« Se garder d’idées toutes faites » Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris chargé des relations avec les collectivités locales, souhaite que les élus prennent en compte l’histoire mouvementée de la capitale avec sa banlieue.
Dans quel contexte la Ville de Paris a-t-elle participé à l’élaboration de Paris-Banlieues ? Pierre Mansat. Le travail est l’aboutissement d’une rencontre avec Annie Fourcaut, professeur d’histoire à la Sorbonne, spécialiste du logement et de l’histoire de la banlieue. Dans nos discussions, on évoquait bien sûr ces questions alors que je commençais, en 2001-2002 un travail sur ces relations, sur le changement que l’on souhaitait. On s’est tout de suite heurté à une certaine ignorance de l’histoire réelle de ces rapports, reproduite schématiquement. Les élus les plus anciens, assez peu nombreux, ont une connaissance des relations politiques de cette histoire, mais des générations entières d’élus n’en connaissaient que les dernières années, à partir de l’émergence du conseil régional. Il n’était pas possible de bâtir un projet politique partagé si on ne partageait pas un minimum de connaissances sur cette histoire. Annie Fourcaut a proposé d’organiser un séminaire d’historiens et la Ville de Paris a contribué à financer une partie de ces travaux. Le séminaire a duré deux années universitaires, il a donné lieu à une première publication. Ensuite, Annie Fourcaut, et son équipe, Emmanuel Bellanger et Mathieu Flonneau ont considéré que la matière accumulée pouvait faire l’objet d’un ouvrage. C’est le premier ouvrage du genre qui traite de façon savante cette histoire.
Quels enseignements tirez-vous de la parution de ce livre ? Pierre Mansat. Le séminaire a confirmé une intuition, vérifiée par d’autres biais, que les travaux des historiens mettent en évidence dans le livre : la permanence de l’interrogation politique avec des périodes d’avancées, de stagnation, de débats. Pendant les années vingt, le débat est très intense autour de ce qu’on appelait à l’époque le Grand Paris. Les années quatre-vingt-dix, par contre, sont des années de stagnation. La deuxième idée, c’est que l’histoire est beaucoup moins manichéenne que celle qui imprègne les structures mentales des élus. L’idée d’une banlieue servante, d’un Paris dominateur, c’est à la fois vrai et tout de même plus complexe. Bien souvent, il y a des banlieues qui se développent dans un rapport très positif avec la capitale. Et puis, c’est beaucoup moins connu, il y a toute la période du conseil général de la Seine, de la mise en commun très forte dont on voit encore l’impact sur l’organisation du territoire avec les réseaux de centres de santé, de crèches, de transport... Une certaine solidarité Paris-banlieue s’exprimait à cette époque-là, avec même des financements de la Ville de Paris au bénéfice de l’ensemble des habitants de banlieue. Il faut se garder d’idées toutes faites et le travail réalisé sur l’histoire va nous aider à être un peu plus efficaces. La première conférence métropolitaine s’est déroulée le 6 juillet 2006 à Vanves, la seconde le 7 novembre à Montreuil.
Quel bilan peut-on déjà faire ? Pierre Mansat. Après la première séance plénière, qui a eu un certain retentissement, la deuxième session en novembre dernier était consacrée aux transports et aux déplacements. Celle-ci a aussi été une réussite tant du point de vue de la participation, une cinquantaine de collectivités, que, surtout, de la mise en oeuvre du premier exercice pratique, la rédaction d’un diagnostic partagé élaboré par l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), et qui a fait consensus. Un des buts de la conférence est de faire des propositions en direction des instances décisionnaires, l’État, la région, les entreprises. Les participants à la conférence de Montreuil ont par exemple apporté leur soutien au projet de transport lourd en rocade autour de Paris. Cette séance a été suivie par deux séances plus restreintes sur le plan de déplacements de Paris. Elle a abouti à un document d’analyse de point de vue partagé sur le Plan de déplacement de Paris. À la rentrée, nous ferons d’ailleurs un diagnostic sur l’avancement de ce plan et de ses enjeux. La prochaine réunion aura lieu le 6 juillet à Cachan sur l’habitat et le logement. Nous en prévoyons une autre, sur le développement économique et les relations avec les territoires.
Propos recueillis par Jacques Morand
l'Humanité 30 juin