18 Décembre 2012
Mobilisé dès 2001 sur les enjeux métropolitains et les problématiques institutionnelles propres à l’agglomération parisienne, Philippe Laurent, maire de Sceaux, est un des précurseurs de la conférence métropolitaine puis de Paris Métropole dont il est élu président depuis le lundi 17 décembre 2012. Nous l'avons rencontré à cette occasion.
En quoi le syndicat Paris Métropole est-il une structure essentielle pour l’agglomération ?
Paris Métropole est d’abord une « agora », un lieu d’échanges et de débats où se construit lentement, progressivement, une intelligence collective avec l’ensemble des élus locaux, et notamment des maires, de la métropole. Un tel lieu n’existait pas auparavant. Une approche globale des difficultés – réelles, voire préoccupantes - de la métropole capitale était pratiquement impossible compte tenu des frontières administratives qui, bien souvent, sont aussi des frontières partisanes. Paris Métropole permet, peu à peu, de dépasser celles-ci, en s’appuyant notamment sur l’analyse partagée de la situation qu’élaborent les élus de terrain que sont les maires.
Paris Métropole illustre peut-être la naissance d’un nouvel objet politique, dont on pourrait sans doute trouver d’autres exemples.
La structuration pyramidale et hiérarchique de nos institutions permet certes de gérer, de décider, de trancher, selon le principe de la majorité. Mais elle est par nature « conservatrice », elle peut être brutale et elle exclut du jeu une partie importante des acteurs, faisant perdre ainsi à tous une énergie précieuse et une capacité de mobilisation pour le changement. Paris Métropole fonctionne plutôt selon le système des réseaux : la décision se construit progressivement, pas à pas, avec l’objectif qu’elle soit le plus largement partagée, sans rupture et, c’est essentiel, en respectant chaque acteur. C’est plus exigeant et sans doute plus long, mais la réussite n’en est que plus solide. C’est bien ce que l’on peut appeler de l’intelligence collective.
C’est selon cette approche que Paris Métropole peut et doit garantir la cohérence des politiques publiques tout en respectant l’autonomie de décision de chaque collectivité locale dans l’exercice de ses propres compétences. Cela concerne des domaines comme le développement économique, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, l’habitat et le logement, les transports … C’est d’ailleurs la justification de la mention, dans la loi, de l’intervention de Paris Métropole dans l’élaboration des contrats de développement territorial. Il y a donc un rôle essentiel pour Paris Métropole, ainsi qu’une grande originalité dans son approche politique.
La question de la solidarité financière est cruciale pour réduire les inégalités. Elle vise aussi à favoriser le développement des territoires. Vous êtes un spécialiste des finances locales, alors au-delà de la péréquation, quelle forme de solidarité financière pourrait être développée ?
D’abord, rappelons que le territoire de la métropole parisienne est aujourd’hui l’un des plus inégalitaires qui soient dans notre pays. Les autres grandes agglomérations ont progressé dans le domaine de l’équité territoriale grâce à un pouvoir d’agglomération fort, qui s’est peu à peu légitimé aux yeux des acteurs politiques et économiques, ainsi que des citoyens.
Ce n’est pas le cas chez nous. Les inégalités territoriales trouvent en outre leur principale origine non dans la compétence ou l’incompétence des élus locaux, mais dans une succession de décisions et de non-décisions d’aménagement prises essentiellement par l’Etat, puissance alors dominante, en particulier dans les vingt années d’après-guerre.
La solidarité financière et territoriale doit reposer sur une double approche : péréquation et mutualisation.
Par la péréquation, il s’agit de tenter de réparer au quotidien les erreurs du passé, les rendre moins douloureuses pour les territoires sacrifiés et les populations qui y vivent, en faisant confiance aux élus locaux de ces territoires : c’est l’objet de la "péréquation", qui permet de doter les collectivités locales concernées de moyens supplémentaires pour faire face à l’immédiat. La péréquation nécessite un texte contraignant fixant les modalités de calcul des prélèvements et des reversements, mais pas de structure politique de décision.
Par la mutualisation, il s’agit de mettre en commun des moyens financiers importants en provenance des territoires les plus favorisés, et de les affecter à des opérations d’aménagement sur les territoires défavorisés afin de permettre à ces derniers de connaître un nouveau développement : rénovation urbaine, désenclavement, construction d’équipements publics par exemple. La mutualisation nécessite une instance politique à même de décider l’affectation des ressources, et permet aux financeurs de participer aussi aux décisions. C’est tout l’objet d’un fonds d’investissement métropolitain.
La péréquation sans la mutualisation, c’est se contenter de la situation actuelle et figer les inégalités territoriales. Ce n’est évidemment pas acceptable.
Quelles seront les priorités de votre présidence ?
Le président de Paris Métropole, désigné par ses pairs dans le cadre d’une alternance politique, est d’abord le porte parole du collectif de l’ensemble des élus. C’est l’originalité de Paris Métropole, qui fonctionne par consensus, et non par majorité. Il revient donc d’abord à son président d’animer les échanges, de proposer à la discussion des textes « martyrs », de veiller à l’agenda des débats.
Sur le fond, l’année 2013 sera évidemment essentielle pour la métropole parisienne. Nous avons jeté les bases d’une réflexion sur la gouvernance. Cette réflexion devra être accélérée dans le cadre du projet de loi de décentralisation, même s’il pourrait être opportun de renvoyer cet important débat à un texte de loi spécifique, tant la situation de l’Ile-de-France est de ce point de vue atypique. Paris Métropole continuera à être le lieu où s’élabore, dans une vision partagée, la future organisation institutionnelle de la métropole.
Nous aurons également à poursuivre le travail accompli, avec l’Etat, sur la mise en œuvre du réseau Grand Paris Express. A cet égard, Paris Métropole portera la voix des élus locaux dans l’exigence de la mise en œuvre complète, dans des délais les plus courts possibles, de ce projet essentiel pour le développement du territoire métropolitain.
Enfin, Paris Métropole proposera de nouveaux outils, comme le fonds d’investissement métropolitain, un mécanisme d’aide aux "maires bâtisseurs", une démarche d’ensemble d’accompagnement des contrats de développement territorial et de prise en compte de leur environnement, afin qu’aucun territoire de la métropole ne soit tenu à l’écart du futur maillage de transport