques. Alors que la question du logement et de la mixité sociale reste un défi majeur pour Paris à l’heure de la spéculation immobilière et de la gentrification, la candidate Hidalgo a répondu aux questions de Libération.

Peut-on maintenir des quartiers populaires dans Paris ?

Si on laissait faire le marché immobilier privé, sans régulation, une partie de la population serait chassée de Paris et remplacée par une autre. Dès le début des années 2000, avec Bertrand Delanoë, nous avons fait un choix politique différent. La ville a rénové énormément de logements insalubres, en décidant de reloger les gens dans leur quartier et en créant des logements sociaux. Cela a concerné 20 000 familles. Au total, ce sont 550 000 personnes qui vivent actuellement en logement social.

Un Paris populaire devrait aussi être celui des classes moyennes. Est-ce encore le cas ?

Dans la population parisienne, on dénombre aujourd’hui 60 % de classes moyennes. Ce n’est pas un hasard. Dans les quartiers qui ont déjà beaucoup de logement social, nous avons mis du logement intermédiaire. J’ai accentué l’effort depuis 2014 pour obtenir qu’un tiers de nos programmes neufs s’adressent aux classes moyennes. Et au-delà du logement, nous avons travaillé sur l’école, les crèches, l’offre culturelle, l’accès au sport… En maintenant des tarifs, ou même en instaurant de la gratuité, qui compensent en partie le prix de l’immobilier.

Les derniers chiffres du recensement, avec une diminution de la population parisienne, ne signent-ils pas une éviction de ces classes moyennes ?

L’Atelier parisien d’urbanisme a fait une étude très poussée qui prévoit que la légère baisse des dernières années sera compensée par une hausse vers 2024-2025. Mais il est vrai que la natalité a baissé partout en France et que cela a des effets. Autre cause : les nouveaux programmes de construction que nous menons sont beaucoup moins denses que le tissu haussmannien (20 000 habitants au kilomètre carré). Et surtout, il y a l’arrivée d’Airbnb, qui a soustrait 27 000 logements au marché de la location ou de l’accession.

Faut-il être plus autoritaire ?

Il faut une régulation plus stricte. Nous avons obtenu plusieurs avancées mais nous demandons que la loi nous accompagne davantage. D’autant que les plateformes de locations touristiques sont une des raisons du renchérissement des loyers. Certes, dans les quartiers populaires, on pourrait considérer la présence des touristes comme un apport plutôt positif, mais le renchérissement de l’immobilier qu’elle entraîne est extrêmement négatif.

Pour maintenir un Paris populaire, vous ne disposez pas de quantités d’outils mais nos outils sont efficaces. Si nous n’avions pas mobilisé depuis 2001 celui du logement social, la ville de Paris ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Nous aurions une ville beaucoup plus proche de San Francisco, une ville magnifique mais dans laquelle il n’y a plus de classes moyennes. Il n’y a plus que des très riches et des très pauvres, qui sont d’ailleurs dans la rue. Pour la période 2014-2020, nous avons mobilisé un budget de 3 milliards d’euros sur le logement. Nos opposants nous ont expliqué que c’était de l’argent jeté par les fenêtres et que l’on aurait dû faire comme Londres, c’est-à-dire laisser agir la promotion immobilière. Regardez dans quelle situation est Londres aujourd’hui. L’outil du logement social a évidemment ses limites mais quand il n’existe pas, la gentrification est inéluctable.

La loi Elan permet, en dissociant la propriété des murs de celle du terrain confiée à une foncière publique, de mener une politique d’accession sociale à la propriété sans spéculation possible. Allez-vous utiliser ce dispositif ?

Je crois beaucoup à ce dispositif. Quand on sépare le prix du foncier de celui des murs, cela fait baisser quasiment de moitié les prix des appartements. Cela peut aider à ce qu’il y ait davantage de mixité dans les quartiers populaires, et à faire revenir des familles dans les arrondissements centraux. Nous sommes en train de repérer où des opérations pourraient être menées. Nous devons examiner ce que sera la part du budget consacrée au logement locatif social et celle qui concernera l’accession à la propriété par le biais de la Foncière solidaire.

La contrepartie de ce système, c’est qu’il n’y a plus de spéculation possible à la revente et, à Paris, tout le monde pense que «faire la culbute» est un dû, même vos électeurs…

Beaucoup de Parisiens ont envie de s’enraciner de façon sécurisante par le biais de la propriété et de pouvoir transférer cet investissement à leurs enfants. Ils ne cherchent pas forcément à spéculer. Je veux aussi mettre cet outil au service de la transformation de bureaux en logements.

Est-il possible de contrer la gentrification ?

Dès lors que l’on veut que Paris soit une ville attractive sur le plan économique, la question est posée. Aujourd’hui, Paris est attractive, ce n’est plus contesté par personne. Le choix qu’a fait Bertrand Delanoë en 2008, avec Jean-Louis Missika, de créer un écosystème de l’économie numérique a été d’une importance majeure.

Mais plus la ville est tech, moins elle est populaire…

Le risque existe, mais je crois au rôle de la puissance publique pour limiter les forces du marché, notamment immobilier. Le marché immobilier, c’est ce qui vient le plus percuter la sociologie de la ville. Il faut qu’un pourcentage important du logement échappe à cette logique. Si la ville n’avait pas été dirigée par une majorité sociale-démocrate, écolo, communiste et humaniste depuis 2001, on n’aurait pas du tout ce résultat.

Nous connaissons tous des familles qui ont «passé le périph» en raison des prix à Paris. Ne faudrait-il pas entériner que Montreuil, Bagnolet, Saint-Denis, Pantin (Seine-Saint-Denis) et Paris Nord-Est partagent un même destin ?

Il faut bien entendu aller vers des politiques beaucoup plus métropolisées. Ce n’est pas toujours facile car les clivages politiques sur le logement sont réels. Certains maires de la métropole considèrent encore le logement social comme un problème. Mais une ville sans classes moyennes, sans quartiers populaires, c’est une ville qui ne fonctionne pas. Les gens qui viennent travailler dans les cœurs de métropole doivent pouvoir y vivre. Cette réflexion, nous l’avons avec nos voisins, notamment de Seine-Saint-Denis. C’est un processus long. Nous verrons quels élus et quelle majorité métropolitaine émergeront des prochaines municipales, en 2020.

A Barbès ou à la porte de la Chapelle, le renouvellement urbain risque de modifier les équilibres si bien que, tôt ou tard, l’embourgeoisement se produira ?

Ce sont des quartiers dans lesquels il y a des mutations, mais qui ont un rôle historique inchangé dans l’accueil de communautés venant du monde entier. Notre idée n’est pas de tout y changer pour mettre le dernier bar design… Il faut porter les transformations en lien étroit avec les habitants. A Barbès, à Château-Rouge, les gens aiment leur quartier et demandent qu’on les écoute sur les questions de sécurité, de propreté, de bruit. Quand je me suis aperçue que, malgré tous les investissements sur la propreté et sur l’espace public, un certain mal de vivre perdurait, je me suis dit qu’on devait imaginer une méthode moins descendante et plus participative. C’est ainsi qu’il y a un peu plus de deux ans, nous avons créé le dispositif «Tous mobilisés» avec les commerçants, les associations… On a fait un travail d’identification des problèmes très horizontal. C’est un processus délicat, plus compliqué que d’imposer quelque chose d’en haut, mais extrêmement sain et qui nous a permis d’avancer.

De quelle manière ?

Ce travail m’a convaincue qu’il fallait partir de l’unité de vie du quartier qu’est l’école. Qu’on ait des enfants ou pas, d’âge scolaire ou pas, la vie de nos quartiers est rythmée par l’école. A la rentrée 2017, nous avons pris les quatorze écoles qui allaient le moins bien, qui étaient confrontées à de l’évitement scolaire ou à un turn-over d’enseignants. On a travaillé avec les enseignants, les parents, les personnels, pour lister les problèmes. Cela a très bien marché. Ce genre de démarche peut donner l’idée à des parents de classes moyennes qui se disaient que telle école n’avait pas très bonne réputation de regarder ce qui s’y fait. Ce qui me frappe dans les quartiers populaires, que ce soit à Barbès, à Belleville ou ailleurs, ce sont ces Parisiens qui cherchent à inventer, qui portent l’énergie de ces lieux. Des Parisiens qui tiennent à un modèle de ville, qui n’est pas du tout naïf, qui ne sont pas dans la résignation, qui ne cherchent ni à stigmatiser ni à diviser, et qui au contraire cherchent à construire des choses nouvelles en lien avec l’histoire de leur quartier.

Avec Chapelle International, la ville investit dans un grand programme d’aménagement urbain à la porte de la Chapelle. Mais le quartier est aussi celui des exilés. Ces deux réalités ne sont-elles pas contradictoires ?

Le quartier s’inscrit dans un ensemble de rénovation urbaine sur le long terme, avec des évolutions positives que les habitants reconnaissent. L’université va arriver avec le campus Condorcet. Il y aura l’Arena pour les Jeux olympiques. Evidemment, on voudrait tous que cela aille plus vite mais je n’ai pas de baguette magique.

L’arrivée des réfugiés, leur présence, est venue bousculer cet équilibre fragile. Elle a représenté un nouveau défi et posé une question d’occupation des rues. Ils sont plus de 2 000 entre la porte d’Aubervilliers et la porte de la Chapelle. Or, l’Etat ne veut pas toujours considérer que ces personnes qui dorment sur le trottoir existent. En tant que maire, j’essaye de faire en sorte que cette espèce de chaos, qui montre une impuissance des pouvoirs publics, soit un peu moindre. Je travaille avec les associations, sur un contentieux posant la responsabilité de l’Etat car la délinquance, le trafic de drogue, l’accueil des réfugiés relèvent de sa compétence. J’essaye de montrer que la porte de la Chapelle n’a pas que ce seul visage. Ce quartier, ce n’est pas que des difficultés, il y a des associations qui organisent des activités et des fêtes, du tai chi dans le petit parc à côté de la porte, plein d’initiatives qui démontrent l’énergie de ses habitants. Je suis impressionnée chaque jour par cette force des riverains et des commerçants. La pharmacienne est héroïque, elle vient en aide aux toxicomanes alors qu’elle s’est fait agresser à la seringue un jour…

Que répondez-vous lorsque l’on vous dit que vous êtes la maire des bobos parisiens ?

Je réponds que si le bobo est quelqu’un qui a une conscience environnementale et une conscience sociale, eh bien, vive les bobos…

Sibylle Vincendon

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