2 Mars 2009
|
Avant d'être celle de la voiture, la crise est celle des mobilités, donc celle des modes de vie, des territoires et... de la planète. Dans le concours du Grand Paris, le projet proposé par Yves Lion propose une réduction de trente minutes de la durée des déplacements quotidiens. Evidence pour des millions de salariés, saine réaction face à un écartèlement domicile-travail dont la portée a décuplé en quarante ans, réponse pertinente face à une ville dont on ne sait contenir le mouvement immobilier centrifuge et les déplacements absurdes et superflus.
Bref, propre ou non, trop de voitures tue la voiture. Pour en sortir, deux voies doivent être explorées de front : les partages et l'intégration urbaine. Vous avez dit "partages" ? Dans les parcours du travail, le taux d'occupation d'une voiture dépasse à peine le chauffeur. Un passager dans la même voiture divise par deux l'espace public occupé, l'énergie consommée, la pollution et contribue à éliminer la congestion. C'est du covoiturage, cela marche et c'est perfectible. Une voiture en libre-service public écarte de la voie entre cinq et dix voitures ; mais il manque à l'auto-partage un peu d'impulsion pour se mettre en place.
Un trajet articulé entre la voiture et les transports publics est une piste prometteuse, tout comme les régulations répartissant les flux dans le temps qu'explorent les Anglais. Bien entendu, rien n'interdit de combiner les solutions. Pour autant, l'usage tempéré de la voiture n'exclut pas d'autres solutions : les substitutions, par exemple, comme faire ses courses à distance ou travailler sans perdre trois heures dans la journée entre bus incertain et congestion routière.
De nombreux acteurs creusent ces pistes, mais cette révolution ne se fera pas sans les constructeurs. Comment ? Regardons du côté du Japon. Des mesures drastiques contre le développement anarchique de la voiture y sont imposées depuis longtemps, les ventes de voitures baissent depuis près de dix ans, les pratiques de régulation par le numérique y sont soutenues par l'Etat.
Les réflexions engagées par Nissan, par exemple, témoignent de plusieurs ruptures innovantes. Le constructeur part de l'homme mobile, arbitre de ses modes de déplacement, et plus seulement de l'automobile. Il considère que la voiture "logicielle" produit de l'information "intelligente" quand elle est traitée de manière dynamique, combinée avec d'autres informations en provenance d'autres véhicules et de la ville. Enfin, la voiture en réseau constitue la partie la plus prospective de ces réflexions : ce n'est pas seulement la charge électrique des piles des voitures qui impose le réseau, c'est l'articulation avec les autres modes de transport et l'accès aux ressources du quotidien : "Faites vos courses et rechargez vos batteries."
Si ces perspectives se confirment, la voiture s'oriente alors vers un modèle inédit d'usage et d'affaires dominé par les services automobiles et non plus par l'objet.
Dernier ouvrage, avec Daniel Kaplan "Pour une mobilité plus libre et plus durable" (éd. Fyp, 86 p., 14,90 €).