Bertrand Delanoë avait promis une "initiative forte" pour Paris après les élections régionales: il présentera cette semaine, lors d’une conférence de presse, son projet de "reconquête des voies sur berges". Une annonce qui, il le sait, fera grand bruit bien au-delà du périphérique. Après avoir augmenté les impôts locaux en 2009 et 2010, le maire socialiste souhaite donner une nouvelle impulsion à son deuxième et dernier mandat.
La piétonisation, totale ou partielle, des quais bas sera son gros œuvre, cette année. Le dossier a d’ailleurs été concocté, dans le plus grand secret, directement au sein de son cabinet. Les collaborateurs et les adjoints concernés ont reçu l’ordre de ne rien ébruiter pour ne pas atténuer l’effet d’annonce. La conférence de presse ne figure même pas sur l’agenda du maire.
Il avait cependant dévoilé lui-même quelques pistes de réflexion lors de ses vœux au Conseil de Paris, en janvier dernier. "Je vous proposerai des orientations et un calendrier pour la reconquête des voies sur berge, pour les Parisiens et pour les amoureux de Paris."Son idée? "Transformer une autoroute urbaine en lieu de vie, avec des espaces où il n’y aura pas de voitures, des espaces où il y aura tout simplement une réorganisation de l’harmonie entre les différents modes de déplacement." Delanoë imagine, "rive gauche et rive droite", des "lieux de plaisir", des "lieux de société urbaine au bord du fleuve", où cohabiteront "convivialité", "culture" et "sport". Conclusion: "Cela va être un cap extrêmement différent, nouveau, enrichissant, par rapport à la mandature précédente."
"Il serait même prévu d’installer des feux tricolores"
L’idée de fermer la voie express Georges-Pompidou – rive droite – à la circulation automobile n’est pas nouvelle. Elle figure même noir sur blanc dans le Plan de déplacements de Paris (PDP), adopté en février 2007. En 2002, déjà, après la première édition réussie de Paris Plages – qui avait valu une renommée mondiale au tout nouveau maire de "Paris-sur-Mer" –, la mairie avait évoqué la possibilité d’une"piétonisation définitive". Ce qui avait provoqué un tollé à droite et parmi les associations d’automobilistes. C’est Georges Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle et habitant quai de Béthune, sur l’île de Saint-Louis, qui créa cette voie rapide en 1967, pour répondre à l’augmentation de la circulation. Son slogan était alors: "Il faut adapter Paris à l’automobile."
Depuis, la ville et ses habitants ont changé. En 1992, les quais de Seine sont classés au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, du pont de Sully au pont d’Iéna. Aujourd’hui, les élus UMP semblent moins hostiles à la réduction du trafic automobile. Ils mettent toutefois en garde contre les "reports de circulation" et se méfient de "l’idéologie écolo". Les Verts, justement, qui n’ont pas été associés au projet bientôt dévoilé, redoutent des annonces trop timides. En février dernier, ils avaient proposé un vœu au Conseil de Paris pour que les berges soient "rendues aux promeneurs et aux cyclistes" ; ils suggéraient qu’un "grand concours associant architectes, paysagistes et naturalistes" soit lancé pour redessiner le site "reconquis" ; leur vœu a été rejeté par le reste de la gauche et l’UMP. "Je n’ai pas été consulté sur le projet du maire", indique Denis Baupin, adjoint Verts à l’Environnement, anciennement chargé des transports et de la circulation, "mais à ma connaissance, il s’agit d’une reconquête très limitée. Il serait même prévu d’installer des feux tricolores. Je crains que ce ne soit pas à la hauteur…" Réponse cette semaine.