19 Janvier 2011
J'ai participé avec beaucoup de plaisir à la présentation à la presse ce mercredi matin du groupe, du club, Les Métropolitaines
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Les Métropolitaines sont un groupe pluraliste qui a vocation
à rassembler des personnalités venues d’horizons divers
mais qui ont en commun la connaissance et la pratique de la
chose urbaine.
Les Métropolitaines regroupent à ce jour 23 personnes
Les membres
David Alcaud
Vice-président de la Fondation
internationale pour la Recherche
comparative en Sciences sociales
Frédéric Bonnet
architecte-paysagiste
Patrick Bouchain
architecte
Fabienne Brugère
philosophe, président du Conseil
de développement durable de Bordeaux
Cristina Conrad
présidente des architectes-conseils
de l’Etat
Sophie Donzel
2e adjointe au maire de Nanterre en
charge du Développement économique, de
l’Emploi, du Commerce et de l’artisanat
Jacques Donzelot
sociologue, directeur du Centre d’Etudes,
d’Observation et de Documentation sur la
Ville, et directeur du Centre d’Etudes des
Politiques Sociales
Vincent Feltesse
maire de Blanquefort, président de la
Communauté urbaine de Bordeaux,
président de la Fédération nationale des
agences d’urbanisme
Mireille Ferri
Conseillère régionale d’Ilede-
France
Vincent Fouchier
docteur en urbanisme
Jean-Christophe Fromantin
maire de Neuilly-sur-Seine
Frédéric Gilli
économiste et géographe, Directeur de la
Chaire Ville à l’IEP de Paris
Annie Guillemot
maire de Bron, vice-présidente de la
Communauté urbaine de Lyon
Michel Jacques
architecte,
directeur artistique
d’arc en rêve centre d’architecture
Djamel Klouche
architecte-urbaniste
Anne Lacaton
architecte
Michel Lussault
géographe, président du PRES de Lyon
David Mangin
architecte
Pierre Mansat
adjoint au Maire de Paris en charge
de Paris Métropole
Olivier Mongin
directeur de la revue Esprit
Frédérique Monjanel
architecte, Directeur Général d’ING Real
Estate Development France
René Vandierendonck
maire de Roubaix
Jean Viard
sociologue, directeur de recherche au
CNRS-CEVIPOF
Elsa Vivant
maître de conférences à l’Institut français
d’urbanisme
> La Charte
Alors qu’il n’abritait encore qu’un dixième de l’humanité au début du xxe siècle, l’espace urbain est aujourd’hui en passe de devenir l’environnement « naturel » des êtres humains. En Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine, les trois- quarts environ de la population sont d’ores et déjà urbanisés. Et si en Afrique et en Asie les ruraux sont encore majoritaires, ce n’est plus pour longtemps puisque les urbains devraient les dépasser d’ici 2030, date à laquelle le taux d’urbanisation mondiale pourrait franchir les 60%. Dans ce contexte d’urba- nisation planétaire et généralisée, la vieille distinction entre ville et campagne perd chaque jour un peu plus de son sens : partout ou presque, c’est désormais l’urbain qui organise le rural.
Cette urbanisation universelle fulgurante tend depuis une cin- quantaine d’années à prendre une forme particulière, qu’on appelle « métropolisation », et que caractérise la convergence toujours plus forte des flux démographiques et économiques vers les agglomérations les plus importantes. Les «métropoles » sont ces villes dominantes qui, à l’échelle d’une région, d’un Etat, du monde, concentrent les hommes, les activités, les responsabilités et les richesses. Mais elles ne sont pas pour autant de simples extensions de la cité industrielle du xxe siècle, dont elles abandonnent pour la plupart le schéma concentrique et l’ancrage territorial au profit d’un fonctionnement multipolaire et d’un développement protéiforme, fondés sur des logiques de réseau, rendus possibles par les révolutions technologiques en matière de transport et de communication.
La France n’échappe pas à la règle. L’urbanisation du pays, en- gagée sur le tard mais désormais massive (environ 8 Français sur 10 vivent en ville), se fait d’abord au profit de ses prin- cipales « aires urbaines ». Entre 1999 et 2008, huit d’entre elles ont ainsi absorbé à elles seules plus de la moitié de la croissance démographique française. Et aujourd’hui, les plus grandes de ces aires, celles qui dépassent 500 000 habitants, regroupent environ 37% de la population totale.
Parce qu’elle oblige à une remise en question radicale de nos représentations et de nos pratiques urbaines coutumières, la métropolisation représente un défi pour tous les acteurs de la ville : pour les habitants, contraints à des comportements nouveaux; pour les professionnels, dont les modalités d’intervention doivent évoluer; pour les décideurs publics désor- mais chargés d’orienter et d’arbitrer en partenariat des projets d’une complexité inédite et relevant d’échelles multiples. Pourtant, force est de constater que le fait urbain reste en France nettement sous-estimé, et que la place faite au pro- blème de la métropolisation demeure marginale dans le débat public national. Le concept est pour ainsi dire inconnu dans la sphère médiatique généraliste. À l’échelon universitaire, re-
lativement peu de gens travaillent aujourd’hui en France sur l’articulation entre mondialisation et dynamique métropoli- taine, et souvent dans des lieux très éparpillés. À l’échelon po- litique enfin, le fait métropolitain reste méconnu. Un simple coup d’œil à notre organisation territoriale suffit pour s’en apercevoir. La France – et ce depuis la Révolution – ne connaît pas de villes, mais simplement des « communes », indistinc- tement urbaines ou rurales, isolées ou limitrophes, désertes ou millionnaires : le système électoral bloque les pratiques métropolitaines.
Ce retard pris en France par le politique sur une évolution mondiale majeure, s’il se prolonge trop, risque d’être lourd de conséquences. Livré à lui-même, le processus de métropolisation pourrait à terme se révéler dévastateur. De fait, nous sommes d’ores et déjà confrontés aux effets collatéraux d’une croissance urbaine exubérante : l’étalement et la fragmentation de l’espace urbain, l’augmentation des déplacements et des distances parcourues, avec le coût énergétique et écologique qu’elle im- plique, l’urbanisme commercial anarchique et le plus souvent indifférent à l’exigence architecturale, la ségrégation spatiale et sociale, la standardisation de l’offre urbaine –toutes les villes ayant tendance à mettre en oeuvre les mêmes «recettes » pour tenter d’attirer hommes et capitaux – figurent parmi les manifestations les plus spectaculaires en même
temps que les plus dommageables de la métropolisation. Mais il serait vain et tout aussi néfaste de prétendre résis- ter à cette lame de fond qui poussent les être humains, par- tout dans le monde, vers les grandes agglomérations. Car à l’heure de la globalisation, les villes européennes sont mena- cées d’insignifiance et n’auront bientôt si elles n’y prennent garde plus d’autre alternative que la muséification, qui n’est rien d’autre qu’un renoncement. Alors qu’une culture urbaine inédite s’élabore aux quatre coins désormais interconnectés de la planète, dans les « villes globales » de la mondialisation triomphante aussi bien que dans les « mégacités » des pays du Sud, la vitalité économique, sociale, culturelle, passe nécessairement par la constitution de villes puissantes et intégrées au réseau mondial, offrant aux entreprises et aux particuliers les services de haut niveau auxquelles ils aspirent. Parce qu’il ne faut ni s’abandonner à la métropolisation ni la fuir, mais la comprendre et l’organiser, nous jugeons indispen- sable d’engager une action volontariste et vigoureuse visant à attirer l’attention du public sur cette nouvelle formulation de la question urbaine. Tel est l’objectif que nous nous fixons en inventant Les Métropolitaines. Notre ambition : inscrire enfin la métropolisation à l’agenda politique français. Notre identité : un réseau constitué de personnalités d’horizons divers (élus, techniciens et profes- sionnels de la ville, intellectuels, journalistes...), mais que fédèrent le goût de la culture urbaine et la charge d’imaginer, de concevoir et de bâtir la ville de demain. Notre méthode : interpeller – au besoin de manière iconoclaste – savants, décideurs, créateurs et maîtres d’œuvre, sonder leurs positions sur les problèmes de l’heure, et les encourager à oser des pro- positions nouvelles.
Puisque le processus métropolitain s’accompagne par définition d’une remise en question de l’opposition classique entre centre et périphérie, Les Métropolitaines se veulent décentralisées et mobiles. C’est pourquoi elles naissent non dans la capitale parisienne mais dans la métropole bordelaise, sous l’égide de Vincent Feltesse, président de la Communauté urbaine de Bordeaux. Mais c’est pourquoi aussi elles ont vocation à rayonner, depuis leur base girondine, sur le territoire français et européen, partout où la métropolisation, pour le meilleur comme pour le pire, est à l’œuvre.
Les fondateurs des Métropolitaines ont la conviction que la métropolisation peut être une chance pour la France. Si nombre de nos grandes villes peuvent paraître bien chétives à l’échelle des mégapoles mondiales, leur modestie est aussi ce qui fait leur force. Elles ont ce dont manquent souvent les grands agglomérations d’aujourd’hui : une taille humaine, une profondeur historique et une véritable tradition citadine, un espace public encore digne de ce nom. En dépit des ten- dances lourdes de la mondialisation urbaine –privatisation, prégnance des flux sur les lieux, entre soi– nous sommes convaincus qu’il y a place pour des destins urbains multiples faisant droit aux singularités de chacune de nos villes. Mais ces atouts, les métropoles françaises ne pourront les faire valoir qu’à condition de secouer le joug d’un certain nombre de pesanteurs héritées et bloquantes : un poids tou- jours écrasant de Paris, une décentralisation chaotique et ina- chevée, une gouvernance locale empêchée par un découpage territorial obsolète, des métiers qui peinent à s’affranchir de la tutelle de l’Etat, un recours encore craintif et tâtonnant à la participation démocratique qui retarde l’avènement d’une véritable citoyenneté urbaine... Il faut rompre enfin avec une approche encore trop exclusivement technique de la question urbaine. Bâtir la ville est bien sûr affaire de métier. Mais c’est en dernier ressort une affaire politique, s’il est vrai que c’est bien à la nation qu’il appartient de choisir au bout du compte la place et la forme qu’elle entend demain donner à la Ville sur son territoire