Nicolas Sarkozy entouré du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand et de l’architecte Jean Nouvel, à la Villette, à Paris. (Reuters)
D’entrée, le chef de l’Etat l’affirme: "Le Grand Paris est pour moi une évidence […]. Les habitants de Manhattan se pensent New-yorkais aussi bien que les habitants du Bronx ou de Brooklyn. Le jour où il n’y aura plus que des Parisiens, des Parisiens de Montmartre comme des Parisiens de Saint-Ouen, d’Ivry ou de Versailles, nous aurons vraiment fini de faire le Grand Paris. C’est un long chemin…"
Il a son idée de la métropole qu’il souhaite pour demain: "S’il y a une chose à bannir avec certitude, c’est la ville préfabriquée, la ville franchisée avec ses enseignes publicitaires, la ville fonctionnelle sans âme, livrée en tranches aux promoteurs […]. L’époque n’est plus à couler des dalles de béton mais à les percer, pour retrouver le vivant."
Et il n’hésite pas à plaider "sans tabou" pour les tours, malgré leur impopularité: "Chaque fois que c’est possible et pertinent, il faut ajouter des étages aux immeubles, bâtir de nouvelles tours. Ça veut dire qu’il faut stopper d’urgence une dérive pavillonnaire qui gangrène nos paysages, à Paris et bien au-delà."
Considérant que le "petit Paris historique" doit rester le "cœur de la capitale", Nicolas Sarkozy souhaite "prendre la question des banlieues à bras-lecorps": "Il faut les intégrer comme jadis Paris a intégré les faubourgs, il faut redistribuer les richesses, il faut régler les problèmes de logement et d’accessibilité, et il faut accompagner le développement des industries et des services." Tout en évitant "un “syndrome de Venise”, qui ferait de Paris-centre un musée à ciel ouvert, envahi par les touristes mais déserté par ses habitants et ses entreprises, une sorte de coeur de pierre, magnifique mais fossile."
En attendant l’inauguration de l’Atelier international du Grand Paris, au Palais de Tokyo, début avril, il cite les lieux-symboles, selon lui, du Grand Paris : la Philharmonie de Paris (Jean Nouvel) à la Villette, la tour Montparnasse que Franck Gehry suggère de "relooker" ou encore un projet de "très grand centre commercial, culturel, sportif et récréatif" du groupe Auchan, qui pourrait s’implanter entre Paris et Roissy. "Après avoir défiguré tant de paysages, tant d’entrées de villes, l’urbanisme commercial et industriel doit aussi faire sa révolution, nous devons l’encourager." Nicolas Sarkozy reprend à son compte les propositions des dix équipes d’architectes. Il rend un hommage appuyé au travail – "le plus osé" – d’Antoine Grumbach, l’architecte qui propose d’étendre le Grand Paris jusqu’au Havre.
Il réaffirme haut et fort son "engagement": construire 70.000 logements par an dans la métropole. "Un programme d’achat de logements vacants sera mis en œuvre prochainement en Ile-de-France, en partenariat avec les organismes de logement social. Nous devons aller encore plus loin et libérer la construction immobilière, à travers un urbanisme qui parte des projets et qui n’hésite pas à déroger aux normes, pour créer de la surface constructible et pour faire baisser les prix du foncier."
Quant à la question sensible de la gouvernance: "De plus en plus de maires rejoignent Paris Métropole et je m’en réjouis. Paris Métropole pourrait préfigurer une future assemblée métropolitaine. Car il faudra bien à terme aboutir à une entité métropolitaine, comme c’est le cas du Grand Londres ou de New York […]. Mais la France est la France. Il vaut mieux prendre le temps de faire mûrir le consensus autour d’une vision partagée […]. »
*Numéro de février-mars 2010, 25 euros
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> Le Figaro
Nicolas Sarkozy,en avril 2009, examinant des maquettes du «Grand Paris». Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
Dans un entretien à «Architecture aujourd'hui», le chef de l'État détaille son ambition pour la région capitale. D'autres projets seront annoncés en avril.
À deux semaines des régionales, Nicolas Sarkozy relance l'offensive sur son chantier fétiche du Grand Paris. Dans le bimestriel Architecture Aujourd'hui la revue de référence de l'architecture le chef de l'État revient sur son projet, largement porté dans sa campagne par la chef de file UMP en Ile-de-France, Valérie Pécresse. Dans cet entretien d'une dizaine de pages, Nicolas Sarkozy se garde bien d'entrer dans le débat politique pour garder de la hauteur de vue. Il cherche à concilier aussi bien les projets des architectes que ceux des élus de tous bords. L'esprit du texte, c'est celui de son discours prononcé en avril au Palais de Chaillot, qui avait suscité l'unanimité dans les milieux politiques et artistiques. «On a besoin d'identité, dit-il, on a besoin de sécurité, mais on a aussi soif de surprises, de découvertes, de rencontres, d'imprévus.»
Cet Atelier voulu de longue date pour permettre aux architectes de travailler ensemble et pour «proposer une politique, un projet urbain global» sera inauguré «au début du mois d'avril» par Sarkozy. S'il prévoit «forcément» des «débats» entre les équipes et «aussi» entre les élus, il espère que chacun placera «l'intérêt général au-dessus des querelles de pouvoirs ». Cet Atelier sera «interactif» et fera «très largement participer la société civile».
En matière de lieux architecturaux symboliques de ce Grand Paris, le président provoque. Il rapproche ainsi la Philharmonie de Paris, en cours de construction dans le XIXe arrondissement de Paris et un projet du groupe Auchan «commercial, culturel, sportif et récréatif ». Le grand auditorium symphonique, auquel il tient «beaucoup », devrait ouvrir ses portes en 2012. Quand au complexe Auchan qui «va surprendre », le chef de l'État espère qu'il verra le jour «dans un quartier sous-équipé du Nord-Est parisien, entre Paris et Roissy». Ce sera «le prototype d'un nouvel urbanisme commercial à visage humain». Il reprend par ailleurs à son compte une idée de l'architecte Frank Gehry de «relooker la tour Montparnasse, pour en faire un symbole de la créativité échevelée du nouveau Paris ».
Malgré les débats entre élus parisiens, ces derniers mois, Nicolas Sarkozy est clair : il faut «affronter sans tabou la question de la densité et de la hauteur des constructions». «Chaque fois que c'est possible et pertinent, dit-il, il faut ajouter des étages aux immeubles, construire des nouvelles tours, ou même simplement recoller les maisons les unes aux autres.» L'urgence, c'est de «stopper une dérive pavillonnaire qui gangrène nos paysages ». Sarkozy souhaite aussi supprimer les frontières de Paris «en escamotant le plus possible le mur que constitue le boulevard périphérique ». Paris est aujourd'hui «un cœur coupé de ses membres», dit-il, «menacé d'infarctus».
Le chef de l'État a été séduit par la proposition «la plus radicale» parmi celles des architectes, qui étend la capitale «jusqu'au Havre». «Il ne s'agit pas de construire une aire urbaine continue jusqu'à la plage», ce qui serait «absurde», mais dit-il, «c'est un axe de développement très pertinent».
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> Le Parisien
Dans cet entretien, il souligne qu'«il faut oublier les clivages droite/gauche pour (.
Nicolas Sarkozy ajoute que «les principes de notre démocratie "liberté, égalité, fraternité" doivent s'appliquer dans le Grand Paris autant qu'ailleurs.» «A l'évidence, il faut inventer des conditions permettant plus de liberté : liberté de construire plus et mieux; liberté de circuler plus vite et plus écologique; liberté de créer plus facilement des projets et des entreprises».
Les regrets de Delanoë
A gauche, cette «sortie» du chef de l'Etat a été accueillie avec un brin d'agacement. Le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a notamment regretté vendredi soir que le président de la République s'exprime de cette façon «à deux semaines du premier tour des régionales», «au moment où il convoque à l'Elysée les têtes de liste franciliennes de l'UMP».
Il a précisé dans un communiqué que «cette intervention directe dans la campagne» qui «contredit manifestement ses propos récents, quand il rejetait l'hypothèse même d'une telle immixtion. Il est particulièrement regrettable que ce changement de pied brutal se fasse en instrumentalisant la question majeure du Grand Paris».
Le «fait du prince» pour Huchon
Pour le président sortant du conseil régional, le socialiste Jean-Paul Huchon, qui brigue un troisième mandat, cette intervention du chef de l'Etat est une occasion de plus pour rappeler que «l'Ile-de-France a besoin d'un Etat qui participe loyalement aux grands projets d'amélioration des transports, qui s'engage dans la réduction des inégalités territoriales et qui respecte sa parole envers les collectivités locales». Selon lui, le projet de Grand Paris décrit par Nicolas Sarkozy dans cette interview «se résume au fait du prince».
A ses yeux, alors que «Le Grand Paris devait être une réponse immédiate aux besoins de solidarité et de coordination de nos territoires», «ce projet se limite désormais à une reprise en main autoritaire par des instances non élues (Société du Grand Paris et Atelier International du Grand Paris) des outils d'aménagement de l'Ile-de-France».
Leparisien.fr