6 Février 2008
L'ouvrage , attendu, de Guy Burgel qui nous accompagne depuis des années dans les débats sur Paris Métropole, est sorti.
PARIS MEURT-IL? Paris est ingouvernable : un maire élu, depuis 1977 seulement, mais une métropole de huit départements, une région et 1 300 maires en 11e-de-France. Sans compter un président de la République qui s'y intéresse de très près.
Capitale hypertrophiée que l'on voulait dégraisser sans vraiment savoir comment, Paris se découvre global city atone : déséquilibres géographiques, disparités sociales, économie chancelante, mobilité ralentie, écologie paillettes.
Nous feignons de nous en consoler en célébrant le Paris de la fête, de l'art, du patrimoine, de la douceur de vivre. Paris donne plus à voir le passé qu'il ne fait espérer l'avenir. Au fond, Paris est le laboratoire des risques et des chances de notre pays à l'ère de la mondialisation.
4ème de couv
……………..extrait des dernières pages .......Dans les priorités à aborder, on a d'ailleurs évité les questions qui fâchent : 6 participants seulement de la Conférence métropolitaine ont abordé le thème de la péréquation des inégalités fiscales, et 2 l'ont placée en tête de leurs préoccupations ! Au risque de peiner tous ceux qui se dévouent depuis de longs mois pour le succès d'une initiative courageuse, la Conférence métropolitaine n'est pas à la hauteur du défi et de la provocation lancés par le Grand Paris. Les élus parisiens feraient bien de s'en aviser rapidement. Dans ces conditions, pourquoi s'étonner si la gouvernance territoriale impuissante favorise le coup d'éclat présidentiel permanent ? Sortir du dilemme n'est pas impossible, à condition d'accepter la double logique de la démocratie politique et du territoire de projet. La première suppose qu'on abandonne le vote par ordre au profit du vote par tête. L'agglomération vivante n'est pas une addition de corporations, mais une somme d'habitants, citoyens libres et égaux en droits et devoirs. Il est donc légitime que les débats et les décisions soient réglés selon un principe de proportionnalité au moins relative avec les populations. Cette règle démocratique élémentaire devrait garantir contre les dérives de la gouvernance, qui favorise les notables et les technocrates, et les abus de majorité induits par l'application formelle de la loi sur les communautés urbaines. Dans l'agglomération dense, elle calmerait les appréhensions de la banlieue, qui serait toujours assurée d'être majoritaire par rapport à la ville-centre. Le “ territoire institutionnel de projet ” n'est le cheval de Troie, ni de la Ville de Paris, ni du Grand Paris. De quoi s'agit-il ? De considérer qu'un espace de programmation urbaine n'est pas défini a priori et de façon pérenne par la carte administrative et institutionnelle, mais que son étendue et sa durée sont déterminées par la nature du dessein recherché. Autrement dit, le projet est porteur de sa propre définition territoriale. La proposition dépasserait l'ambiguïté fondamentale de la région Ile-de-France d'accoler sur 20 % de son territoire une agglomération métropolitaine de 10 millions d'habitants et une grande région agricole avec un million de résidents dispersés sur les 80 % restants. Cette disparité structurelle condamne l'institution régionale au grand écart permanent, que ce soit en matière de transports, de logement, d'emploi ou même de protection de l'environnement. Le reconnaître n'est pas une contestation de compétence institutionnelle, mais de pertinence spatiale. Au moins pour les quatre domaines qui viennent d'être rappelés, c'est l'agglomération tout entière, définie avant tout par sa continuité physique et non l'Ile-de-France, qui constitue le territoire de projet. Peu importent d'ailleurs ses limites exactes puisqu'il ne s'agit pas d'y créer une instance nouvelle et immuable. Des franges incertaines et labiles pèseront de toute façon toujours de peu de poids face à la zone dense consolidée par l'histoire et la démographie.
Car l'originalité de la proposition tient aussi à son caractère institutionnel, pour ne pas écrire constitutionnel, qui la distingue d'un simple contrat entre acteurs urbains. Pour être viable et opératoire, le “ territoire institutionnel de projet ” doit être constitué d'entités politiques entières, des municipalités en général, avec participation éventuelle des départements et de la Région. La consultation active de la société civile (associations, conseils de quartiers, experts, milieux socioprofessionnels) n'est d'ailleurs pas exclue. Mais la décision finale appartient toujours aux élus, à proportion de leur représentativité dans la population totale du territoire intéressé. Utopie, pensera-t-on. Mais à ne pas vouloir la risquer, il est à craindre que le danger soit plus grand de l'immobilisme ou de l'aventure politique.
C'est à ce prix en tout cas que les rapports entre Paris et la partie la plus riche et la plus dense de l'Ile-de-France ont un sens. L'histoire et la géographie commandent que l'on ne s'attache pas d'abord à une redéfinition institutionnelle et territoriale des acteurs et des pouvoirs (le Grand Paris), mais au projet de ville que l'on veut promouvoir. Pour les communautés humaines comme pour les individus, aimer ce n'est pas se regarder dans les yeux, mais regarder ensemble dans la même direction. Elus parisiens et franciliens en seront-ils capables ? Guy Burgel est professeur à Paris X. Fondateur du Laboratoire de géographie urbaine, il a notamment publié La Ville aujourd'hui (Hachette, 1993), Paris, avenir de la France (L'Aube, 1999) et La Revanche des villes (Hachette, 2006).