24 Juin 2016
Après l’avoir démembrée en 1964, l’Etat a tenté depuis 2008 de réorganiser la gouvernance du Grand Paris malgré l’opposition d’un grand nombre d’élus. Alors que la métropole commence tout juste à exister, toutes sortes de points de vue désenchantés ou critiques s’expriment, regrettant la lumière du moment «Chaillot», et la posture classique du roi entouré de ses architectes favoris, iconiques et visionnaires.
Après des années de controverses et de compromis qui transcendaient la vision binaire du conflit gauche/droite, il nous faut identifier ce qui a changé. L’utopie de la métropole intégrée, rassemblée derrière un seul pilote, a vécu. Face aux dynamiques contradictoires de la métropolisation, la recherche du méga plan d’aménagement achevé et totalisant est vaine. Cette approche volontariste et nostalgique est mise à mal par la mutation économique, la crise des finances publiques, le choc des échelles et des fractures territoriales et sociales. Dans un monde ouvert et incertain, qu’on l’accepte ou non, le principe de gestion commune et pragmatique des affaires courantes s’est imposé, là où le grand public ne veut voir qu’un dispositif inintelligible, sorte d’OVNI venu de nulle part.
Alors qu’il y a seulement cinq ans l’expression «Grand Paris» était taboue, de nouveaux acteurs entraînent un bouillonnement d’initiatives qui fabrique déjà la métropole de demain. Là où certains déploraient le vide et l’immobilisme, aujourd’hui c’est plutôt le trop-plein : Société du Grand Paris pour construire le nouveau métro et les quartiers de gares, Grand Paris Aménagement pour combler le déficit de logements, Paris Métropole pour continuer de débattre entre élus de la grande et de la petite couronne, Métropole du Grand Paris pour poser quelques principes partagés et produire la stratégie d’échelle métropolitaine… Ajoutons que même la région Ile-de-France, qui feignait d’ignorer la question, espère désormais se confondre avec la Métropole parisienne.
Aucune ville monde ne dispose du mode de gouvernance parfait ; chacune a inventé sa propre trajectoire pour affronter les grandes questions : globalisation, compétition fragmentation, cohésion sociale, insécurité, efficacité, mobilité, centralité, foncier, attractivité, croissance, emploi, environnement, rapport public/privé… Force est d’admettre qu’ici et maintenant les 131 maires ont pris les commandes, adossés à la densité du maillage communal et à leur légitimité élective. Redevenus incontournables au sein d’une assemblée politique inédite depuis l’éclatement des 80 communes du département de la Seine, ils vont devoir éclaircir progressivement leurs pensées ambiguës pour donner sens et réguler une métropole en chantier, cosmopolite, productive et inégalitaire.