Après l'élection d'Anne Hidalgo à la tête de la capitale, Pierre Mansat a été nommé inspecteur général de la ville de Paris chargé d'une mission sur le Grand Paris. Un sujet que l'élu communiste connaît sur le bout des doigts pour avoir tissé des liens avec l'autre côté du périphérique pendant de longues années à la mairie de Paris. Il n'a pas oublié pour autant Montluçon, où il a vécu jusqu'en 1974, et où il est revenu à de nombreuses reprises.
« Cette majorité n'a pas réussi à redresser la barre »Vous avez quitté Montluçon il y a plus de quarante ans. Quel regard portez-vous sur son évolution ? Quand je suis parti à 19 ans, je trouvais que c'était une ville un peu pesante, ennuyeuse, qui manquait de vie. Dans la vingtaine d'années qui a suivi, j'ai eu le sentiment que cette ville avait retrouvé un dynamisme, avec le centre Athanor, les Fédérés… Il se passait quelque chose.
Dans la toute dernière période, j'ai perçu de nouveau une forme de rétrécissement de la ville. Quand je suis parti, il y avait encore 60.000 habitants, aujourd'hui il n'y en a plus que 37.000. Mon sentiment est une inquiétude très forte à l'égard d'une ville moyenne comme celle-là, qui subit de plein fouet les politiques de dégradation du service public et les menaces sur le ferroviaire.
Le déclin était-il inexorable ? Il y a une grande responsabilité des actionnaires et patrons d'entreprises comme Dunlop ou Rousseau, qui n'ont pas su développer leurs atouts ou faire preuve d'anticipation. Et je ne crois pas que la politique de Dugléry ces dernières années soit satisfaisante. Cette majorité n'a pas réussi à redresser la barre. Un exemple avec le centre-ville : on a ouvert des supermarchés en masse en périphérie, il ne faut pas s'étonner aujourd'hui si les commerces du centre-ville faiblissent ou disparaissent.
Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous feriez si vous étiez élu à Montluçon et pas à Paris ? J'ai pas mal de copains qui m'ont dit de revenir à Montluçon, mais ma vie était à Paris, avec la famille et les enfants. Je ne veux pas être donneur de leçons, mais j'imagine que j'aurais voulu continuer d'accentuer la qualité de la politique culturelle, qui est très importante, et la formation professionnelle, très tournée vers l'innovation. La formation professionnelle traditionnelle est importante mais il aurait fallu voir si cette ville, sur la base d'entreprises comme Safran, ne pouvait pas trouver un dynamisme dans des niches économiques, qui pourraient être intéressantes pour les jeunes.
Montluçon, cela vous renvoie à votre mère, qui vous a élevé seule. J'ai grandi dans une famille très politisée, marquée par l'engagement au Parti communiste et à la CGT. Ma mère était aux Télécom, elle m'élevait seule avec des revenus modestes. Elle était plus militante syndicale que politique, avec un côté anarcho-syndicaliste affirmé. À l'époque, être une mère célibataire était un poids important. C'était une battante, une bagarreuse.
Dès 1969, vous prenez votre carte aux Jeunesses communistes. La totalité de la famille était au Parti communiste, ou adhérent ou électeur. J'allais à la carrière des Grises, tout gamin, où des Montluçonnais avaient été fusillés par les Nazis. J'étais nourri des récits de la Révolution française, de la Résistance. J'ai eu une période où tous les samedis après-midi, j'étudiais Lénine plutôt que de retrouver les copains. En mai 68, ma mère était en grève et on allait porter les ravitaillements aux ouvriers qui occupaient l'usine.
Une autre figure de votre enfance est votre oncle Armand Mansat, maire et conseiller général dans les Combrailles pendant plusieurs décennies. Pendant les vacances, cela m'arrivait de faire le secrétaire de mairie de Neuf-Église (Puy-de-Dôme). C'était un rassembleur. Il m'a marqué par son côté unitaire, il était à l'opposé du sectarisme, qu'on pouvait identifier à des périodes du Parti communiste. Sa parole était très respectée, il avait des convictions profondes, argumentées, avait la capacité de parler avec les autres, même ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.
Guillaume Bellavoine