18 Mars 2011
Maire adjoint chargé des relations avec la banlieue, administrateur du Stif, initiateur il y a dix ans de la Conférence métropolitaine, et bientôt président de l’Atelier international du Grand Paris, Pierre Mansat défend l’idée d’une construction métropolitaine équilibrée. Interview.
Mobilettre. Il a fallu seulement deux mois après la nomination de Maurice Leroy pour aboutir au protocole d’accord entre l’Etat et la région présenté le 26 janvier. Vous avez fait partie de l’équipe resserrée qui s’est réunie chaque semaine. Qu’est-ce qui a permis de débloquer la situation ?
La mobilisation citoyenne tout au long des deux débats publics a accéléré la prise de conscience, et réaffirmé les priorités : l’amélioration du réseau existant d’une part, la convergence entre les projets d’autre part. Nous avons travaillé pour parvenir à cette synthèse. Maurice Leroy est un homme de dialogue, et je dirais même qu’il a fait preuve d’un volontarisme optimiste. Il choisit de voir les difficultés s’aplanir… en dépit des points de désaccord. Des sujets majeurs comme la gouvernance ou le financement sont restés en suspens. Mais l’essentiel était d’aboutir. Après deux ans de face à face, il était devenu impossible, d’un côté comme de l’autre, de rester cantonné à un seul projet. Mais un certain nombre de compromis restent à faire, sur les tracés, le nombre de gares… Qui pilote le projet ? Comment la SGP va-t-elle associer le Stif ?
Le débat public n’a-t-il pas été court-circuité ?
Au contraire. Demander aux citoyens de se prononcer entre deux infrastructures d’une telle importance paraissait une absurdité. Le grand public était en demande d’une décision. Je ne crois pas que les gens qui ont pris part au débat public se sentent frustrés. Je pense au contraire que le protocole d’accord Etat-Région est une clarification intelligente de la situation.
Avec le retour de l’Etat, le protocole d’accord confirme la faiblesse financière et politique de la région…
Certains, dont Jean-Paul Huchon, ont formulé l’hypothèse selon laquelle, dans les années qui viennent, il faudra permettre au Stif de disposer de ressources conséquentes et pérennes. En 2005, le retrait de l’Etat de la gestion des transports franciliens s’est traduit par un arrêt total des investissements dans les infrastructures, ceci après des années de sous-investissement. La situation actuelle est paradoxale. Il ne s’agit pas de crier victoire, loin de là. On attendait depuis deux ans une réponse de l’Etat sur le plan de mobilisation régional pour les transports, qui est aujourd’hui reconnu comme une priorité élémentaire. On peut dire qu’on a perdu deux ans, et qu’on aurait économisé du temps et de l’énergie si l’Etat n’avait pas inventé un nouveau système de transports, mais défendu son point de vue dans le cadre du conseil d’administration du Stif.
Le réseau du Grand Paris répondait à un projet d’aménagement du territoire et de développement économique régional. Cette dimension prospective semblait absente dans le projet Arc Express.
Il y a eu un défaut de communication autour d’Arc Express. Le projet de rocade défendu par le Stif était sous-tendu par une vision de l’aménagement différente de celle du Grand Paris. Avec le protocole d’accord, on arrive à quelque chose de très différent de la première écriture du Grand Paris, porté par une conception assez homogène de l’aménagement : un réseau structurant de grande capacité qui assure également un maillage étroit du territoire, avec un système de stations assez rapprochées comme dans le projet Arc Express. On est loin du super-réseau des clusters, déconnecté du reste du territoire, à l’exception d’un tronçon alibi pour desservir Clichy-Montfermeil !
Paris Métropole s’est affirmé depuis l’adhésion des collectivités de droite. On l’a vu durant le débat public. Quel sera son rôle dans les prochains temps ?
L’élargissement à droite s’est effectué dans de bonnes conditions, tout le monde participe activement aux travaux de réflexion sans arrières-pensées partisanes, mais il faut encore consolider la démarche. Je souhaite que Paris Métropole s’enracine vraiment comme le lieu de la scène politique et des échanges autour des projets métropolitains, en prise directe avec la réalité du terrain. La loi lui donne ce rôle. C’était vrai pour les réseaux de transports, ce le sera pour les contrats de développement territorial. Paris Métropole a encore un très gros travail à fournir pour incarner ce nouveau rôle. C’est un exercice délicat. La position de Paris Métropole dans le cadre des contrats de développement territorial sera certainement considérée avec circonspection par les autres acteurs. Il faudra que Paris Métropole démontre sa légitimité sur ces dossiers.
L’action de Paris Métropole doit se traduire par des résultats très concrets. La question des transports peut être considérée comme traitée, du moins dans son aspect fondamental. Il reste la question du logement, et notamment de la territorialisation des objectifs de réalisation de logements. Ensuite, le développement économique et la solidarité financière : faut-il réformer le fonds de solidarité de la région Ile-de-France ? Comment intégrer la région dans le système de péréquation national ? Enfin, il faut s’intéresser à la gouvernance, et rechercher des solutions adaptées à la spécificité de l’Ile-de-France ; tenir compte du poids de la ville centre et des grandes intercommunalités, des pôles économiques majeurs qui ne se trouvent pas dans la zone dense, et de l’histoire politique entre Paris et sa banlieue. Dans cette perspective, Paris Métropole pourrait devenir autre chose qu’une agora politique.
L’Atelier international du Grand Paris a lui aussi contribué au débat sur le réseau de transports. Comment se positionne-t-il dans le dispositif métropolitain ?
Les collectivités ne sont pas encore rentrées dans l’AIGP, la délibération doit intervenir en mars. A ce moment-là, nous reverrons le programme de travail et sa philosophie. L’AIGP doit conserver sa capacité d’initiative, d’interpellation, d’auto-saisine, d’expertise. L’AIGP doit aider les projets locaux à être exigeants, à trouver des solutions en matière de financement, à monter en gamme pour devenir de véritables projets métropolitains. Nous avons lancé en décembre le Forum des Initiatives de Paris Métropole. La période qui s’ouvre va rendre la coopération avec l’AIGP particulièrement pertinente.
Depuis 1999, vous avez contribué à faire évoluer les relations entre Paris et sa banlieue. Quel bilan tirez-vous de cette action ?
Il reste beaucoup à faire, mais nous avons gagné des batailles sémantiques. Le terme de métropole est entré dans le langage courant. Cela traduit une victoire de la pensée. On a réussi à mettre un nom sur des phénomènes de métropolisation restés invisibles parce qu’obscurcis par d’anciennes grilles de lecture. La question du centre et de la périphérie, les rapports entre Paris et sa banlieue monopolisaient l’angle d’attaque.
L’évolution se poursuit, trop lentement à mon goût. Cela dit, le temps de la ville est un temps long.
Quel périmètre faut-il retenir pour définir la métropole parisienne ? La zone dense ? Les bassins de vie ? Faut-il sortir des limites de l’Ile-de-France ?
Je suis séduit par l’idée du périmètre à géométrie variable. Sur cette question, il y a débat avec les architectes, les urbanistes, les philosophes, notamment sur le danger de la mégapole sans limites, où le citoyen peut se sentir perdu. D’un autre côté, la métropole ne pourrait pas vivre sans les activités logistiques installées en Seine-et-Marne, par exemple. Pour une part, le territoire de la Seine-et-Marne est donc lié à la métropole. Cela remet en cause les catégories comme celles de petite et grande couronne. Au regard des problématiques métropolitaines, on est bien obligé de changer d’échelle. Quand on représente sur une carte les flux financiers ou les flux en matière de recherche qui s’échangent entre Paris et le reste du territoire national, on se rend compte qu’il est impossible de réduire la réflexion à des périmètres statiques, qui ne penseraient la métropole qu’en matière d’aménagement urbain.