Que se passerait-il si la basilique de Saint-Denis trônait de l’autre côté du périphérique, dans cette fabuleuse vitrine qu’est Paris, interrogent Vianney Delourme, Renaud Charles (Enlarge your Paris) et Rémi Babinet (BETC), dans une tribune.
12 millions. C’est le nombre de touristes qu’attire chaque année Notre-Dame. Dix kilomètres plus au nord, un autre joyau gothique déploie lui-aussi tous ses charmes, sans pour autant déclencher une telle marée humaine. Avec 140.000 visiteurs par an, la basilique de Saint-Denis, pourtant nécropole des rois et reines de France, doit se contenter de l’écume. Qu’en serait-il si elle trônait de l’autre côté du périphérique, dans cette fabuleuse vitrine qu’est Paris ?
Si nul n’ignore les richesses culturelles et patrimoniales de la Ville Lumière, qui connaît en revanche celles qui illuminent sa corolle, en dehors du château de Versailles et de Disneyland ? Les banlieusards eux-mêmes s’en remettent à Paris intra-muros pour les étonner. Comment leur en vouloir ? L’image qu’on leur renvoie de leur territoire est au mieux celle de villes où il ne se passe rien, au pire celle d’une zone de non-droit. En cela, le Grand Paris et son super métro, désormais confirmé dans son intégralité, constituent une chance d’entamer un nouveau récit en dynamitant la barrière mentale incarnée par le périphérique.
Car l’histoire de la région parisienne telle qu’elle est racontée aujourd’hui laisse supposer qu’il y aurait un bon et un mauvais côté du périph’, celui lumineux où vivent deux millions de Parisiens et l’autre sans éclat, si ce n’est des éclats de verre ou des éclats de voix, où vivotent 10 millions de banlieusards. 10 millions. Ce chiffre interpelle. C’est plus que la population du Québec ou de l’Autriche et autant que celle du Portugal. Soixante-dix ans après Paris et le désert français du géographe Jean-François Gravier, subsisterait-il un « désert francilien » une fois franchi les portes de la capitale ? Pas à en croire les chiffres de l’Arcadi, l’organisme culturel régional, qui totalise près de 800 lieux de diffusion du spectacle vivant en banlieue, contre environ 400 à Paris.
Avec une quarantaine de salles de concert et 6 théâtres, dont un centre dramatique national, Montreuil est l’un des symboles de cette vitalité ; au même titre d’ailleurs que le reste de la Seine-Saint-Denis, qui se révèle être une terre culturelle fertile abritant pléthore de lieux comme le Centre national de la danse et la galerie Ropac à Pantin, le théâtre de la Commune à Aubervilliers, le Canal 93 et la MC93 à Bobigny ou encore l’Académie Fratellini et le 6b à Saint-Denis. Cette facette du 93 reste cependant méconnue, escamotée par l’image anxiogène qui en est sans cesse projetée.
Mais il n’y a pas que la Seine-Saint-Denis qui est en butte aux préjugés. Versailles par exemple, à qui l’on prête volontiers les traits d’une belle endormie, mène l’une des politiques culturelles les plus diversifiées du Grand Paris avec des événements populaires comme le Mois Molière, l’ouverture de nouveaux lieux à l’instar de l’Espace Richaud, espace d’exposition aménagé dans la chapelle de l’ancien hôpital royal, et la création de festivals à l’image d’Electrochic qui verra la crème de l’électro et de la pop se produire à partir du 15 mars dans la cité royale et les communes alentour. On pourrait citer encore Vitry, l’une des galeries street art parmi les plus riches au monde, Massy, qui en plus de posséder un opéra dispose aussi de l’une des plus belles salles de concert d’Île-de-France, Paul B, ou encore les Hauts-de-Seine, qui mènent le projet « Vallée de la culture » entre Issy et Nanterre et ont inauguré il y a un an la Seine musicale sur l’île Seguin à Boulogne. Autre exemple des temps qui changent, la dernière édition du « Mois de la photo » s’est rebaptisée « Mois de la Photo du Grand Paris » avec des expos des deux côtés du périph’.
On le voit, grâce à la culture, tous les ingrédients sont réunis pour faire dialoguer Paris et la banlieue et écrire le récit du Grand Paris en lettres capitales. C’est pour cette raison que nous avons créé le Guide des Grands Parisiens, sorti le 8 février dernier. Et pour aider nos imaginaires à se construire à l’échelle métropolitaine, nous avons choisi de dessiner une carte inédite du Grand Paris composée de huit grands quartiers allant de part et d’autres du périphérique : la Fabrique, l’HyperMuseum, l’Océan Vert, le Rooftop, le Square XXL, la Street Galerie, le Delta et la Petite Riviera. Il ne vous reste plus maintenant qu’à les découvrir ou les redécouvrir et à faire de votre passe Navigo toutes zones votre passeport pour le Grand Paris.
Renaud Charles et Vianney Delourme sont journalistes et cofondateurs d’Enlarge your Paris / Rémi Babinet est président et fondateur de BETC et des Magasins généraux