Plus on s'achemine vers la rédaction d'un préprojet de loi, plus on s'éloigne des objectifs annoncés : permettre aux territoires, urbains et ruraux, aux petites et aux grandes agglomérations, d'avoir un meilleur cadre institutionnel pour se développer et assurer leur dynamisme économique. La volonté du gouvernement n'est pas d'organiser l'acte III de la décentralisation, mais au contraire de reprendre en main et de contrôler l'organisation et le développement des territoires. Dans l'avant-projet de texte, on voit apparaître fréquemment le préfet. C'est lui qui fixe les conditions de l'intercommunalité, le périmètre des métropoles. C'est encore plus vrai pour les projets du Grand Paris où le pouvoir de planification urbaine n'appartient plus aux élus.On assiste en réalité à un retour du centralisme alors que l'Etat n'a plus les moyens financiers de tout contrôler. C'est grave parce que l'économie, la société, ne fonctionnent plus selon un schéma vertical. Si l'on prend l'exemple des métropoles, le gouvernement a reculé. Elles devaient être des entités juridiques propres avec les pouvoirs des départements. Dans la nouvelle mouture, il s'agirait d'ajouter quelques compétences nouvelles. Ce qu'on appelle métropole concernerait toutes les agglomérations de 450 000 habitants. Ce qui ne correspond pas totalement à l'idée que je me fais des métropoles de taille européenne face à Barcelone, Manchester, Milan, Francfort ou Munich. Ce qui nous intéresse, en particulier à Lyon, c'est d'articuler, de manière volontaire, une métropole multipolaire au-delà des frontières traditionnelles, avec Saint-Etienne, le nord de l'Isère ou le pays de Vienne. Nous avons besoin d'outils nouveaux pour structurer un grand territoire, éviter le mitage de l'habitat, établir une planification pour les transports, préserver les espaces agricoles et naturels. Il nous faut aussi mutualiser nos efforts en matière de pôles de compétitivité, de développement universitaire, d'organisation de grands événements culturels. Cette dimension-là n'est pas présente dans la réforme.En réalité, ce qui prime pour le gouvernement, c'est la réforme du mode de scrutin avec le conseiller territorial et les élections dans les intercommunalités et les métropoles. On passe du big bang territorial annoncé à un fric-frac électoral souhaité... On va changer le mode d'élection des conseillers régionaux pour élire les futurs conseillers territoriaux. Cela ne se fera plus selon le principe démocratique de la proportionnalité mais sous une forme hybride, uninominal dans les campagnes, où en principe la droite est majoritaire et proportionnelle dans les villes, où elle est plutôt minoritaire... En outre, les conseillers territoriaux qui vont devenir les piliers des régions risquent fort de n'être que des superdélégués cantonaux, sans vision stratégique."