Emmanuel Macron est-il sur le point de supprimer la métropole du Grand Paris ? C’est possible selon de nombreux acteurs du dossier consultés par Libération ce dimanche. Les préconisations du préfet de la région Ile-de-France, Michel Cadot, révélées par le Monde début janvier, vont dans ce sens-là. Et comme il a été prié de réfléchir à cette réforme par le Président… Toutefois, la jeune entité ne serait pas seule à tomber : le préfet propose aussi de supprimer les trois départements de la petite couronne, soit les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, malgré leurs cinquante ans d’existence. Cela fait des mois que le chef de l’Etat cherche la bonne façon de réorganiser la région parisienne, et le calendrier de ses décisions semble s’accélérer, même si l’on ignore toujours quelle forme vont prendre les annonces.
La commande du président de la République au préfet d’Ile-de-France s’articulait sur deux questions. Comment simplifier le millefeuille administratif en Ile-de-France. Et comment éviter les effets de frontières entre, schématiquement, un centre riche et dynamique et une grande couronne pauvre et abandonnée ?
Sur la première question, la réponse est arithmétique : on supprime la métropole du Grand Paris, les trois départements de petite couronne et hop, sur six niveaux, deux de moins. Pour la question des effets frontières, en revanche, pas de réponse évidente. «Ils ont cherché le bon périmètre dans tous les sens mais c’est introuvable», commente un des acteurs du dossier. De fait, toutes les cartes – de la population, du bâti, de la production de richesse – montrent qu’il existe une zone dense bien réelle. C’est ce qu’a entériné la création, en 2012, de la métropole du Grand Paris. Mais pour Macron, déjà bien assez «président des riches» à son goût, placer la grande couronne de l’autre côté d’un mur, fût-il psychologique, est politiquement périlleux. La «frontière» serait donc théoriquement effacée par le renforcement des onze établissements publics territoriaux (plus Paris), regroupements de communes qui composent actuellement la métropole. La grande couronne aurait donc comme voisins un chapelet de collectivités, supposé moins menaçant que la grande métropole et ses 7 millions d’habitants.
Quant aux trois départements, ils verraient leurs compétences récupérées en partie par les établissements publics territoriaux renforcés et par la région. L’élection régionale serait modifiée, de sorte que les conseillers puissent exercer les fonctions départementales. Ce dispositif ressemble à une victoire pour la présidente LR de la région, Valérie Pécresse, mais la modification d’un mode électoral n’est jamais sans risque.
De cet édifice, un militant de la métropole dit qu’il lui «tord les tripes. Quinze ans de travail détricoté…» En renforçant la région, le Président, qui défend l’attractivité de la France et du Grand Paris en toute occasion, semblerait surtout ménager Gérard Larcher, le président du Sénat, ardent défenseur de Pécresse et indispensable soutien quand viendra la future réforme constitutionnelle.
Techniquement, le système s’annonce difficile à mettre en œuvre. Les départements restent en place jusqu’aux départementales de 2021. Et ensuite ? Combien d’années pour transférer les compétences – les collèges, les routes, l’aide sociale ? Autre difficulté : les maires. L’intercommunalité en Ile-de-France avait, en 2012 ,vingt ans de retard sur ce qui avait été accompli dans les régions. «Les maires ne sont déjà pas tous favorables aux établissements publics territoriaux, loin de là. Quand ils vont découvrir qu’ils ne siègent pas forcément dans le conseil des territoires, ça ne va rien faciliter», note un familier du dossier.
Mais ce dispositif éclaté peut-il aider à corriger les inégalités territoriales ? «Si l’on considère que les péréquations doivent se faire sur une grande échelle, la région peut être le bon échelon, veut croire un haut fonctionnaire. Mais si on en charge les établissements publics territoriaux, on risque le retour des chapelles.»
Emmanuel Macron aurait-il découvert la machine à remonter le temps ? Avec la création d’une douzaine de baronnies autour de Paris, il donne l’impression de revenir aux beaux jours du général de Gaulle, désossant le département de la Seine en quatre morceaux. Au fond, dans les années 60, le découpage visait à encercler Paris dans un Yalta territorial entre gaullistes et communistes. Cette fois, serait-ce la puissance potentielle du Grand Paris qu’il faut étouffer ?