11 Avril 2016
Inventer le Grand Paris
Regards croisés sur les métropoles des années 1970 à l’an 2000
Dates du colloque : 1er et 2 décembre 2016
Lieu : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville
Le quatrième colloque international « Inventer le Grand Paris » se réunira les 1er et 2 décembre à Paris à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville. Il s’inscrit dans un programme pluriannuel de recherche sur l’histoire du Grand Paris qui s’est développé dans une perspective transnationale et interdisciplinaire. A partir de dates clés de l’histoire du Grand Paris, ce programme propose d’éclairer son actualité en confrontant sa planification et son aménagement à ceux d’autres métropoles à travers le monde. Ainsi, le colloque initial (2013) a pris comme point de départ les travaux de la Commission d’extension de Paris de 1913, première expression d’un projet pour le Grand Paris. Le deuxième (2014) correspondait à la période du premier Plan d’aménagement de la région parisienne, dit plan Prost, de 1934. Le troisième (2015) a porté sur les années quarante jusqu'au Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (SDAURP) de 1965.
Le colloque de 2016 portera sur les dernières décennies du vingtième siècle, entre 1970, fin d’une période de forte croissance, et 2001, début d’un nouveau cycle qui sera marqué par la relance de la thématique du « Grand Paris ». Alors que le contexte français est marqué par une longue transition entre le volontarisme politique de l’après-guerre et la décentralisation, voire la libéralisation de la conduite des affaires de la Cité, cette période est aussi celle d’une diffusion planétaire du fait métropolitain, d’un renforcement du réseau des villes-monde, notamment après 1989, et d’un déclassement relatif des anciennes métropoles. Sur un plan plus strictement urbanistique, la page dite « fonctionnaliste » semble se tourner : aménagement stratégique dans les années 1970, urbanisme de projet dans les années 1980, « renouvellement urbain » dans les années 1990, actualisent la rhétorique des politiques publiques en lien avec les mutations urbaines. En ce qui concerne le Grand Paris, cette période est marquée par la publication en 1976 du premier schéma directeur régional ayant suivi l’ensemble du processus légal, concomitant de la création institutionnelle du conseil régional d’Ile-de-France. Il sera suivi près de vingt ans plus tard par un autre schéma directeur en 1994 qui est resté le document référent jusque dans les années 2000. Entre ces deux documents, un certain nombre de nouvelles thématiques sont introduites qui sont partagées par d’autres métropoles en France et dans le monde :
Après une période marquée par l’action de l’administration centrale de l’Etat, celle des années 1970-2000 voit s’établir un nouveau partage des tâches en matière d’aménagement via la déconcentration puis la décentralisation, notamment sur la question des transports, qui devient compétence du conseil régional d’Ile de France en 1976, puis via le transfert aux communes des compétences d’urbanisme dans les années 1980. Entre ces deux moments, se recrée à Paris un exécutif élu qui a dorénavant prise sur l’urbanisme (1977), évolution qui réinterroge l’aménagement entre Paris et ses banlieues. La métropole devient un champ de tensions entre un local parfois de repli et un global toujours plus intégré. Avec l’affirmation des nouveaux départements issus de la réforme de 1964, puis l’émergence, à partir des années 1980, de nouveaux territoires de projet et d’intercommunalités, se constitue le fameux « mille-feuille administratif » de la métropole parisienne. Et celui-ci semble renforcer l’isolement paradoxal, et sans doute unique au monde, de la commune de Paris. Les habitants eux-mêmes tentent de s’ériger en acteurs à travers les luttes urbaines.
Ce cadre est enfin celui dans lequel l’Institut d’aménagement et d’urbanisme régional (IAURIF) et l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) développent une expertise sur des territoires emboités, expertise qu’ils ont exportée. Qu’en est-il dans le reste des métropoles françaises où la mise en place de communautés urbaines a pu bien plus tôt stabiliser cette complexité, où les luttes urbaines ont pu avoir un rôle beaucoup plus important ? S’agit-il d’une situation classique en contexte métropolitain ou d’une pathologie spécifiquement parisienne ? Les comparaisons internationales seront ici particulièrement bienvenues. Elles pourraient notamment s’appuyer sur des cas liés à l’exportation de l’expertise de ces deux organismes.
Les cinq villes nouvelles (Evry, Cergy, Marne-La Vallée, St Quentin et Sénart) ainsi que les pôles de restructuration de première couronne (La Défense-Nanterre, Bobigny, Créteil, etc.), clairement identifiés dans le schéma de 1976, accueillent de vastes opérations d’aménagement pilotées par des opérateurs spécifiques (sociétés d’économie mixte, établissements publics d’aménagement). Dans le schéma de 1994, cet outillage opérationnel semble s’articuler de manière encore plus libre avec la planification régionale à travers nombre de « territoires de projet » issus de dynamiques locales. L’aménagement régional s’orienterait ainsi progressivement vers ce que les acteurs ont appelé un « urbanisme de projets », s’appuyant souvent sur des réalisations architecturales médiatisées ou des espaces publics symboliques. Une histoire de certaines de ces opérations, parfois peu connues, et de leur articulation avec la planification du Grand Paris sera bienvenue. Il sera aussi intéressant de comparer la situation parisienne à d’autres métropoles françaises où cet urbanisme de projet a pu avoir une dimension plus stratégique. Les modalités d’articulation entre projet et planification dans d’autres métropoles fourniront un contrepoint intéressant.
D’une manière assez originale, le schéma de 1976 comporte une section sur la « composition urbaine » à l’échelle de l’agglomération. Ce « renouveau » de la question des formes urbaines se développe en parallèle à l’APUR à travers une doctrine fondée sur l’analyse approfondie du tissu urbain haussmannien. Cette doctrine, qui s’inscrit dans le post-modernisme, oriente l’ensemble de la politique d’aménagement de la ville de Paris jusqu’à la fin des années 1990 – c’est en son nom que sont interrompues et reprogrammées certaines opérations de rénovation urbaine (Belleville, Amandiers, les Halles…). Ce discours du « retour à la ville » se développe ailleurs en Europe (Italie, Allemagne… etc.) et dans le monde en puisant une légitimité dans la question patrimoniale et fera aussi école dans nombre d’autres villes françaises. Comment apparaît concrètement ce changement de paradigme dans la planification et l’aménagement du Grand Paris ? Comment a-t-il émergé de manière beaucoup plus précoce dans les autres métropoles ?
Plus généralement, après la période de « l’urbanisme de la croissance », la thématique du « renouvellement de l’habitat » du schéma de 1976 et les « sites de redéveloppement » du schéma de 1994 témoignent de l’émergence de nouvelles modalités d’aménagement. La métropole parisienne n’échappe pas à cet urbanisme en « re- », même si son inertie parait plus grande que celle des métropoles françaises de moindre envergure confrontées à la reconversion de friches industrielles en centre-ville. Comprendre cette posture doit aussi passer par l’analyse d’expériences pionnières locales dans les quartiers en difficultés ou l’observation de l’impact de politiques nationales telles le programme Banlieue 89, dont l’histoire reste à faire, ou l’ensemble des dispositifs de la « Politique de la ville ». L’analyse d’exemples étrangers permettra d’offrir des contrepoints à cette dialectique entre protection des centres et renouveau urbain en périphérie.
Depuis la première crise pétrolière de 1973, en passant par l’instauration de la « trame verte » dans le schéma de 1976 et l’affirmation des parcs naturels régionaux dans celui de 1994, la protection de la nature et l’environnement s’affirme. L’importance de la question du paysage à partir des années 1990 se traduit à travers de nouveaux documents de planification du grand territoire : plans et atlas de paysage. Enfin, la remise en question de la consommation de terres agricoles et l’idée de la ville comme espace nourricier font que l’agriculture commence à intégrer l’univers de la planification et de l’aménagement à travers certains cas pionniers. Mais l’histoire de ce corpus reste fragmentaire, que ce soit pour le Grand Paris ou pour les autres métropoles françaises. Comment se sont articulées expériences associatives et prises de conscience politiques ? Quels ont été les modèles étrangers précurseurs et devenus références ? La fin de la période correspondant à ce colloque voit se construire l’enjeu écologique planétaire : porter l’éclairage sur ces aspects permet d’interroger contribution de l’aménagement urbain à cette affirmation.
Si nombre de ces questions s’ouvrent sur l’actualité, cet appel s’inscrit dans une démarche historique privilégiant les recherches de première main et les communications faisant état d’évolutions temporelles que ce soit dans l’aménagement du Grand Paris ou dans celui d’autres métropoles, ces dernières étant abordées dans une démarche comparatiste. C’est en ce sens qu’il jette un regard historique sur une période très récente. Nous espérons donc qu’il intéressera de nombreuses disciplines : histoire, géographie, architecture, urbanisme, science politique, etc.
Les propositions de communication en français ou en anglais (d’une durée de 20 minutes) doivent être communiquées par courriel à l’adresse suivante :
Sous la forme d’un document Word d’une demi-page A4 maximum (1 200 signes environ) accompagné d’un CV court (nom, coordonnées, formation et diplômes, activité et organisme de rattachement, thèmes de recherche et principales publications) au plus tard le 31 mai 2016.
Comité d’organisation :
Comité scientifique :