21 Janvier 2008
Paris Métropole : un département pour le Grand Paris ?
Le Grand Paris : le chantier du Président
En juin 2007, le Président de la République a lancé le chantier de l’organisation des pouvoirs dans le cœur de la Région Ile-de-France. Après la disparition du département de la Seine en 1964, nous avons assisté et subi en tant qu’habitants, des politiques d’aménagement où les égoïsmes territoriaux ont conforté les inégalités et les déséquilibres historiques. Si le système institutionnel qui se voulait plus efficace par la création de 8 départements a réussi dans le domaine des services de proximité, il n’a pas donné les résultats attendus dans la mise en œuvre de politiques publiques équitables. Il a entraîné à la fois, un isolement progressif de Paris et un renforcement de l’inégalité des chances entre l’Est et l’Ouest du bassin parisien. L’un des exemples chroniques est bien « le ventre mou » des secteurs intermédiaires comme celui qui a justifié la création de l’Actep ou de la Communauté d’Agglomération de la Vallée de la Marne, dans la partie entre Paris et Marne la Vallée.
Il vient naturellement à l’idée qu’un « Grand Paris » qui conduirait une politique équilibrée de développement urbain, respectueuse des spécificités des collectivités, serait l’une des solutions pour assurer une réelle cohésion sociale et un avenir équitable, harmonieux et solidaire du cœur de l’Ile-de-France.
En examinant les différentes formes administratives d’intercommunalité existantes, pour réussir dans le défi que nous devons relever, il faudra faire preuve d’imagination et rechercher une organisation nouvelle qui associerait les destins de Paris et des 3 départements de la petite couronne, sans ignorer les nécessaires coopérations avec les départements de la grande couronne. En effet, tout ce qui sera bon pour la zone dense, sera bon pour l’Ile-de-France.
Un département métropolitain ?
Pourquoi se limiter au rapprochement de ces quatre départements ?Force est de constater qu’au fil des années, la centralité de notre Région s’est déplacée dans beaucoup de domaines, de Paris vers les communes de la petite couronne.La meilleure façon de rompre un isolement parisien qui gagne une « capitale musée », sans freiner le développement de la banlieue, c’est bien d’obliger à un partage de compétences territoriales sans pour autant créer « un machin » lourd à gérer qui ignorerait la nécessaire proximité que nos habitants exigent de plus en plus. Nos communes et les départements créés en 1964 ont répondu de façon positive à ce besoin de proximité, porteur d’efficacité. L’idée que je défends, serait celle qui consisterait, à fusionner les 4 départements (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis) du cœur de l’Ile-de-France en un seul. En plus des compétences actuelles qui viennent d’être renforcées par la dernière loi de décentralisation, ce « département métropolitain » se verrait confier les déplacements, le développement économique, l’emploi et l’habitat dans une gouvernance placée sous le signe de l’éco-citoyenneté et du développement durable.
Nous sommes tous conscients que cela n’est pas en créant une structure administrative supplémentaire coûteuse que nous obtiendrons une plus grande efficacité, bien au contraire. La mutation de ces 4 départements en un seul « Paris Métropole » par la mise en commun de leurs compétences doit s’accompagner d’économies d’échelles, de mutualisation des moyens, mais aussi d’une plus grande lisibilité et simplicité en matière de relations avec les habitants.
L’objectif est de :concentrer, coordonner et mutualiser des moyens tout en confirmant la proximité et l’efficacité au quotidien, des services.
Une région difficile à gouverner
La Région est trop éloignée du quotidien des franciliens dans son fonctionnement actuel. Elle est difficilement gouvernable car déséquilibrée avec des logiques contradictoires entre grande et petite couronne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Sur 11 millions d’habitants, les 4 départements de la petite couronne représentent plus de 6 millions d’habitants ; La grande couronne avec ses 1157 communes (sur 1281 au total) accueille un peu moins de 5 millions d’habitants avec 49 % de terres agricoles et 23 % de bois et forêts. Paris regarde la petite couronne qui a pris le relais de la création de richesses et les départements de la grande couronne, au lieu de regarder leur avenir vers Paris et le Centre de la Région. Ils doivent avoir, de plus en plus, une stratégie de Grand Bassin Parisien (Normandie, Nord, Est…).
L’avenir et la dynamique de l’actuelle région passent par un décloisonnement et une logique de développement indépendante pour les territoires éloignés du cœur, ainsi que par des coopérations interdépartementales et interrégionales. La structure départementale actuelle a prouvé son intérêt car elle est plus proche,(surtout en milieu fortement urbanisé), des habitants. Les départements ont démontré, notamment en Ile-de-France, leur efficacité dans une gestion de proximité principalement en matière sociale. A titre d’exemple, le transfert des collèges, la gestion de l’APA, du RMI, demain du RSA, de la politique en matière de handicap… sont ou seront des réussites.
Nous vivons l’intérêt du niveau départemental et des coopérations intercommunales au sein de l’Actep où 20 villes travaillent ensemble sous couvert des départements du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis. Je fais partie de ceux qui regrettent que les exécutifs des conseils généraux ne se soient pas saisis des coopérations entre villes comme facteur de progrès en incitant à la création et au développement des coopérations intercommunales par le biais, par exemple, de contrats départementaux spécifiques.
Un grand département et des municipalités
La réflexion lancée par le Président de la République sur le Grand Paris devrait s’appuyer sur le niveau politique et administratif qui a prouvé son efficacité en matière de proximité, à savoir le département et les intercommunalités. La création de « municipalités » résultant de fusions de communes, tels les borough de la banlieue de Londres, par grands bassins urbanisés de vie et d’emploi, permettrait d’avoir des sous-ensemble plus efficaces que les communautés d’agglomération actuelles, inadaptées en secteurs fortement urbanisés. A l’expérience, nous pouvons constater que la loi Chevènement était plutôt destinée aux secteurs ruraux qu’à la banlieue de la capitale.
Pour mieux coordonner l’aménagement du territoire, rien n’interdit d’utiliser les OIN (Opération d’Intérêt National) pour que l’Etat joue pleinement son rôle de pilote et d’accompagnement, comme c’est actuellement le cas, dans la vallée de la Seine, d’Ivry jusqu’au-delà de l’aéroport d’Orly mais aussi pour associer à ce nouveau département Paris Métropole, des secteurs comme Evry, Marne la Vallée, Saint-Quentin en Yvelines…..
Dans cet esprit, j’insiste pour affirmer qu’une gestion métropolitaine de notre agglomération devrait s’appuyer sur la fusion des départements de Paris, du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine, dans une entité interdépartementale qui tout en prenant en charge la gouvernance d’un territoire, proche du feu département de la Seine, conserverait, sous forme décentralisée, les avantages de la proximité des départements créés en 1966, tout en incitant les communes à avoir un avenir partagé dans le cadre d’intercommunalités de projets.
Des moyens au niveau départemental
Ce grand département, « Paris Métropole », structure hybride entre Département et mini-Région, aurait des compétences qui restent à détailler. Il résultera de l’addition des fonctions des départements actuels et pour partie de celles de la Région et de l’Etat, voire certaines calquées sur les communautés urbaines (avec des compétences plus étendues que celles des 4 départements actuels). Il piloterait l’aménagement et les services communs par une rationalisation et une mutualisation des moyens du centre de la Région. A titre d’exemple : pilotage et aide à la maîtrise foncière, fusion des transports en commun gérés actuellement par la RATP et la SNCF, en développant les liaisons inter et intra-banlieue (cf. MétroSur du métro de Madrid), prise en charge en plus des collèges (qui pourraient être gérés au plan des intercommunalités), des lycées et de leurs personnels, laissant à la Région, la recherche et les universités ; confirmer dans leurs missions, les syndicats interdépartementaux que sont le Syctom, le Sedif, le SIAAP,…etc ; créer des agences uniques en matière de développement économique, d’emploi et de logement…
La présence dans les départements actuels d’un échelon politico-administratif allégé sera nécessaire, au titre des principes de proximité, car au cœur de territoires fortement urbanisés, cet échelon doit rester un facteur de gouvernance opérationnelle, de cohésion sociale et de gestion décentralisée.
Le Cœur de Paris Métropole serait en banlieue
L’Etat, quant à lui s’organiserait dans ses compétences actuelles en une Préfecture Départementale « Paris Métropole », qui prendrait les compétences Sécurité, Police et Secours sur le territoire des 4 départements actuels. Les préfectures pourraient être reconfigurées, réduites mais maintenues sous forme d’un nouveau concept de « services déconcentrés ».
Une nouvelle gouvernance tant Etat que Départementale devra avoir un objectif, « économie d’échelle » par une optimisation des moyens et des réductions des frais de personnels et de fonctionnement.
L’une des Préfectures et un Conseil Général d’un des départements de la petite couronne seraient choisis pour accueillir les services de « Paris Métropole ». Une autre solution serait d’installer « Paris Métropole » sur les terrains disponibles de l’Aéroport d’Orly, proche de la capitale.
Enfin, en plus des recettes fiscales et dotations existantes, une mise en commun de la taxe professionnelle devra être envisagée pour que ces richesses soient consacrées, dans une péréquation active, à un réel rééquilibrage équitable des territoires en matière de taux d’emploi.
La feuille de route serait un schéma directeur départemental validé par l’Etat et la Région.
La représentation au nouveau conseil départemental pourrait être à l’exemple de ce qui existe pour Paris, assimilant les villes et les intercommunalités aux mairies d’arrondissement de Paris. Le futur conseiller départemental serait l’équivalent du conseiller de Paris actuel.
Une Région métropolitaine du Grand Bassin Parisien ?
La Région Ile-de-France ne peut pas être identique aux autres régions, du fait de l’exceptionnelle vitalité et du potentiel que représentent Paris et les départements de la petite couronne.
Pour faire de notre Région, le poids lourd européen en matière de dynamisme et création de richesses, il faudrait lancer en parallèle, le chantier d’une Région métropolitaine du Grand Bassin Parisien, intégrant la plus grande partie des vallées de la Seine et de la Marne et leurs bassins versants jusqu’à l’embouchure sur la Manche.
Le Grand Paris : une chance pour la 1ère Région d’Europe
Le Président de la République vient de nous donner l’occasion et la chance de travailler enfin au décloisonnement administratif et politique du cœur de notre région pour qu’elle reste la première métropole européenne avec un rayonnement digne de ses atouts et de ses richesses potentielles insuffisamment exploitées.
Les élus, mais aussi tous les responsables économiques et administratifs doivent saisir l’opportunité qui nous est donnée de rechercher ensemble de nouvelles règles du jeu pour libérer des énergies au bénéfice de nos concitoyens, en dépassant les individualismes pour plus de solidarités. Ils attendent de nous, des solutions innovantes à leurs problèmes de logement, d’emploi, de déplacement, de formation pour eux, mais aussi pour leurs enfants et leurs petits-enfants.
Le plus grand risque dans cette réflexion serait de ne pas prendre de risques.
Jacques JP Martin
Maire et Conseiller Général de Nogent-sur-Marne
Président de la Communauté d’Agglomération de la Vallée de la Marne
Président du groupe UMP au Conseil Général du Val-de-Marne
Ps :Membre de l’Actep, de l’AMIF et de l’AMF
Vice-Président du SIAAP
Vice-Président de l’UCGF