Maire de Cachan et président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, Jean-Yves Le Bouillonnec souligne les bénéfices économiques générés par la construction du réseau. Il décrit aussi sa vision de l’organisation administrative en petite couronne.
Quel regard portez-vous sur les annonces de remise en cause du calendrier de réalisation des lignes du Grand Paris express ?
Concernant le réseau du Grand Paris express, je ne comprends pas le débat autour de la question du coût de sa réalisation que semble vouloir poser l’Etat et de la remise en cause du calendrier. Le projet n’est pas financé par le budget de l’Etat qui ne met pas un centime dans ce programme. Par contre, et c’est positif pour les finances publiques, l’Etat tire profit de l’ingénierie industrielle mise en œuvre. L’activité économique générée, je dois bien le dire, se traduit par de la TVA, par de la fiscalité économique, par des emplois, par des mutations foncières générant un processus d’activités regardé avec beaucoup d’intérêt et un peu d’admiration par nos partenaires européens.
Mais les emprunts de la Société du Grand Paris sont intégrés à l’endettement de la France et donc soumis à nos engagements relatifs au traité de Maastricht ?
La SGP est, en effet, une agence d’Etat. On nous explique qu’elle participe, à ce titre, à la dette maastrichtienne. Mais nous réalisons un réseau de transports qui, dans 20 ans, sera au service de la population. Quel sens peut prendre le respect des règles de Maastricht si c’est pour que des générations subissent encore l’inconfort dans leurs déplacements, que l’isolement, la ségrégation urbaine et les déséquilibres territoriaux persistent ?
Il faut bien que les objectifs maastrichtiens soient aussi reliés aux besoins, aux attentes de la population. Le gouvernement ignore-t-il comment la population francilienne est transportée ? Je ne veux pas le croire… Et pourquoi l’Etat irait se priver d’une production de richesses sur une activité qui ne pèse aucunement sur le budget, simplement par respect des règles qui, dans plusieurs décennies, seront regardées comme iconoclastes par rapport aux stratégies de développement économique, aux besoins de la population, aux grandes démarches d’aménagement.
Vous déplorez une approche exclusivement comptable ?
Je conteste, en effet, l’idée que le gouvernement ait une approche exclusivement fondée sur les enjeux des grands équilibres comptables de ses bilans. Par contre, que le gouvernement continue à maintenir des exigences à l’égard de la société du Grand Paris pour respecter les niveaux de charges et les coûts, c’est logique. Je veux souligner, à ce titre, que la Société du Grand Paris se voit sollicitée pour participer à des stratégies qui ne figurent pas dans le périmètre initial de ses missions et de sa vocation. Je pense, par exemple, aux versements que le législateur, ainsi que les gouvernements successifs ont décidé de faire assumer par la Société du Grand Paris au profit du plan de mobilisation pour les transports en Ile de France.
Je pense également au décret disposant que les matériels roulants de maintenance du réseau seront achetés par la SGP, à ses seuls frais, alors qu’il s’agit d’un matériel qui a pour vocation d’entretenir un réseau qui sera exploité par un autre. La SGP fait aussi cela et on peut dire que l’Etat en tire profit. Le Grand Paris express fait l’unanimité, actuellement il est le plus important projet d’infrastructure urbaine dans notre pays comme en Europe, et il mobilise nos entreprises (des grands groupes comme des TPE), nos ingénieries de tous niveaux.
Vous craignez que la pression des Jeux olympiques ait des effets collatéraux contraires aux intérêts de la population ?
Se pose aussi, en effet, la question des Jeux olympiques, fantastique et très heureuse perspective. Je veux bien que l’on nous demande d’être prêt à temps en 2024. Il est, cependant, difficile d’imaginer que l’on fasse des priorisations dans la réalisation des différentes lignes du projet du grand réseau afin d’être au rendez-vous, au détriment des services que l’on doit nécessairement rendre aux populations et aux territoires longtemps oubliés des politiques d’aménagement et de désenclavement. Et je serai très attentif quant aux choix du gouvernement à ce sujet. En résumé, je considère que le réseau du Grand Paris express doit être réalisé intégralement dans les délais déjà fixés, sans report ni changement de rythme.
Comment allez-vous aborder la conférence territoriale du Grand Paris annoncée pour novembre ?
Nous avons eu raison, à l’époque, de ne pas attendre que tout le monde soit d’accord pour que la métropole du Grand Paris soit institutionnalisée. Elle n’aurait jamais vu le jour. Et c’est donc bien qu’elle ait été constituée au 1er janvier 2016. Mais en l’état, les règles qui ordonnent aujourd’hui la métropole du Grand Paris et les territoires qui la composent ne sont pas abouties. Elles comportent un certain nombre de contradictions. Je considère que la métropole est une métropole de villes, de communes. L’intercommunalité ne nuit pas aux communes au contraire. Le territoire constitue en l’occurrence une potentialisation pertinente, à la hauteur de la métropole.
Il y a beaucoup de questions auxquelles il faut donner réponses. La difficulté des ressources, en est une majeure. Si un territoire n’a pas de ressources, il ne pèse pas politiquement. Un deuxième point est le suffrage universel : la loi ne prévoit pas un basculement vers le suffrage universel direct des conseillers territoriaux ou métropolitains. Il y a aussi un obstacle constitutionnel qui est à l’origine de beaucoup de difficultés et de complexités, notamment financières et budgétaires. Si une commune donne ses compétences à un territoire qui constitue un établissement public de coopération intercommunal, celui-ci ne peut pas déléguer les compétences qu’il a ainsi reçues à la métropole. On s’est heurté à ce problème qui a contrarié la volonté politique d’installer les communes, les territoires et la métropole dans des compétences ordonnées pour faciliter une bonne gouvernance, y compris avec des subsidiarités, des ancrages de proximité et de spécificité, entre tous les niveaux d’intervention dont les élus disposaient.
La grande complexité de la répartition des ressources et des flux financiers en est également la conséquence fâcheuse. J’ai le souvenir de l’évocation de ces contraintes juridiques qui nous ont constamment opposées à la direction générale des collectivités territoriales. Il faudra les surmonter.
Quel est votre schéma ? Faut-il garder les EPT, la métropole, les deux niveaux ?
Je pense que les communes ne peuvent pas directement travailler avec la métropole sur tous les sujets, il faut disposer d’un échelon intermédiaire. A mon avis, il nous faut conserver le territoire qu’il faut faire fonctionner avec un dispositif de relations directes entre la métropole et le territoire, notamment financier, qui fait cruellement défaut aujourd’hui. Si on le fait, on supprime ce circuit financier incompréhensible qui prévaut aujourd’hui.