23 Juin 2008
Pour vous mettre en appétit
L'Ile de France reste aujourd'hui un des plus importants lieux de création de richesse du
globe. Comme cela doit une nouvelle fois être rappelé1, en termes de produit intérieur brut,
seules les villes de Tokyo, Los Angeles et New York font plus qu'elle. Si l'on compare son
produit intérieur brut de 2003 (en dollars et au taux de change), avec 513 milliards, l'Ile de
France représente encore à elle seule près de 40% du PIB chinois ! Peuplée de 11 millions
d'habitants, la région Ile de France produit un peu plus que les 25 millions d'Australiens (492
milliards de dollars), beaucoup plus que les 101 millions de Mexicains (381 milliards), deux
fois et demie plus que les 70 millions de Turcs,... Les Pays-Bas, qui sont souvent cités
comme un pays économiquement vertueux, ont un PIB inférieur à celui de l'Ile de France
(503 milliards) pour une population 40% plus nombreuse !
On peut multiplier ces comparaisons. Toutes conduisent à la conclusion que la région
parisienne est une championne mondiale de l'efficacité économique. Pourtant, ce fait, et ce
qu'il constitue comme enjeu pour la croissance française, reste largement ignoré alors même
que, si l'on prend la peine d'y jeter un coup d'oeil, de nombreux voyants rouges clignotent
depuis quelque temps sur le tableau de bord de son économie.
La conclusion >>
On peut se demander si l'évolution actuelle de l'Ile de France, de la même façon qu'elle réduit , comme on l'a avancé, l'efficacité économique de son marché de l'emploi, n'est pas en
train également d'en réduire l'efficacité sociale. La massivité de la région, les distances et les
évolutions respectives des vitesses de déplacement et de la localisation des emplois, on l'a vu,
pénalisent relativement plus les actifs les plus vulnérables de la région. Comme on l'a montré,
l'emploi domestique n'a pas progressé, depuis plus de dix ans, dans les zones les plus
centrales -et les plus riches- de la région (Paris et les Hauts de Seine), celles qui sont les
mieux desservies par les infrastructures de transport collectif. On l'a également vu plus haut,
le nombre d'actifs résidant dans le quintile le plus pauvre de la première couronne et allant
travailler à Paris s'est réduit (alors celui des actifs les plus riches- i.e. les plus qualifiés- s'est
accru). La croissance des emplois domestiques est très faible dans la Seine-Saint Denis -le
territoire qui concentre le plus de problèmes sociaux- et le Val de Marne (+5% et + 6% contre
+7% en Ile de France et + 24% en Province). En revanche elle explose dans les départements
de la deuxième couronne, avec des taux de 26% en Seine et Marne et de 17% dans les trois
autres départements. En bref, les lieux de développement des activités de consommation
tendent à s'éloigner voire à devenir inaccessibles aux population actives les plus vulnérables
du coeur de la région. Là encore, on ne peut que formuler des hypothèses qu'un lourd travail
de traitement statistique permettrait de vérifier (notamment, et avec un peu de recul
historique, à l'aide des fichiers DADS72 permettant d'analyser de façon détaillée l'évolution
du fonctionnement des marchés de l'emploi des secteurs domestiques franciliens). Mais les
éléments réunis plus haut permettent déjà d'aller au-delà de la simple présomption.
Pour conclure sur cette dernière analyse, on voit qu'alors que c'est souvent la mondialisation,
dans le registre de la compétitivité productive, à laquelle sont imputées les difficultés sociales
sur nos territoires, la plupart des mécanismes évoqués plus haut se situent dans le registre des
phénomènes non marchands et de la consommation. La planification de l'usage du sol, la
gestion des transports publics et du logement social, le contrôle de l'urbanisme commercial et
plus généralement les stratégies de constitution de pôles de bassin de vie, les modes de vie des
franciliens,... sont autant de facteurs, plus ou moins malléables par l'action publique, qui ne
sont pas directement liés à cette mondialisation. Du reste, au jeu de la compétitivité
productive, l'Ile de France peut faire beaucoup d'envieux dans les pays industriels. Ses
résultats en termes de croissance du PIB, même s'ils dénotent un certain ralentissement, ne
sont pas directement à l'origine des difficultés qui ont été analysées ici. Dit autrement, avec la
même croissance, on pourrait avoir un autre développement. Et si l'écart va croissant
aujourd'hui entre croissance et développement en Ile de France, c'est très largement dans
d'autres registres, souvent encore presque ou totalement vierges, que la seule et bientôt vieille
« nouvelle économie géographique » qu'il va falloir réfléchir, comprendre et agir.
Le rapport >>>>