Transports, environnement, logement, culture, sports… le développement programmé d’une métropole moderne associant la capitale à sa proche banlieue va bouleverser la vie des habitants. Voici comment.
Qu’est-ce que le Grand Paris ? Un territoire, une entité administrative, un concept ? Alors que le sort de la métropole reste suspendu aux arbitrages du président de la République, une question reste posée : comment ce futur territoire qui s’esquisse déjà va-t-il changer le quotidien des Grands Parisiens ?
TRANSPORTS. Le « chantier du siècle »
Imaginez traverser l’Île-de-France dans un métro automatique, avec des pointes à 120 km/h, sans passer par Paris. Aller de Boulogne à Champs-sur-Marne en trente-sept minutes contre une heure actuellement, d’Issy à Cachan en neuf minutes au lieu de quarante-six, de Villejuif à Champigny en dix-huit minutes au lieu de soixante-sept ! Ce sera possible à partir de 2024, grâce au Grand Paris Express. Ce supermétro de banlieue à banlieue fera partie du quotidien des Franciliens de 2030-2040.
Ce « chantier du siècle » évalué à plus de 35 Mds € a bel et bien commencé : les travaux battent leur plein sur le premier tronçon, la ligne 15 Sud Pont de Sèvres - Noisy-Champs, où 10 tunneliers creuseront les 33 km de lignes. Elle sera la première en service, d’ici à 2024, date à laquelle sont espérés aussi les prolongements de la ligne 14 au nord à Saint-Denis Pleyel, et au sud jusqu’à Orly, ainsi qu’un premier tronçon de la ligne 16, entre Pleyel et Le Bourget, JO 2024 obligent. À terme, 200 km de lignes nouvelles seront mises en service.
Au-delà du métro, de nouveaux modes de déplacement émergent. « Le Grand Paris Express sera obsolète au moment de sa livraison », prédit même Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, un brin provocateur. L’élu croit au développement des véhicules autonomes, des mobilités douces et partagées. L’essor des vélos, scooters et voitures en libre-service permet déjà de se déplacer, tout en réduisant le nombre de véhicules en circulation. Des navettes autonomes sont testées à La Défense et à Vincennes. Les SeaBubbles, ces taxis volants sur l’eau, seront, eux, expérimentés cette année sur la Seine. Et la « micromobilité » (trottinettes électriques, monoroues…) séduit de plus en plus les jeunes urbains pour leurs petits déplacements.
ÉCONOMIE. Des dizaines de milliers d’emplois
En plus du BTP, le Grand Paris devrait générer des emplois dans le domaine des services à la personne. LP/OLIVIER BOITET
Le Grand Paris de l’emploi passe aussi par le supermétro. Le chantier tout d’abord. Actuellement, plus de 2 000 personnes participent déjà aux travaux en cours sur la ligne 15 Sud (Pont de Sèvres - Noisy-Champs). À partir de l’année prochaine, près de 15 000 emplois seront mobilisés chaque année sur la construction des lignes et des gares. Du jamais vu. Et les retombées du métro circulaire ne s’arrêteront pas là. « Dans le sillage des travaux du Grand Paris Express, c’est toute une dynamique économique qui s’enclenche », expliquait récemment Philippe Yvin, président de la Société du Grand Paris (SGP). Avec plus de 200 000 m2 de commerces et d’activités d’ores et déjà prévus autour des 33 premières gares, là encore ce sont des dizaines de milliers d’emplois attendus.
En plus du BTP, de la transition énergétique et du commerce, le Grand Paris devrait générer des emplois dans le domaine des services à la personne. On estime qu’un Francilien sur cinq aura plus de 65 ans en 2040. Et que le nombre des plus de 85 ans va plus que doubler d’ici là. Une évolution qui entraînera de nouveaux besoins.
Le Grand Paris, c’est la fin du métro-boulot-dodo. L’émergence de la smart city, les connexions tous azimuts, y compris dans les gares et transports, ainsi que le développement du coworking… Dans quelques années on pourra travailler partout ou presque.
« Dès 2025, 21 % des actifs franciliens seront en télétravail », assure Fouad Awad, directeur de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France. Le double par rapport à aujourd’hui. Espaces de coworking, mais aussi FabLabs ou Repair Cafés… Les « lieux partagés » ou « tiers lieux » sont également appelés à se multiplier dans le Grand Paris de demain, comme le souligne une récente étude de l’IAUidf. Estimés aujourd’hui à environ 600, dont plus de la moitié à Paris, leur développement devrait concerner l’ensemble de la région, limitant ainsi les déplacements vers Paris.
Mais attention, ne vous attendez pas à voir disparaître les immeubles de bureaux. La demande reste forte. Des immeubles ultra-connectés, les smart buildings, faisant la part belle aux espaces collaboratifs, pousseront sur les friches industrielles de la proche banlieue…
URBANISME. Les quartiers de gare aménagés
L’idée : créer une nouvelle forme d’urbanisme faite de mixité et d’écologie. LP/ARNAUD JOURNOIS
En 2030, l’Île-de-France devrait compter 12,8 millions d’habitants, soit 672 000 de plus qu’en 2017 (+ 5,5 %), avec un poids prépondérant de la partie centrale (7 millions d’habitants aujourd’hui dans le périmètre de la métropole). Une population qu’il faudra loger.
Les facilités de déplacement accrues vont modifier considérablement la localisation de l’habitat et de l’emploi. Les projets qui se font déjà jour autour des futures gares de cette rocade ferroviaire donnent une idée de l’ampleur du phénomène. L’observatoire des 68 quartiers de gare souligne dans sa dernière note de synthèse publiée en janvier que 25 % de la surface totale disponible (3 300 ha), « font déjà l’objet de projets d’aménagements ». Des projets qui auront, et ont déjà, un impact sur le prix au mètre carré autour de ces gares.
Ainsi, selon le réseau MeilleursAgents, des hausses sensibles des prix de 5 à 9 % ont déjà été enregistrées à Saint-Denis, Bagneux, Issy-les-Moulineaux et Maisons-Alfort, sur ces cinq dernières années. Une étude du même réseau montre que cinq villes au moins devraient tirer leur épingle du jeu dans les dix prochaines années. La connexion des futures stations aux réseaux de transports publics et aux pôles économiques du Grand Paris devrait permettre à au moins cinq villes-gares (Saint-Denis, Aubervilliers et Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis, Bagneux dans les Hauts-de-Seine et Villejuif dans le Val-de-Marne) de surperformer de 50 à 100 % par rapport aux prix moyens en Île-de-France.
Les résultats des différents concours d’architecture initiés par la Ville de Paris, la SGP et la Métropole du Grand Paris illustrent cette volonté de créer une nouvelle forme d’urbanisme faite de mixité et d’écologie. On ne compte plus les immeubles à énergie positive, les façades et toitures végétalisées, les espaces ouverts sur la vie de quartier, permettant aux activités économiques et de loisirs de se côtoyer. Autant d’éléments qui modifieront le paysage des villes.
ENVIRONNEMENT. Plus de vélos, moins de voitures
Le nouveau vélib' a été mis en service en janvier 2018 dans la capitale. LP/OLIVIER BOITET
Et si on respirait mieux dans le Grand Paris de demain ? Déplacements, habitat, activités… Ce désir de faire reculer la pollution semble présent dans tous les secteurs qui préparent l’avenir des Grands Parisiens. Car le bien-être des habitants et leur santé représentent la condition clé d’une agglomération attractive où il fait bon vivre.
Les véhicules diesel mais aussi essence, l’une des principales sources de pollution, céderont peu à peu la place aux véhicules électriques. Les kilomètres de pistes cyclables sécurisées devraient aussi se multiplier. Une évolution qui devrait permettre de créer des mobilités apaisées dans une ville plus verte et entre les différents secteurs du Grand Paris. En attendant le jour où le rêve d’Anne Hidalgo se réalisera : un périphérique libéré des voitures.
Avec le recul de la pollution de l’eau, après les premiers plongeons dans le bassin de la Villette, les Grands Parisiens peuvent aussi espérer un jour prochain mettre en pratique la promesse de Jacques Chirac, se baigner dans la Seine.
Enfin, les champs d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques fleuriront dans le paysage francilien. À l’image de celui de Meaux, en Seine-et-Marne, ferme solaire de dix hectares inscrite parmi les 77 lauréats de l’appel d’offres lancé par le Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui devrait voir le jour d’ici 2020.
LOISIRS. Des lieux multiculturels
Vue de la salle de la U Arena en configuration spectacle : 36 100 personnes ont assisté au troisième concert des Rolling Stones, le 25 octobre 2017. LP/FLORENCE HUBIN
La dimension culturelle du Grand Paris, même si elle paraît a priori la plus difficile à cerner, est pourtant, après les transports, la forme la plus en marche du processus. Il s’agit également de gommer les frontières, de créer des ponts entre Paris et banlieue, entre ville et campagne… Et quoi de mieux que la culture pour parvenir à ce résultat
« La culture est déjà partout sur le territoire du Grand Paris », assure Rémi Babinet, président du fonds de dotation du projet culturel du Grand Paris Express. De la réflexion portée par les ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil aux recycleries qui naissent un peu partout sur le territoire, en passant par les guinguettes des bords de Marne ou les bars, restos ou salles de concert éphémères… Le Grand Paris culturel vit, bouge, s’active avec un dénominateur commun : le partage.
Des lieux multiculturels de plus grande envergure apparaissent aussi, comme la prestigieuse Seine musicale de l’île Seguin (Hauts-de-Seine) qui réunit musique classique et DJ, jazz et rap, mélangeant les publics et les événements musicaux, sociétaux, politiques. La U Arena de Nanterre aussi, tour à tour arène sportive et musicale. Emblématiques de ce nouveau Grand Paris, ils attirent un public de plus en plus large, notamment grâce à leur accessibilité accrue. On pourra même profiter de ses trajets pour caler un rendez-vous professionnel, réserver ses places de spectacle en ligne… L’image de Paris, Ville Lumière un peu figée, se muera en celle d’un Grand Paris de la culture foisonnant et accessible à tous.