8 Septembre 2007
Paris pense métropole
La métropole parisienne est face à son destin. Saura-t-elle résoudre la crise du logement, développer dans l'ensemble de l'agglomération un réseau de transports en commun comparable à celui de Paris, favoriser la création de pôles économiques ? Et cela en respectant l'environnement, en assurant l’égalité des territoires, l’égalité sociale. Scène politique inédite réunissant avec le maire de Paris et le président de la Région, les représentants de 60 collectivités territoriales, la Conférence Métropolitaine pourrait lancer les chantiers de la prochaine décennie.
L’histoire Paris-Banlieue est marquée par la domination de Paris. On peut comprendre qu’aujourd’hui, la banlieue soit méfiante ! Alors, pas de doute : nous devons surmonter ensemble les démons d’hier. De 1968 - fin du département de la Seine - à 2001 – arrivée de la gauche à la mairie de Paris – c’est, d’une part l’émergence des Conseils Généraux comme instances politiques fortes, la montée en puissance de la Région, la création laborieuse des intercommunalités et d’autre part la dissociation du destin de Paris et de ses voisines : l’absence de relation Paris-Banlieue est la norme de cette période.
Dès 2001, Bertrand Delanoë a souhaité ouvrir un débat politique d’égal à égal avec la Banlieue. Des relations bilatérales entre Paris et des collectivités de banlieue ont abouti à 450 opérations de coopération avec plus de 120 collectivités (aménagement urbain, logements, transports, espaces verts…). Au-delà des décisions stricto sensu, la nouvelle pratique de la relation Paris-Banlieue a construit de la confiance réciproque. De ces coopérations, nous tirons une leçon : plus un projet est concerté, plus il est riche et légitime. Et ces coopérations contribuent a fonder la métropole.
Mais dès 2001 nous avons affirmé qu’il fallait penser autrement. Qu’il manquait un lieu, un espace politique de partage, de dialogue. Nous l’affirmons dès le 5 décembre 2001. Je propose donc la création d’une Conférence Métropolitaine du Cœur de l’Agglomération Parisienne. (à ce moment là certains crurent bon de se moquer de cette expression. Elle était simplement reprise de l’expérience de Nantes-Saint Nazaire, ou de Bologne [Italie]. Et elle est en référence aux nombreuses « Conférences » de projet, de territoire. Et nous appuyons ce travail sur de nombreuses publications (Atlas Chemla Carmona, étude Lefèvre…) des séminaires et débats.
En février 2005 le Conseil de Paris vote un vœu appelant à la création d’une Conférence Métropolitaine. Je m’en explique plus en détail dans une conférence de presse en mars 2005. Il a fallu plus d’un an de discussion pour persuader le président de la Région, qui utilisait toujours l’expression désobligeante « Gross Paris », alors que l’expression même de Grand Paris date du début du siècle, que le débat sur ce sujet est quasi permanent jusqu'à la glaciation des années 90. [ cf les travaux de Annie Fourcaut, Emmanuel bellanger, Mathieu Flonneau] En juillet 2006, la Conférence Métropolitaine est créée à la mairie de Vanves par 42 élus qui ont répondu à l’appel lancé par le maire de Paris, le président de la Région et une quinzaine de maires de toutes tendances politiques. Parce que cette volonté parisienne a rencontré celles de maires de Banlieue. Elle est un lieu structuré d'échange et de consensus. Certes non décisionnel, mais de part sa composition, un simple avis produit des actes. Ainsi, par exemple, la priorité affirmée de la construction d'un métro en rocade en petite couronne a conduit à son inscription définitive dans le Schéma Directeur d'Ile-de-France (SDRIF) et au déblocage de crédits d'étude.
Alors que patiemment – mais avec détermination - de nouvelles relations se tissent, qu'une nouvelle structure prend corps, que Paris retrouve sa place dans la dynamique régionale, le chef de l'Etat propose de créer une communauté urbaine parisienne et de réviser les décisions d'aménagement du territoire prévue par le SDRIF. Ainsi, quand la méthode de construction institutionnelle repose sur le respect et l’égalité des partenaires, le président opte pour la méthode autoritaire qui remet Paris en situation de domination. Si la proposition du chef de l’Etat de créer une communauté urbaine parisienne témoigne de l’intérêt qu’il porte au développement de la région capitale, cette « nouvelle vision » ne se proclame pas, elle doit nécessairement se construire ensemble. Et même si de toute évidence la prise de position d’un Président de la République est importante, je veux souligner qu’il n’a vraiment rien inventé. Que le débat est posé en termes clairs (et démocratiques ) depuis 2001. Par ailleurs l’agglomération ce n’est pas la pampa. Des syndicats intercommunaux ou interdépartementaux (assainissement, ordures ménagères), Syndicat des transports, intercommunalités actives (Plaine Commune, ACTEP…) expriment des coopérations puissantes et parfois anciennes.
Et les nouveaux rapports lentement tissés entre Paris et les collectivités du cœur d’agglomération sont autant d’acquis et de forces communes pour réfléchir à l’avenir de notre métropole. Pour en débattre souvent avec Patrick Braouezec -avec le sentiment de ne pas être entendu-je pense que le cœur de la métropole sera nécessairement polycentrique, à l’opposé d’un Grand Paris entendu comme une annexion de la « périphérie » par un centre dominant. Et c'est l'opinion, le choix de la majorité municipale. A l’évidence, le développement de Paris et de la métropole sera synergique ou ne sera pas. A l’opposé de la concurrence, Paris-métropole appelle le partenariat. Dans lequel Paris joue un rôle majeur. Pour prendre sa pleine mesure et s’ouvrir sur le futur, ce territoire de vie doit être reconnu pour sa spécificité et sa cohérence. C’est ce que fait le nouveau SDRIF en réintégrant Paris dans son environnement, en soulignant la priorité à donner au cœur d’agglomération et en favorisant un développement équilibré de cet espace. Et la municipalité parisienne a beaucoup œuvré pour qu’il en soit ainsi. Je suis celui qui a mis sur la place publique les rapports de la DRE sur la « zone dense », et je rappelle que la première version du SDRIF ne faisait pas apparaître de cœur d’agglomération, et qu’elle saucissonnait Paris en 7 ou 8 morceaux de quadrants…. Mais, alors que les objectifs ont été validés par l’Etat, avec notamment la construction de 60 000 logements par an, la priorité donnée aux transports en commun et la limitation de l’étalement urbain, la forme même de ce développement fait débat. La Région émet des réserves sur 3 projets : la réalisation de nouvelles voies routières, le développement de la Défense et CDG Express. L’Etat, favorable à ces projets, a essayé de faire fléchir la Région en menaçant de ne pas valider le SDRIF. Pourtant, ces réserves méritent discussion. Selon l’Etat, freiner le développement de la Défense pénalise l’attractivité économique de la région. Cette position est trop simpliste : on peut aussi développer correctement d’autres pôles et ainsi rééquilibrer l’agglomération en y investissant massivement de l’argent public comme cela a été fait pour la Défense pendant près de quarante ans.
Mais je suis aussi partisan de débattre plus au fond : le développement de La Défense a des effets plus en profondeur (Achères par exemple envisage 40 000 m2 de bureau pour accueillir des backoffice) ou à l’Est : les Grands Moulins de Pantin (40 000 m2) sont aménagés pour du backoffice de la Défense. Mais tout aussi évidemment, il est prévu de façon dérogatoire seulement 1400 logements a la Défense. Ou logeront les 30 000 /40 000 nouveaux salariés attendus ?
S’opposer à CDG Express, est tout à fait légitime si ce nouveau projet n’est pas bien intégré d’un point de vue urbain et s’il se présente en opposition à la nécessaire rénovation concomitante de la vétuste ligne B du RER. Or, depuis 2002, l’Etat a baissé de 48% ses budgets dédiés au développement des transports en commun dans notre pays. Dans notre Région, ont été investis, au cours de la dernière décennie, quatre fois moins d’argent public qu’à Londres ou Madrid pour les transports collectifs.
Si l’Etat veut revenir dans le débat, l’Etat doit aussi payer.
En matière de logement, Paris, alors que ses opportunités foncières sont rares, vise un objectif supérieur aux seuls 20% de logements sociaux. Paris place la barre à 25% de ces logements d’ici à 2030, alors que d’autres communes aisées préfèrent payer une amende plutôt que de respecter la loi SRU et favoriser la mixité sociale. Pour ma part, pour lutter contre l’embourgeoisement je pense qu’il faut porter cet objectif à 33%. [ voir le blog www.lautreparis.com] En somme, je défends l’idée que l’attractivité de notre métropole passe autant par le développement de ses pôles d’emplois que par sa qualité de vie et sa cohésion sociale.
Nous ne cherchons pas à monter David contre Goliath, mais à conjuguer nos efforts. Si l’Etat souhaite avoir son mot à dire sur l’avenir de la région Ile-de-France, nous l’entendons à condition que le débat soit démocratique, qu’il permette de construire des consensus et que l’Etat assume ses engagements. L’Etat doit 3 milliards d’euros aux collectivités locales dont 200 millions d'euros à Paris…
Entre une métropole où se côtoient pôles d'excellences et cités reléguées, productivité très élevée et pauvreté et une métropole du partage et de l’égalité ou le bien être de chacun sert l'intérêt de tous, la majorité municipale parisienne a choisi.
L'abstention inattendue de la droite parisienne lors du vote du SDRIF au Conseil de Paris et l'assouplissement récent de la position du Premier ministre par rapport à la celle du Chef de l'Etat, seraient-ils le signe que la méthode à la « hussarde » n'est pas la bonne ?
Les nouveaux convertis à la question métropolitaine sont-ils en passe de découvrir que gouverner c'est respecter.
Si oui tant mieux !
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L'image est de Patrick Berger ( projet pour les JO 2008)