Rédigé par Pierre MANSAT et publié depuis
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Oui : Laurent Davezies « Il y a trop d’enjeux nationaux pour ne les laisser qu’aux seuls Parisiens » Les économies modernes ont besoin de métropoles fortes. Car seules les grandes métropoles offrent aux entreprises la fluidité et les économies d’échelle nécessaires pour être compétitives. Ensuite parce que si l’Ile-de-France produit 28 % du PIB français, près de 15 % des revenus qui y sont produits sont redistribués et consommés dans le reste du pays. En clair, le développement de nos régions dépend largement de ce qui se passe en Île-de-France.Or, que constate-t-on depuis le début des années 90 ? Qu’elle croît moins vite que les régions de province, que l’emploi y stagne tandis que le chômage et la pauvreté y progressent plus vite que dans le reste de la France, poussant les jeunes ménages à fuir vers la province. Le plus gros de la stagnation francilienne tient au recul impressionnant du cœur de la métropole, avec un véritable effondrement de l’emploi dans la ville de Paris depuis une quinzaine d’années. Le « Petit Paris » actuel est le produit de ce que Jean Viard a appelé une « une démocratie du sommeil », où les électeurs étant ceux qui y dorment, ils votent pour une politique davantage tournée vers le confort résidentiel que vers l’activité et le progrès, au détriment du million d’actifs qui y viennent travailler chaque jour. C’est bien la seule métropole d’Europe à connaître une telle évolution. Si l’on veut relancer la croissance en France, il faut redynamiser l’Île-de-France … et d’abord son cœur. Car cette panne tient aussi à la gouvernance actuelle de l’agglomération, à l’émiettement extrême de ses territoires et des stratégies de ses élus. Il y a trop d’enjeux nationaux et régionaux à Paris pour ne les laisser qu’aux seuls Parisiens. Non : Alain Rousset « Il ne faudrait pas que ce soit l’occasion de revenir sur la décentralisation » S’il peut paraître difficile de séparer l’avenir de la France de celui de sa capitale, l’enjeu de l’aménagement de l’Ile-de-France est d’abord, comme pour toute grande agglomération, d’améliorer la qualité de vie de ses habitants en endiguant l’étalement de son emploi, comme de son urbanisme et de ses transports. Il s’agit de réduire la circulation automobile par une meilleure utilisation des transports en commun. Et de réduire le temps de transport des franciliens, en organisant de manière plus optimale les déplacements des lieux d’habitation vers les lieux d’emploi. Ainsi, est-ce aux élus de la région, en coordination avec ceux de la ville de Paris et des communes avoisinantes, d’organiser l’aménagement du Grand Paris. Comme ils ont pris à bras-le-corps le problème de la relation entre recherche, entreprise, formation et création d’emplois. L’intervention de l’Etat dans l’organisation du Grand Paris, dans la plus pure tradition jacobine française, me paraît être déresponsabilisante pour les élus locaux. Ce n’est pas en prenant toutes les initiatives au niveau de l’Etat que l’on parviendra à gagner ce point de croissance qui nous manque, mais plutôt au niveau des régions, pour peu qu’on élargisse leur champ d’intervention autour des pôles universitaires et de l’emploi, alors que les départements comme les villes ont acquis suffisamment de compétences. Alors qu’en Espagne, ce sont bien les régions à la pointe de l’innovation qui ont pris les initiatives décisives pour la croissance, il n’y a qu’en France que l’Etat centralisateur se prend encore à initier des schémas régionaux de développement. Il ne faudrait pas que le Grand Paris soit l’occasion de revenir sur la décentralisation. Le grand retour des jacobins S’il y a un tel interventionnisme de l’Etat sur une question que Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, considère relever de la compétence des élus locaux, ce n’est pas seulement parce qu’aujourd’hui tout se décide à l’Elysée. C’est d’abord parce que le Grand Paris est bien un enjeu national, qui dépasse les batailles que se livrent les élus locaux pour le partage du pouvoir et la captation de la ressource fiscale. Alors que la France peine à se trouver un modèle de développement qui lui permette de tirer une partie de la mondialisation, son premier moteur perd de sa puissance. Pour le faire repartir, il faudra d’abord sortir Paris de son isolationnisme et imposer ne coordination effective au niveau de l’agglomération, selon un périmètre et des modalités qui restent à définir. Car si la loi Chevènement de 1999 a incité les territoires à s’organiser en communautés d’agglomération, c’est peu de dire qu’elle marche mal au niveau de l’Ile-de-France. Ici, rappelle l’urbanisme Christian Lefèvre, « chacun y va de sa stratégie sur sa portion de territoire, de ses politiques et de ses alliances ». Il faudra ensuite réorienter le centre vers l’efficacité productive, et plus seulement le bonheur des bobos en Vélib’. Enfin, sachant qu’un Grand Paris exigera un investissement massif dans les transports publics, son financement imposera non seulement une mutualisation des ressources des communes mais aussi que l’Etat mette au pot. Autant de bonnes raisons pour qu’il s’intéresse de près au Grand Paris. VALERIE SEGOND La Tribune - 17/10/2007