26 Janvier 2010
Le 25/01/2010 à 08:59 - Mis à jour le 25/01/2010 à 13:47
Alors que Nicolas Sarkozy présentera d’ici quelques semaines l’Atelier international sur l’urbanisme du Grand Paris, chargé de définir un projet urbain pour la capitale du futur, l’architecte Roland Castro souhaite que l’Elysée tienne toutes ses promesses : "l’attente des franciliens est forte, le président de la République doit nous donner les moyens d’agir. Des moyens financiers bien sûr, mais aussi de communication." Pour éviter tout blocage, l'architecte en appelle à une implication plus forte des élus locaux et à une indispensable réforme des règles d’urbanisme. Il souhaite que la secrétaire d'Etat à la ville s'implique davantage dans les débats.
Capital.fr : Nicolas Sarkozy présentera prochainement l’Atelier international sur l’urbanisme du Grand Paris. Qu’attendez-vous de cette nouvelle annonce ?
Roland Castro : Cet atelier, auquel seront associés les 10 équipes d'architectes du Grand Paris, des ingénieurs, des agents de l’Etat et des élus, sera chargé de définir un projet urbain global pour la capitale du futur. Dès cette année, et sur la base des travaux que nous avons déjà rendus, nous établirons des scénarios concrets qui très vite devront déboucher vers des projets de construction et de réaménagement. Cet atelier aura pour autre mission d’inciter à assouplir un certain nombre de règles d’urbanisme trop contraignantes. L’attente des franciliens est forte. Le Président de la République doit tenir ses promesses et nous donner les moyens d’agir. Des moyens financiers bien sûr, mais aussi de communication. Il est indispensable que l’Atelier d’urbanisme du Grand Paris puisse régulièrement rendre compte des avancées de ses travaux au public.
Capital.fr : Beaucoup d’élus locaux dénoncent la main mise de l’Etat sur les futures prises de décisions. N’y-a-t-il pas là un risque de blocage politique ?
Roland Castro : L'Etat doit comprendre que le Grand Paris ne pourra pas se faire sans les élus locaux. Pour éviter tout blocage, l’Etat devra favoriser le dialogue avec les collectivités et n’user de son droit de préemption qu’en dernier ressort pour l’aménagement des sols, comme le prévoit le projet de loi voté par les députés en décembre. L’ensemble des collectivités franciliennes devront aussi être davantage impliquées dans les prises de décision. Pourquoi ne pas mettre en place des groupes de travaux par territoire et par projet ? Il serait par exemple opportun de regrouper tous les maires du bord de Seine - d’Argenteuil à Gennevilliers - pour réfléchir, avec les architectes, à un projet d’aménagement des rives…
Capital.fr : Quels sont les principaux défis du Grand Paris ?
Roland Castro : La Capitale du XXIème siècle devra être une ville écologique. Il faudra donc développer des espaces verts et construire des bâtiments nouveaux, certes mieux isolés, mais aussi recouverts de végétaux. Elle devra aussi favoriser la mixité, d’où l’urgence de simplifier le code de l’urbanisme pour permettre l’émergence de quartiers mêlant plus facilement bureaux, logements, commerces… Il faudra enfin repenser une ville où tous les quartiers se valent, où la banlieue vit en cohésion avec le centre urbain. En rupture totale avec cette logique d’apartheid sur laquelle se sont développées jusqu’à présent l’ensemble des métropoles.
Capital.fr : Justement, quel regard portez-vous sur la politique menée par Fadela Amara en direction des banlieues ?
Roland Castro : Fadela Amara fait de son mieux avec les faibles moyens dont elle dispose. Toutefois, en tant que ministre de la ville, il est de son devoir de s’impliquer davantage dans le projet du Grand Paris. Pour résoudre le problème de la banlieue nous ne ferons pas l'économie d’un redécoupage du foncier. Dans toutes les grandes banlieues, l’Etat et les établissements publics sont aujourd’hui en possession de friches que nous pourrions exploiter pour donner naissance à de nouveaux lieux de vie avec des logements, des entreprises, des espaces verts... En Ile-de-France, on compte, par exemple une dizaine de forts militaires aujourd’hui inutilisés, mais qui sont autant de petits Monmartre potentiel. Réinvestir tous ces lieux aidera à recoudre le tissu urbain de la banlieue.
Capital.fr : Que pensez-vous de la politique d’urbanisme de Bertrand Delanoë ?
Roland Castro : Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo ont réussi à se détacher de l’obscurantisme des élus Verts farouchement anti-tours… c’est une très bonne chose. Comme en témoigne, le quartier des Batignolles où les futurs réaménagements de la porte de Charenton, la mairie de Paris engage aussi une politique d’urbanisme ouverte sur la banlieue : il y a un effort de "couture" entre la capitale et la petite couronne, qui change de la vision autocentrée à laquelle les élus parisiens nous avaient habitués jusqu’à présent.
Capital.fr : Après avoir tenté de vous présenter à la dernière élection présidentielle sous l’étiquette du "Mouvement de l’utopie concrète", allez- vous vous relancer en politique ?
Roland Castro : Le Grand Paris, est en soit une utopie concrète, un rêve réaliste pour lequel je souhaite m’engager et militer jusqu’au bout. Les projets présentés par les dix équipes d’architectes sont tous réalisables, à condition qu’ils soient soutenus par des moyens financiers ambitieux et une vraie volonté politique. Quant à moi je n’ai renoncé à rien : les thèses du "Mouvement de l’utopie concrète" sont revisitables à la lumière de la crise.
Propos recueillis par Guillaume Chazouillères