12 Octobre 2017
séance des questions d’actualité du mardi 10 octobre 2017
Assemblée nationale
Périmètre du Grand Paris
M. le président. La parole est à M. Bruno Millienne, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
M. Bruno Millienne. Monsieur le Premier ministre : 1 278 communes, 82 intercommunalités, 8 départements, une métropole composée elle-même de 131 communes et de 12 territoires, plus de 900 groupements de collectivités et, bien évidemment, la région administrative. À n’en pas douter, l’Île-de-France détient le record de la complexité, de quoi donner le tournis à une toupie !
Alors que les dernières lois territoriales se fixaient pour objectif de clarifier les compétences de chaque collectivité, les batailles parlementaires ont laissé des territoires ankylosés et confus. L’organisation francilienne est digne des plus prodigieux mille-feuilles dont on se délecterait sans doute s’il n’était pas question de l’efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens.
La simplification drastique, pour reprendre les mots du Président de la République, est une absolue nécessité. Une gouvernance qui fait coexister trois poids lourds – région, métropole, Paris – ne peut pas fonctionner.
Ce fut une erreur du précédent gouvernement de réduire le périmètre de la métropole au seul ancien département de la Seine, excluant de fait cinq millions de Franciliens et faisant peser le risque d’une marginalisation sociale, économique et culturelle des territoires périurbains et ruraux de la grande couronne. La solution ne peut consister à intégrer à la métropole des valeurs ajoutées comme Roissy et le plateau de Saclay.
Pour répondre aux défis qui nous sont lancés par les grandes régions du monde, faisons le choix cohérent et logique de la région métropole calquée sur le périmètre de l’Île-de-France et dotée de compétences stratégiques. Si nous voulons bâtir une agriculture – pour ne prendre que cet exemple – qui serait, elle aussi, moteur du développement économique, c’est bien cet échelon qu’il faut envisager.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale, les élus locaux et les Franciliens sur les orientations retenues par le Gouvernement dans la perspective de la conférence du Grand Paris ? Pouvez-vous réaffirmer que vous aurez à cœur de ne pas laisser s’installer une Île-de-France à plusieurs vitesses dont les territoires de grande couronne seraient, à nouveau, les grands oubliés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Brochand. C’est un one man show aujourd’hui !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, pour recevoir en ce moment de nombreux élus franciliens, régionaux, départementaux, présidents d’établissements publics territoriaux et maires, je mesure mieux la complexité du débat sur le Grand Paris ou la métropole. Je mesure les passions, les inquiétudes, les interrogations qu’il suscite.
Pour vous répondre, je partirai de trois constats. Premier constat – et c’est plutôt une bonne nouvelle –, le fait métropolitain s’est imposé ; il n’est pas contesté. Chacun s’accorde à reconnaître que le fait métropolitain existe, que la très grande densité démographique sur l’aire géographique très vaste autour de Paris relève de ce fait métropolitain et qu’il faut donc traiter celui-ci en tant que tel.
Deuxième constat : que l’on retienne le périmètre de la métropole actuelle avec ses 7 millions d’habitants ou le périmètre de la région Île-de-France avec ses près de 11 millions d’habitants, il n’existe pas sur le territoire national quelque chose de comparable, qui présente les spécificités du Grand Paris ou de la métropole, quel que soit le nom qu’on veuille lui donner.
Troisième constat : tout le monde s’accorde sur le fait que la situation actuelle ne peut pas durer.
Un député du groupe LR. C’est clair !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. C’est d’ailleurs très intéressant. Des modifications législatives ont été tentées, mais je n’ai encore rencontré personne qui me dise : « Surtout ne changez rien ! ».
Je crois que la bonne méthode, monsieur le député, est de partir non pas d’une logique institutionnelle, presque administrative, mais plutôt des politiques publiques. C’est une meilleure méthode.
Réfléchissons aux enjeux de l’organisation du fait métropolitain : à celui, essentiel et urgent, de la compétitivité. Réfléchissons à l’enjeu de la qualité de vie – ce n’est pas un vain mot dans ce territoire ; comme partout en France, mais singulièrement dans le territoire métropolitain, cette question se pose. Pensons aussi aux questions de solidarité, car la répartition des richesses sur le territoire métropolitain est à l’évidence marquée par de très fortes inégalités.
Sur la base de ces constats et de ces orientations, le Président de la République et le Gouvernement proposent une méthode. La première caractéristique de cette méthode est d’écouter et de prendre le temps d’entendre les points de vue et les aspirations de l’ensemble des acteurs. Ces aspirations sont souvent contradictoires, vous le savez, monsieur le député. Il faut prendre le temps d’écouter pour comprendre quelles sont les logiques portées par les différents niveaux d’administration territoriale et par les élus qui les incarnent.
Deuxième point de méthode : éclairer. Nous devons instruire et documenter les différents scénarios possibles d’organisation parce qu’une multitude de questions techniques, juridiques, financières et même pratiques sur la répartition ou le transfert des compétences se posent. Si, sur un coin de table ou dans sa tête, on peut envisager un cadre administratif parfait, dans la pratique, le transfert des compétences est redoutablement complexe. Personne ne veut, dans les années qui viennent, créer plus de désordre encore dans la répartition des compétences.
Enfin, troisième point de méthode : décider. C’est ce que nous ferons à l’issue de ce processus et après la réunion, à l’initiative du Président de la République, d’une conférence sur le Grand Paris pour dessiner les nouveaux modes d’organisation.
M. Thibault Bazin. Avec des assises ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Ce qui est certain, monsieur le député, c’est que nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo. Nous allons donc devoir avancer et inventer quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs en France – il n’existe aucun modèle dont nous pourrions nous inspirer ou que nous pourrions reproduire s’agissant de la métropole parisienne. C’est donc à un exercice non seulement d’inventivité intellectuelle, mais aussi d’enracinement très fort dans la réalité métropolitaine que nous devons nous livrer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)