11 Décembre 2012
dans l'Humanité du 11/12/2012
Au printemps 2013, Marylise
Lebranchu, ministre de la Réforme
de l'état, présentera son projet
d'acte III de la décentralisation.
Vous organisez, le 14 décembre à
Paris (1), une grande réunion
publique sur le thème « Demain,
quel Grand Paris? ». Avec quels
objectifs?
Patrick Braouezec. C'est une soirée
'de restitution des débats que nous
avions organisés sur le devenir de la
métropole parisienne. Ceux avee les
203 collectivités territoriales de Paris
Métropole, ceux avec les architectes
de l'atelier international du Grand
Paris. Enfin, nous ferons la synthèse
des vingt réunions publiques que
nous venons de tenir avec l'objectif
de présenter nos propositions au
gouvernement pour la métropole
panslenne.
Vous aviez l'objectif de présenter
un livre blanc avec des
propositions précises, qu'en est-il ?
Patrick Braouezec . .Tene sais pas si
nous parviendrons à un livre blanc.
Nous avons, sur l'essentiel, beaucoup
de points de convergence. Mais le
débat doit se poursuivre. Nous serons
attentifs à deux choses. La première,
c'est que le texte de loi prenne bien
en compte un certain nombre de
préoccupations, à savoir le rôle de la
commune, la nécessité de boucler
l'intercommunalité en Île-de-France,
que celle-ci soit fondée sur des
dynamiques de territoire et de
construction comme une coopérative
des villes. La deuxième chose, c'est
que le gouvernement fixe un objectif
en termes de contenu à cette instance
métropolitaine correspondant à
l'esprit dans lequel nous avons
travaillé et qu'il engage un processus
de construction, car nous n'avons pas
fini le travail. Paris Métropole peut
être la matrice pour poursuivre ce
travail, notamment sur les grandes
questions que sont le logement, la
péréquation financière, les transports,
avant de finaliser dans le temps cette
instance métropolitaine, terme que je
préfère à pôle métropolitain.
Qu'en est-il de la gouvernance de
cette instance métropolitaine?
Patrick Braouezec. Un pôle
métropolitain, ou instance
métropolitaine, doit être composé de
grandes agglomérations. Celles-ci
étant des coopératives de communes,
l'instance métropolitaine serait, en
quelque sorte, une coopérative de
coopératives. Un lieu de
mutualisation, de cohérence
métropolitaine, de définition
d'objectifs communs en lien avec les
autres instances comme la région et
les huit départements de
l'Île-de-France qui en feraient partie.
L'autre scénario est celui d'une
grande communauté urbaine
rassemblant Paris, la
Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne
et les Hauts-de-Seine. Une majorité
d'élus rejettent ce scénario trop lourd
(6,5 millions d'habitants) qui
écarterait la région des débats et
décisions, et recréerait une centralité,
un dedans et un dehors avec tout ce
que cela entraîne en termes
d'exclusion des populations les plus
modestes du centre. La troisième
solution, c'est de continuer comme
aujourd'hui avec Paris Métropole.
Mais nous sommes au bout de ce
cycle.
L'instance métropolitaine ne
serait-elle pas une nouvelle
collectivité territoriale?
Patrick Braouezec. Se diriger vers
une nouvelle collectivité territoriale
induirait que d'autres collectivités
disparaissent. Nous n'en sommes pas
là. Nous verrons, dans le processus
de construction, s'il faut nous
transformer en une instance de
décision avec un vrai pouvoir. Il ne
s'agit pas, pour nous, de rajouter une
couche dans les millefeuilles
institutionnels. C'est un processus.
L'instance métropolitaine ne pourra
se concrétiser qu'en janvier 2016,
voire 2017, tenant compte des
élections municipales de 2014 et des
cantonales et régionales de 2015.
Nous avons déjà beaucoup avancé en
dépassant les clivages politiques, en
prenant conscience que, si on
n'inverse pas des tendances lourdes,
cette région, qui est la plus riche
d'Europe mais aussi l'une des plus
inégalitaires, ne répondra pas aux
besoins des populations.
La métropole lyonnaise, en
annonçant sa création en 2013, se
sépare du département du Rhône,
quel est votre regard?
Patrick Braouezec. C'est un choix
qui peut être très intelligent s'il est
partagé. La construction des
métropoles doit être adaptée à
l'histoire, à la culture, aux situations
spécifiques des territoires concernés.
Si le texte de loi prévoit un article sur
Paris, sur Lyon et sur Marseille, c'est
parce que le gouvernement a pris
conscience qu'on ne pourrait pas
traiter chacun de la même façon.
Revenons aux enjeux de la
métropole parisienne. Sur le
logement, par exemple,
préconisez-vous la création d'un
organisme public régional?
Patrick Braouezec. Cela fait débat
au sein de Paris Métropole. Ce qui
est sûr, c'est qu'il nous faut travailler
sur une autorité de régulation, de
propositions, qui, si besoin,
contraindra des collectivités à
construire des logements,
particulièrement des logements
sociaux. Nous nous sommes mis
d'accord sur un système. de
péréquation financière, même s'il faut
encore affiner les critères pour mieux
prendre en compte les facteurs
sociaux. Ainsi, des villes pauvres
bénéficient de la contribution de
villes riches. Sur le logement aussi, il
faut avancer. Il y a des prises de
conscience, mais il subsiste encore
des égoïsmes territoriaux. Paris
Métropole pourrait prendre en charge
cette question, en attendant la mise
en place de l'instance métropolitaine.
Jean-Paul Huchon, président du
conseil régional, parle de 10
milliards de coût supplémentaire
pour le' Grand Paris Express
(GPE). y a-t-il un risque de retard
ou de remise en cause du projet?
Patrick Braouezec. Je ne sais pas
d'où vient ce chiffre mais la question
est: « Quels moyens se donne-t-on
pour réaliser le GPE dans sa totalité?
» Cette réalisation désenclavera des
territoires et favorisera leur
développement économique. Ne
prenons pas le risque de nous
demander, dans quinze ans, pourquoi
ne pas avoir anticipé les besoins.
Réaliser le GPE, c'est permettre que
personne ne soit éloigné d'une
centralité. La centralité doit être
partout, la périphérie nulle part.
Notre travail intéresse beaucoup de
métropoles dans le monde. La plupart
se construisent sur la base de
l'exclusion. Soit c'est la gentrification
du centre et la ghettoïsation de la
périphérie, soit c'est le contraire.
Nous, nous voulons une métropole
inclusive, une métropole solidaire où
le vivre ensemble n'est pas le vivre
côte à côte.
(1) De 19 heures à 21 heures, à la
Mutualité.
patrick braouezec
Entretien réalisé par Max Staat