Il manque un milliard pour le Grand Paris Express. Le ministère du budget a mis son veto à l'inscription de cette somme dans l'enveloppe budgétaire de Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires pour 2013-2015. Ce pactole était censé financer le métro automatique autour de la capitale, programmé sous Nicolas Sarkozy. Ce milliard manquant, il faudra "trouver un plan B", reconnaissait, en juillet, un conseiller ministériel.
Le gouvernement Fillon s'était engagé, en janvier 2010, à mettre en service d'ici à 2025 le futur métro long de 205 km, jalonné de 72 gares estimé à 20,5 milliards d'euros. Le montage financier arrêté alors comprenait une part de recettes fiscales : 5 milliards d'euros de taxes sur les entreprises et les particuliers de la région. Ainsi qu'un grand emprunt de 10 à 12 milliards souscrit auprès de la Banque européenne d'investissement.
A l'époque, pour contracter ce prêt, l'Etat s'était engagé à verser une dotation en capital de 4 milliards à la Société du Grand Paris (SGP), maître d'ouvrage du projet. Ce qui aurait supposé une première mise de près de 1 milliard dans le budget de 2015. Or, cette dotation initiale ne figure pas dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2013-2015.
Les élus franciliens déchantent
En avril 2012, François Hollande en campagne, s'est engagé à " ne prendre aucun retard" dans le projet tout en affirmant que le gouvernement précédent n'avait pas " su trouver les financements pour atteindre l'objectif final".
Cécile Duflot avait déclaré le 26 juin : "Le gouvernement souhaite poursuivre le projet du Grand Paris Express. En devenant ministre, je suis modestement devenue dépositaire de ce succès."
Les élus franciliens, qui espéraient un arbitrage de l'Elysée remettant en cause le veto de Bercy, déchantent.
Sénateur et président (PCF) du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier demande "solennellement au gouvernement de réintégrer dans le projet de programmation budgétaire les crédits nécessaires à l'engagement" du projet.
De son côté, Valérie Pécresse dénonce dans un communiqué "l'acte de décès du métro automatique en boucle autour de Paris". Selon la chef de file de l'UMP en Ile-de-France, "les liaisons entre le centre de la capitale et les aéroports d'Orly et de Roissy ainsi que la liaison rapide entre Paris et Saclay feront les frais des coupes budgétaires". Mme Pécresse estime toutefois qu'un premier tronçon du grand métro pourrait être financé.
"Rien n'est remis en cause"
Sans attendre l'inscription de ce milliard d'euros, la SGP a engagé la mise en œuvre de la première tranche du grand métro qui reliera Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne).
Long de 33 km et 16 gares nouvelles, il devrait être mis en service en 2018. Son coût est estimé à 5 milliards d'euros hors acquisition foncière et achat du matériel roulant. Des réunions publiques organisées par la SGP sont en cours jusqu'en novembre.
"On peut commencer, car il y a de l'argent dans la caisse de la SGP", assurait en juillet Daniel Canepa, le préfet d'Ile-de-France. Au cabinet de Mme Duflot, on se montre également confiant sur les possibilité de le financer. "Rien n'est remis en cause", affirme aujourd'hui l'entourage de la ministre. Mme Pécresse reconnaît aussi de son côté que ce tronçon devrait être financé.
En revanche, le milliard manquant va contraindre le gouvernement à revoir son schéma d'ensemble de financement des transports en Ile-de-France. Outre le Grand Paris Express, la modernisation du réseau existant des RER, trains et métro représente un investissement global de 32,4 milliards d'euros, selon le chiffrage arrêté en janvier 2010 dans un accord passé entre l'Etat et les collectivités locales.
Roger Karoutchi, président (UMP) de la commission des finances de la région Ile-de-France demande "un Grenelle du Grand Paris" pour "définir la réalité des financements et le calendrier des opérations".
"Le gouvernement arrêtera un plan de financement du projet correspondant à la priorisation qu'il aura décidé au début de l'année 2013" indiquait Mme Duflot dans un communiqué, mardi 2 octobre. La SGP pourrait obtenir "une dotation en capital" sans qu'il s'agisse de crédits budgétaires, s'avance la ministre de l'égalité des territoires
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LES ECHOS
Si elle n'est pas remise en cause dans son principe, la construction du réseau de métros de rocade de la région parisienne va prendre du retard, au risque d'accélérer la saturation des métros et RER existants et de remettre en cause des investissements.
Demain, sur le plateau de Saclay, il y aura un absent de marque à la fête organisée par le groupe japonais Horiba pour l'inauguration de son laboratoire d'optique de très haute précision. Le métro automatique Orly Versailles desservant ce territoire ne roulera pas comme promis au plus tard en 2025. Cette ligne, loin d'être la plus avancée du projet de métros de rocade de la région parisienne Grand Paris Express, paraît aujourd'hui un peu plus hypothétique. Le gouvernement a en effet décidé de retarder l'inscription au budget de la première tranche de la dotation en capital de la Société du Grand Paris (SGP). Or c'est à elle que revient de construire ce nouveau réseau de 205 kilomètres comportant 72 gares dont le coût dépassera 20 milliards d'euros financés par des taxes et l'emprunt.
Les recettes fiscales
Ce sont essentiellement l'Ifer, l'impôt sur les sociétés de réseau, qui lui apporte une soixantaine de millions d'euros par an provenant de la RATP et la taxe spéciale d'équipement, soit quelque 117 millions d'euros. Elle reçoit aussi une partie de la taxe locale sur les bureaux, plafonnée dans le prochain budget à 168 millions d'euros. Normalement, ce dispositif doit lui assurer à terme 400 à 450 millions de recettes annuelles.
L'emprunt
Contracté auprès d'investisseurs institutionnels, il doit lui permettre de compléter ses recettes fiscales. Les montants ne sont pas encore fixés. Les fonds souverains sont intéressés par le caractère pérenne de ces infrastructures. Les taux d'intérêt sont liés aux garanties que pourra obtenir la SGP.
La dotation en capital
Elle est fixée par la loi sur le Grand Paris à 4 milliards d'euros. C'est elle qui coince le plus dans les circonstances actuelles. Le précédent gouvernement avait déjà prévu de ne verser dans un premier temps que 1 milliard d'euros pour permettre à la SGP d'emprunter ce qu'il lui fallait pour lancer les premiers travaux. Le solde devait être versé le plus tard possible pour ne pas contrarier les efforts de la France pour respecter les critères de Maastricht. Sans dotation en capital, la SGP ne peut emprunter à des conditions acceptables pour l'équilibre du projet. C'est l'inscription de ce premier milliard sur un compte d'affectation spécial qui vient d'être différé par le gouvernement.
La position du gouvernement
Le projet n'est nullement remis en cause... mais la méthode change. Au lieu de commencer par déterminer ce qu'il faut construire puis de trouver les capitaux nécessaires, on fait une évaluation budgétaire précise et on voit ce qu'on peut réaliser. Ce travail qui permettra de déterminer des priorités ne sera pas réalisé avant la fin de l'année ou le début de 2014.
L'avenir du projet
La SGP poursuit la concertation publique engagée pour la construction du premier tronçon du réseau, au sud de Paris entre Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs. Elle continue aussi à préparer les travaux des autres tronçons de manière à pouvoir les lancer sans délai lorsque le gouvernement lui donnera son feu vert. Cependant, l'hypothèse d'un ralentissement du chantier semble probable. Alors qu'il était prévu de lancer la construction simultanée de plusieurs tronçons, on les construirait les uns après les autres, ce qui permettrait d'étaler le financement.
Les risques
Les experts craignent la saturation du réseau existant qui ne sera pas soulagé aussi vite que prévu par la rocade, le report de 5 milliards d'euros d'investissements privés et de programmes immobiliers prévus autour des futures gares du métro.
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