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Pierre Mansat et les Alternatives

Luttes émancipatrices,recherche du forum politico/social pour des alternatives,luttes urbaines #Droit à la Ville", #Paris #GrandParis,enjeux de la métropolisation,accès aux Archives publiques par Pierre Mansat,auteur‼️Ma vie rouge. Meutre au Grand Paris‼️[PUG]Association Josette & Maurice #Audin>bénevole Secours Populaire>Comité Laghouat-France>#Mumia #INTA

" Pour l'honneur de l'Algérie, libérez Boualem Sansal et les détenus d'opinion" tribune de la redaction en chef du Matin d'Algérie

Pour l’honneur de l’Algérie : libérez Boualem Sansal et tous les détenus d’opinion
La rédaction du Matin d'Algérie

On aurait tort de voir dans l’arrestation de Boualem Sansal une simple tentative de rebraquer les projecteurs sur les tensions franco-algériennes ou que Boualem Sansal serait perçu comme une monnaie d’échange avec la France.
On fait mine d’oublier que les rapports algéro-français n’ont jamais été simples, tant les contentieux sont nombreux mais surtout entretenus. Même si Boualem Sansal est une figure connue et reconnue et son arrestation médiatisée, elle a, d’abord, choqué par son caractère arbitraire mais elle n’est que le révélateur d’une répression tous azimut qui ne s’embarrasse même pas du respect des textes et lois du pays.

En réalité, la machine judiciaire algérienne actionnée par le cercle des décideurs a décidé de faire payer à Boualem Sansal le prix de sa liberté d’écrire et de penser. Ses écrits, ses articles, ses prises de positions courageuses bien loin de la doxa de la bienpensante et du politiquement correct ont fait qu’il n’était qu’en sursis. Son arrestation et son incarcération n’ont été qu’une question de timing.
L’incarcération de Boualem Sansal prouve pour ceux qui en douteraient encore, que le régime de « l’Algérie nouvelle » c’est le champ clos d’un pays qui se referme sur lui-même ressemblant étrangement à la Corée du Nord de l’Afrique du Nord où des similitudes sont frappantes.

L’hostilité au monde, le sentiment de l’assiégé, la fabrique d’ennemis internes et externes, la traque de tout opposant ou supposé, le tout dans un mélange de populisme et de démagogie.

Le Hirak avait donné des sueurs froides au régime qui s’est attelé à « reprendre la main » à anéantir tous les acquis des décennies de luttes démocratiques et syndicales. Des militants bastonnés, des manifestations pourtant respectueuses des procédures sont interdites, dissolution des organisations de la société civile, fin des syndicats indépendants, mise au pas du résidu de partis politiques qui osent résister, une presse et des médias muselés.
Objectifs : réduire au silence toute voix dissonante, où l’arbitraire se banalise par l’instrumentalisation de la justice devenue un simple levier et une machine à broyer des vies. Des jeunes, des vieux, des femmes, des journalistes, des militants politiques, culturels, lanceurs d’alerte, poursuivis, embastillés sont arrêtés dans un climat de terreur, et dont certains l’ont payé de leur vie comme le Dr Kameleddine Fekhar.

Plus de deux cents personnes sont incarcérées, pour avoir osé penser ou émis des avis contraires à la voix officielle. Le crime de lèse-majesté : Penser librement, oser contester les choix du régime, douter de sa bonne parole. Sous une chape de plomb, on a fini par installer la peur, le silence. Il ne reste aux Algériens que « le garde-à-vous, la garde à vue, ou une barque de fortune » pour paraphraser Boualem Sansal.

Seul l’applaudimètre qu’on actionne régulièrement dans un ronron du concert d’applaudissements et d’acquiescements ou la flagornerie la dispute à l’obséquiosité de ceux qui veulent conserver les privilèges et ceux qui gravitent autour pour conquérir les grâces de sa majesté moyennant courbettes et courtisanerie, quitte à renoncer au résidu de dignité qui leur reste.
C’est assez classique dans les rapports entre le maître et ses courtisans et ces derniers vont s’adonner à une danse du ventre pour plaire et même aller au-delà de ce que leur exige leur maitre pour mériter ses faveurs. Mais ces derniers auraient dû méditer les leçons des expériences passées et présentes.

Car ces dernières nous apprennent que ceux qui adulent le régime de Tebboune – Chanegriha sont ceux-là mêmes qui vantaient et claironnaient sur le « messie » Bouteflika et ses soupirants.

Ils ont l’art de la girouette et surtout d’observer la direction du vent, et Tebboune sait mieux que quiconque que ceux qui lui lèchent les bottes aujourd’hui seront demain les premiers à lui planter le couteau. Il trouvera plus d’indulgence chez ses adversaires qu’auprès de ses inféodés.
Béria, le sinistre bourreau et l’exécutant docile des assassinats d’opposants sous les ordres de Staline, sera assassiné à son tour dès la mort de son maitre, par ses propres compagnons, autres serviteurs zélés. Il faut se rappeler du procès de la bande des quatre en Chine en 1980, orchestré par les anciens idéologues du régime parmi les plus fidèles compagnons.  

Mais le plus tragique est que des « intellectuels » sont montés au créneau, comme d’habitude dirais-je, avec la même gêne. Car on sent le malaise de cette « élite » crépusculaire qui condamne timidement l’arrestation de Boualem Sansal, suivi du mais … C’est ce mais…., ravageur qui pose problème.

Comment peut-on monnayer la liberté de penser, d’écrire, Pourquoi devrait-on brider la liberté d’expression, ? A l’instar d’autres écrivains, Boualem Sansal, comme Kamel Daoud, et tant d’autres sont des écrivains, des penseurs, a le droit d’explorer le présent, le passé et de s’interroger sur l’avenir. Il est dans son rôle. Libre à ceux qui ne partagent pas ses points de pouvoir en débattre avec lui sans procès, sans haine et sans les bûchers.
Boualem Sansal aurait, dit-on, franchi la « ligne rouge » en évoquant le tracé des frontières entre l’Algérie et le Maroc. S’il n’est pas souhaitable que les pouvoirs publics remettent en cause les frontières héritées des indépendances, car cela conduirait à des revendications territoriales et le prélude à des résurgences de conflits, d’hégémonie, rien n’interdit dans le débat public à des historiens, écrivains, penseurs ou citoyens de s’intéresser à ces pans de l’histoire sans soulever la colère divine.

Je ne pense pas soulever une quelconque réprobation, ni irriter les dirigeants de ces pays, encore moins risquer une arrestation si j’évoque que la ville de Lille et une partie de la région Nord étaient Belges (royaume des Pays Bas) et ont été conquises lors des guerres menées par Louis XIV et rattachées au royaume de France en 1667.

Pas plus que si j’affirme que la Corse dépendait du royaume de Gènes avant d’être cédée à la France en 1735. La Louisiane vendue aux USA en 1803 par Napoléon, l’Alaska vendu par les Russes aux Américains en 1867. Et on peut multiplier les exemples d’Etats, de conquêtes de territoires, rendus, repris, perdus, de frontières qui se redessinent, s’agrandissent, se rétrécissent au gré des rapports de force et des alliances.
Ce sont des faits d’histoire que nous avons le droit d’étudier, d’analyser, d’interroger et, si les historiens sont les mieux placés, la discipline ne leur appartient pas, rien n’interdit aux étudiants, universitaires, citoyens de s’y intéresser. C’est toute la différence entre les systèmes totalitaires et les démocraties.

Boualem Sansal : le Spinoza de notre époque
Oui le journaliste, l’artiste, l’écrivain, le penseur ont le droit et même le devoir d’explorer les labyrinthes d’une société, d’un pays, d’un système politique de le penser, l’analyser, le critiquer, de douter ou l’approuver, c’est leurs rôles, et c’est même leur vocation.

Rappelons-nous tous les intellectuels français qui se sont élevés contre les politiques coloniales, la pratique de la torture, le système de l’indigénat de leur propre pays, ou des américains qui ont dénoncé la guerre du Vietnam. Des Israéliens qui manifestent contre le gouvernement de Netanyahou et le choix de la guerre et non de la paix. Ils écrivent, publient des tribunes pour un règlement politique avec les Palestiniens qui ont droit à un pays, à un Etat. Ces penseurs, journalistes, écrivains, artistes, avocats pouvaient passer pour des traîtres alors qu’en réalité ils sont l’honneur et la conscience de leurs pays.
Et c’est précisément ce monde de « l’abistan » que   décrit Boualem Sansal dans « 2084, la fin du monde- Paris : Éditions Gallimard-2015. C’est le face à face entre l’individu, le citoyen face au totalitarisme. Boualem Sansal décrit un monde hideux d’uniformité, linguistique, politique et religieux, anéantissant toute forme de diversité et de dissensions. Un ordre implacable, ou les habitants cessent d’être des citoyens pour devenir des choses, une propriété du pouvoir en place.

Boualem Sansal pose en réalité le rapport entre le pouvoir politique et le citoyen et interroge sur le libre arbitre dans un univers où le totalitarisme écrase le citoyen le soumet et l’humilie. Ati son personnage est dans la quête de vérité qui est en réalité un acte de résistance face au totalitarisme aux dogmes et à la surenchère idéologique. Par cette fiction, Boualem Sansal était tragiquement prémonitoire.
Mais le gouvernement algérien peut compter sur le soutien même gênant de Nadjib Sidi Moussa ou de Benjamin Stora pour qui « …..les déclarations de Boualem Sansal sur le tracé des frontières algéro-marocaines auraient pu blesser les Algériens.. ». Faudrait-il en conclure que certaines questions sont considérées tabous et que Benjamin Stora dans sa sagesse nous invite à pratiquer l’auto-censure. M. Stora oublie-t-il que Spinoza fut accusé de blasphème excommunié et condamné par l’Eglise pour avoir douté des Saintes écritures, et que Galilée et Copernic ont sans doute « blessé » la sainte église en affirmant que la terre est ronde et que probablement elle tourne autour du soleil.


Ce Monsieur suggère-t-il de soumettre son point de vue aux autorités algériennes avant de l’exprimer pour avoir leur onction. Sauf à entériner que nous sommes tous les sujets du régime algérien et que nous lui appartenons. Il a donc droit de vie et de mort sur nous.
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Tout écrit, toute idée doit être conforme aux choix du roi, sinon la machine répressive va s’emballer et le copié-collé va fonctionner pour fabriquer un chef d’accusation qui va « de tentative de déstabilisation de l’Etat, aux atteintes à la nation, ou à la personne du chef de l’Etat, voire au moral de l’armée ».
Terrible de constater que le pays qui a chèrement payé son indépendance et qui devrait être une grande puissance d’Afrique du Nord, fier de ses 3000 ans d’histoire, un territoire continent, avec ses ressources, sa jeunesse, se retrouve à avoir peur d’un jeune poète (exemples de Mohamed Tadjadit), d’un journaliste, d’un romancier, et aujourd’hui de Boualem Sansal âgé de 75 ans.

Quant à M. Benjamin Stora a-t-il déjà oublié qu’il y a près de deux ans, il a fait l’objet lui aussi d’une campagne haineuse de certains cercles du pouvoir algérien. Il était content à l’époque d’avoir pu bénéficier de la solidarité de nombreux écrivains journalistes, intellectuels, citoyens, outrés par une cabale contre un historien. Apparemment, il n’a pas retenu la leçon et ne semble pas avoir compris la nature du régime algérien qu’il ménage pour des raisons mystérieuses.  
MM Nadjib Sidi Moussa et Benjamin Stora qui sont de surcroît historiens seraient mieux inspirés de méditer sur les exemples de ceux qui ont préféré fermer les yeux avant qu’ils ne soient eux-mêmes eux broyés par la machine infernale qui, au final n’épargnera personne ni les opposants, ni les clercs, ni les serviteurs, ni ceux qui se réfugient dans une « neutralité » déshonorante par conformisme ou par lâcheté peut-être un peu des deux (1).

Sortir du syndrome de l’assiégé
Pour faire avancer sa société on doit, en citoyens libres, parfois penser contre les siens, contre soi et, Kamal Daoud, comme Boualem Sansal, et bien d’autres, ont le courage de sortir des sentiers battus, de briser les tabous et les interdits, de dénoncer les dérives des régimes politiques mais aussi celles de nos sociétés et de poser le stylo là où ça fait mal.

Hélas, ses vieux réflexes ne datent pas d’aujourd’hui, c’est dans la culture et les mœurs du pouvoir-FLN depuis le mouvement national, mais qui a déteinté sur une partie de l’élite. Il faut se rappeler que Mouloud Mammeri a été jeté en pâture en 1952 à la sortie de son roman «La colline oubliée » par les partisans de la doxa arabo-islamiste, qui ont mobilisé des supplétifs pour l’invectiver, l’accusant tour à tour de ne pas être suffisamment nationaliste, , de s’éloigner de la pensée pré établie, de ne pas parler de l’Algérie mais que de son village. Des années plus tard Mohand Chérif Sahli, l’un des plus virulents de ses détracteurs, avouera qu’il n’a même pas lu l’ouvrage qu’il voulait incendier.  

En effet, dès qu’on sort de la doxa et du discours de la bienpensante et du politiquement correct, on est tout de suite catalogué de réactionnaire, d’affreux fasciste, de révisionnisme, de « collabo » et livré aux gémonies. « Quand la bêtise gouverne, l’intelligence devient un délit » disait H. de Montherlant.
Faute d’imagination et de pouvoir innover, le réflexe Pavlovien refait surface. Ainsi les écrivains algériens, penseurs, essayistes, « qui ne pensent pas bien », des éditeurs qui osent publier des écrits qui « fâchent », sont tous catalogués de « révisionnistes, « d’ennemis de la nation, de « harkis », de « proches de l’extrême droite », complotant contre l’Algérie, et vont être livrés à la vindicte populaire.

Sans doute que s’ils avaient le pouvoir ils auraient improvisé des tribunaux populaires et dresser des buchers pour punir les « traîtres ». Mais le plus tragique c’est que la majorité de ceux qui les calomnient, les invectives, les insultes, n’ont pas lu un seul de leurs livres et ne sont pas capables de débattre préférant l’invective et l’insulte.
La place de Boualem sansal n’est pas en prison pas plus que celle de ces dizaines de détenus d’opinion. Ce n’est pas l’honneur d’un pays qui a payé cher sa liberté et son indépendance, dont on célèbre le soixante-deuxième anniversaire.
S’il reste encore un peu de bon sens, de lucidité chez les décideurs du pouvoir d’Alger, ils devraient sortir de cette logique de l’enfermement, de la répression d’un pays cadenassé, où des milliers de citoyens sont frappés d’ISTN, et ceux qui veulent rentrer sont menacés d’être interpelés à leur arrivée.  
L’Algérie a autre chose à faire, d’autres défis à relever dans un contexte géopolitique menaçant. Elle doit avoir pour ambition de jeter les bases d’un pays, d’une société réconciliée avec son histoire, son identité millénaire celle des Imazighen ces hommes libres, fière de sa diversité et de bâtir une nation avec les algériens et non pas contre eux.  
Le climat de haine, l’arbitraire, l’enfermement, le harcèlement des journalistes, des penseurs, d’éditeurs, de syndicalistes ne sont pas des prouesses ou des hauts faits d’armes dont on peut se glorifier, et s’enorgueillir mais une lamentable défaite qui n’honore ni l’Algérie, ni ses dirigeants.

Koceila Ait- Muhand

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