3 Février 2012
Vendredi 30 mars 2012 | Paris (75004)
La Ville de Paris, le Laboratoire Techniques, territoires et sociétés (Université Paris Est) et le Centre d'études européennes (Institut d'études politiques de Paris), organisent une conférence internationale qui aura lieu à l'Hôtel de Ville de Paris les 28, 29 et 30 Novembre 2012. Dans cette perspective, est lancé un appel à communications.
Gouverner la métropole: pouvoirs et territoires, bilans et directions de recherche, conférence Internationale, Paris, 28, 29 et 30 novembre 2012, Hôtel de Ville de Paris (Place de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris)
Organisée par
Les métropoles font face aujourd’hui au défi de la gouvernance dans la mesure où leur fabrique politique, sociale, économique et culturelle doit s’inscrire dans deux tendances lourdes, multiformes et conflictuelles, que sont la décentralisation et la globalisation. La décentralisation, à l’œuvre depuis le début des années 1980 en Europe et dans de nombreux pays du globe, a précipité sur la scène politique les acteurs locaux, les collectivités locales et les populations, ouvrant en quelque sorte le système d’acteurs par le bas. La globalisation – et le processus d’intégration européenne – ont introduit de nouveaux acteurs que sont les organisations supra nationales (comme l’Union Européenne), les firmes globalisées ou tournées vers l’international et les structures associatives supra nationales, ouvrant par le haut le système d’acteurs.
La question de la construction des métropoles – en tant que nouveaux territoires du politique, de l’économique, du social et du culturel – est le thème central de cet appel à communication. Cette construction métropolitaine renvoie à la fois aux obstacles de toute nature à lever pour qu’elle voie le jour, notamment politiques, financiers et fiscaux, socio-culturels. Elle fait aussi écho à l’ensemble des projets et des politiques qu’il convient d’élaborer et de mettre en œuvre pour lui donner corps : habitat, mobilité, urbanisme, développement économique, migrations, etc. Pour traiter de l’ensemble de ces sujets, le questionnement est délibérément métropolitain plutôt qu’urbain, eu égard au fait que les questions se posent différemment dans le contexte de vastes rassemblements humains aux contours flous et dans le cadre de périmètres plus clairement définis et entretenant un rapport plus lisible avec l’organisation des institutions.
La question de la construction des métropoles donne lieu à un ensemble de controverses aussi bien dans le débat académique que dans le débat sociétal. La conférence de Novembre 2012 sur « Gouverner la métropole : Pouvoirs et Territoires : bilan et directions de recherche » a pour objectif d’avancer sur ces controverses et plus particulièrement – mais non exclusivement – sur quatre d’entre elles qui sont présentées ci-dessous.
Si l’Etat reste un acteur important de la scène métropolitaine, la littérature insiste sur le fait que la globalisation et la décentralisation ont conduit à une marginalisation ou, au moins, à un retour dans le rang de l’Etat. Il n’est plus l’acteur référent de la gouvernance locale même si les néo-marxistes considèrent qu’il conserve une influence déterminante du simple fait de son rôle très actif au sein du processus de globalisation (Brenner, 2004) ou si son rôle reste clef dans la définition des instruments à l’aune desquels les gouvernements locaux décident et pilotent leurs interventions (Lascoumes et Le Galès).
Mais ce recul de l’Etat n’est pas pour autant une perte d’intégration pour les politiques métropolitaines. Depuis les travaux initiaux de Harvey (1985), il est devenu évident que les Etats ne sont plus les seuls à avoir la surface financière et technique permettant d’agir de manière intégrée à l’échelle des très grandes métropoles. Qu’il s’agisse de méga-projets (Fainstein, 2009) ou de grandes infrastructures, les grandes entreprises privées et les investisseurs financiers sont devenus des acteurs clefs de l’aménagement des métropoles.
En parallèle, et à la différence de ce qui se passe dans les espaces urbains de plus petite taille, l’émiettement des métropoles conduit à l’émergence de collectifs d’acteurs infra-métropolitains. Certains territoires tirent ainsi profit des mécanismes de polarisation et de hiérarchisation des territoires au sein des métropoles. La multiplication des tentations sécessionnistes et des expériences séparatistes interpelle sur la nature et l’intensité des liens qui continuent d’unir les différents lieux d’une même métropole au-delà des mécanismes plus ou moins contraignants de la solidarité nationale.
Les appellations abondent pour essayer de caractériser ce nouvel équilibre entre Etat, acteurs locaux et acteurs privés, beaucoup plus insaisissable et variable qu’auparavant. Qu’il s’agisse de financement des investissements, de gestion des services urbains, de régulation des prix et de l’occupation des sols, on peut se demander si la métropole peut se passer de l’Etat mais les conséquences des modes de gestion alternatifs sur le système métropolitain restent à éclaircir. Dans tous les cas, les enjeux métropolitains posent des questions spécifiques à ces modes de régulations nouveaux et anciens. Rien ne dit, en revanche, que cette spécificité nécessite l’adoption de gouvernements et d’outils spécifiques aux espaces métropolitains.
Une autre question soulevée par les ensembles métropolitains en mutation, est celle des périmètres sur lesquels peut s’exercer le gouvernement des villes. La métropole révèle des formes diverses et superposées, toujours en mouvement, qui défient les catégories usuelles de figuration et se reconfigurent plus vite que les contours des institutions censées les gouverner. Megalopolis (Gottmann, 1961), Metapolis (Ascher, 1995), Postmetropolis (Soja, 2000) : les débats au sein de la communauté scientifique sur l’appellation même qu’il conviendrait de donner au phénomène métropolitain, témoignent de ces difficultés à en saisir les limites. Cette question se pose pour circonscrire la métropole et son extériorité. Elle se pose aussi à l’échelle inframétropolitaine, des limites internes voulues ou subies apparaissant au gré des mutations. A cela s’ajoutent les représentations multiples des usagers de la métropole, de même que l’imaginaire polysémique qui forge la construction historique des métropoles. Dès lors, pour répondre aux enjeux contemporains des pratiques de l’espace urbain, les métropoles doivent favoriser de nouvelles reconfigurations d’échelles tout en s’appuyant sur les strates existantes, et composer sans arrêt avec l’instabilité des périmètres.
Cette question est corrélée aux modalités de conception et d’implémentation des projets d’échelle métropolitaine. Au cours des dernières décennies, des transformations urbaines spectaculaires ont été initiées à partir de projets phares : l’organisation de grands événements urbains, l’irruption de monuments flagships, donnant le signal d’une reconversion d’ampleur, ou le réinvestissement de friches délaissées. Appuyé sur des partenariats étroits entre la puissance publique et les acteurs privés, souvent attentif aux qualités des lieux et à leur transformation raisonnée, cet urbanisme de projets, qui s’est parfois développé au détriment de la planification, a procédé de la montée en puissance de leaderships urbains, capables de piloter de grandes opérations complexes, et consolidant dans le même temps leur capacité à gouverner l’espace de la ville (Pinson 2009 ; Salet et Gualini, 2007). Pour autant, à l’échelle des grandes métropoles, cet urbanisme de projets peut-il constituer la seule modalité d’action sur la fabrique de l’espace urbain ? La question même de l’aménagement de la ville suburbaine, de plus en plus majoritaire dans les métropoles en développement et dont les liens d’interdépendance avec les centres sont soumis à de fortes tensions (attraction-polarisation, relégation-marginalisation) interroge les manières contemporaines de faire l’urbanisme et de penser son déploiement. Elle interroge les modalités possibles de redéfinition et d’articulation du planning et du projet. Dans cette perspective, cet appel à communications a pour objectif d’explorer les modalités possibles de gouvernance métropolitaine de l’espace urbain.
La démocratie locale, entendue comme toutes les interventions directes des habitants dans les affaires publiques locales, est un leitmotiv dans la plupart des démocraties contemporaines. Elle est aujourd’hui parée de toutes les vertus : elle permettrait des politiques publiques plus efficaces car résultant d’une meilleure information sur les problèmes réels, elle participerait de la création d’une société politique locale plus forte par la production d’individus citoyens, elle contribuerait à lutter contre le malaise démocratique en rapprochant élus et habitants, etc.
Au moment où les métropoles deviennent des espaces économiques essentiels de la globalisation, où s’affirment des problèmes sociaux et environnementaux qui vont affecter leur futur, se pose la question de la dimension territoriale de la démocratie locale (Kuebler, 2005). Alors que les espaces métropolitains ont des difficultés à être des espaces légitimes de débat public ou pour le dire autrement des territoires démocratiques (Booth et Jouve, 2005), on peut se demander si les formes de démocratie locale qui se développent aujourd’hui, notamment de par leur échelle territoriale, ne concourent pas à la remise en cause de la métropole comme lieu pertinent et légitime de débat et d’action politique. En effet, la démocratie locale, parce qu’elle repose en règle générale sur une conception restrictive de la citoyenneté, parce qu’elle épouse les territoires des institutions locales et principalement des communes ou des quartiers et participe ainsi de la fondation d’identités infra-métropolitaines ou autres, bref parce qu’elle ne prend pas en compte ou très mal le fait métropolitain, contribuerait à délégitimer la métropole.
Les grandes métropoles se développent et le secteur informel y occupe une place de plus en plus importante. Les chercheurs ne s’accordent pas sur une définition commune du secteur informel. La ville informelle, les activités informelles, le secteur informel sont dans la littérature scientifique des étiquettes qui renvoient aux bidonvilles et à l’habitat illégal aussi bien qu’aux diverses formes d’échanges économiques dans les quartiers, allant des vendeurs ambulants aux petits fabricants de produits manufacturiers. Mais les références au secteur informel sont également présentes dans la littérature concernant le travail clandestin. Cependant, si les chercheurs ne s’accordent pas sur une définition commune, ils semblent néanmoins tous admettre que ces phénomènes ne sont pas les residus d’une époque pré moderne mais sont de fait étroitement liés avec les dynamiques actuelles du développement urbain (Hernandez, Kellett, Allen, 2009).
Si certaines de ces dynamiques ont été explorées, la littérature n’a pas porté assez d’attention à la dimension politique de l’informalité, particulièrement sur les comportements des autorités locales vis-à-vis du secteur informel et de son impact sur les politiques urbaines, la gestion urbaine ou les choix politiques (Al Sayyad, Roy, 2004). De fait, un large débat s’est développé sur les questions d’habitat et le problème de l’accroissement des bidonvilles ou sur la complémentarité entre secteurs informel et formel ; il a montré l’importance du secteur informel pour assurer l’adaptabilité et la robustesse des métropoles. Ce débat s’est fortement polarisé autour des travaux de l’économiste Hernando de Soto, partisan d’une politique de soutien à l’accession à la propriété privée (De Soto, 2000). La diminution de la part de l’habitat informel et la promotion de son institutionnalisation ont été fortement débattues afin de comprendre le développement économique local, la lutte contre la pauvreté et les politiques d’amélioration des conditions de vie des habitants.
Mais les recherches empiriques sur ces questions se sont focalisées sur l’échelle proprement de la ville et ne se sont pas attachées à l’échelle métropolitaine. Le secteur informel est gouverné et régulé, les ressources sont allouées et les conflits font l’objet de médiations. Dans les grandes métropoles, ceci se traduit par une dimension spatiale spécifique. Le secteur informel est gouverné dans l’espace et les activités informelles (ou les lieux de l’informalité) bougent et se déplacent à l’intérieur d’une dynamique de conflits entre autorités locales au sein même de la métropole. Le secteur informel peut ainsi devenir un levier ou un obstacle à la construction métropolitaine. Ce qui est en jeu dans cet appel à communications c’est bien la relation entre gouvernance et informalité et comment cette relation affecte le processus de métropolisation. De manière plus large, l’enjeu est de s’interroger sur ce qui est gouverné et ne l’est pas et qui gouverne quand personne ne semble gouverner. Ces questions ont été récemment abordées par P. LeGalès (2011) qui a réintroduit dans le débat certaines interrogations concernant l’adaptabilité urbaine et les ‘faillites de gouvernance’ dans les villes. Elles ouvrent ainsi un vaste champ de recherches empiriques sur des asymétries entre territoire dans la gouvernance métropolitaine. De la même façon, des chocs peuvent avoir des effets différents en fonction des territoires qu’ils affectent au sein de la métropole, ceci étant du à des assymétries importantes qui caractérisent ce qui est faiblement gouverné et ce qui n’est pas traité par les pouvoirs publics. L’informalité et les autres sources d’incertitudes entre les territoires peuvent ainsi être abordées dans les propositions de communication afin de montrer quelles parties, quels secteurs ou groupes de la métropole sont véritablement gouvernés et par voie de conséquence quels sont ceux qui ne le sont pas dans la métropolisation des sociétés urbaines.
Les propositions de communications pourront être de nature théorique ou une présentation de travaux empiriques. Une approche comparative à partir de différents contextes/continents serait particulièrement appréciée.
Les propositions (titre et résumé d’un maximum de 3000 caractères/400 mots) peuvent être soumises
Elles devront être accompagnées d’un court CV avec l’adresse postale professionnelle, l’adresse de courriel et numéros de téléphones à : governingthemetropolis@paris.fr .
Frédéric Gilli (CEE, Sciences Po), Christian Lefèvre (LATTS-Université Paris-Est), Nathalie Roseau (LATTS, Ecole des Ponts ParisTech), Tommaso Vitale (CEE, Sciences Po).