5 Janvier 2008
Pas d'Ile-de-France à deux vitesses, par Michel Berson
LE MONDE | 14.12.07 |
Conforter la place de premier plan que joue l'Ile-de-France face à la concurrence croissante des grandes métropoles internationales tout en réduisant les inégalités sociales et territoriales, tel est le défi que nous nous sommes engagés à relever en Essonne. Or, la création d'une intercommunalité regroupant Paris et les trois départements de la petite couronne reviendrait à réserver des moyens financiers considérables au seul profit du coeur de l'agglomération parisienne, qui concentre déjà l'essentiel des pôles économiques et d'emplois de la région, ainsi que les principales infrastructures de transports en commun. De fait, ignorer les départements de la grande couronne revient à la "ghettoïsation" des 5,4 millions de Franciliens qui peuplent cet espace de développement et participent au dynamisme de notre région. C'est aussi faire fi des résultats d'une large concertation entre l'ensemble des conseils généraux et le conseil régional. C'est enfin reléguer un peu plus la population de la grande couronne loin du centre du fait d'un manque réel d'équipements, de services et de transports en commun. En réalité, l'avis rendu par le préfet de région sur le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), qui dessine à grands traits la stratégie d'aménagement que l'Etat entend y mettre en oeuvre, est explicite : les emplois, les équipements et les transports en commun pour Paris et la petite couronne ; les logements et les routes pour la grande couronne. On nous propose une Ile-de-France à deux vitesses, et c'est inacceptable ! En matière de logement, l'Etat ne tient pas compte des équilibres sociaux et environnementaux défendus par un département comme l'Essonne. Pis encore, il s'exonère à bon compte de ses responsabilités dans le domaine des transports, alors même que ce type d'infrastructures relève de sa compétence. De plus, il contraint les collectivités à cofinancer les projets dont il a seul décidé du bien-fondé, ce qui induit pour les départements et les régions des charges nouvelles, qui ne sont compensées par aucun transfert de moyens. MOYENS INSUFFISANTS Le temps où l'on opposait le coeur de l'agglomération à sa périphérie, les quartiers d'affaires de l'Ouest parisien à la banlieue est, est dépassé. Paris et la petite couronne ne peuvent à eux seuls contribuer à la dynamique de développement de la région. Dans le domaine économique et scientifique, un département de la deuxième couronne comme l'Essonne, avec ses deux pôles de compétitivité d'envergure mondiale, exerce des fonctions centrales au même titre que Paris et sa petite couronne. Que Paris tisse des liens plus étroits avec les communes limitrophes est légitime. Que des partenariats et des coopérations s'organisent dans le cadre de syndicats mixtes, à l'échelon de la région, autour de compétences partagées en matière de transports, d'aménagement et d'urbanisme, ou encore de gestion des déchets est pertinent. Mais ce qui fait surtout défaut à l'Ile-de-France, c'est l'insuffisance des moyens financiers accordés par l'Etat pour réaliser les équipements ou les infrastructures de transports collectifs qui permettraient de poursuivre le développement et de renouveler l'attractivité de la région capitale, et de répondre aux attentes des Franciliens. Paris ne peut être grand qu'au sein d'une Ile-de-France dynamique et solidaire entre tous ses territoires. Le projet du Grand Paris ne peut être viable qu'à condition de ne pas oublier que le mandat confié par les Franciliens repose sur les bases d'un développement durable et solidaire de notre région : autant de défis que nous nous sommes, en Essonne, engagés à relever. Face à une vision de l'Etat baptisée "Grand Paris", qui vise en fait à concentrer les efforts d'investissements structurants sur la seule performance économique d'un coeur d'agglomération penchant à l'Ouest, le conseil général de l'Essonne considère qu'il convient de substituer une claire et puissante vision métropolitaine de l'organisation du territoire francilien. Cette vision, présente dans le document du Sdrif soumis à l'enquête publique, devra être affirmée bien plus nettement dans le document final. Cela suppose que soit fait le choix : - d'une répartition plus juste et plus équilibrée des investissements d'infrastructures et d'équipements ; - d'objectifs de construction de logements dont nul ne peut s'exonérer ; - d'un développement plus marqué de différents pôles d'emplois. Dans cette approche, le conseil général de l'Essonne réaffirme la nécessité que soit préalablement décidé un effort sans précédent d'investissement dans les transports en commun et la consolidation de ses pôles d'emploi, afin que puissent être déclinés les objectifs de construction de logements qui lui sont assignés. A cette condition l'Essonne sera en capacité d'exercer l'ensemble de ses fonctions métropolitaines, que ce soit en termes de compétitivité économique, de cohésion sociale, ou de développement durable.
Michel Berson est président du conseil général de l'Essonne, secrétaire général de l'Assemblée des départements de France.
Article paru dans l'édition du 15.12.07.