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1. La carte des résultats
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76 candidats ont été élus au premier tour. La carte ci-dessus présente les résultats à l’issue du premier tour des législatives de 2024. Les neuf couleurs franches représentent les candidats élus en fonction de leur parti dès le premier tour. Les six couleurs pastel, les candidats arrivés en tête, mais non élus en fonction de leur coalition. C’est le RN et la France insoumise qui ont le plus de candidats élus au premier tour.
L'analyse de Pierre-Henri Bono en intégralité.
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2. Les nouveaux équilibres partisans
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En 2017, la domination macroniste renvoyait la gauche et la droite classique au plus bas. Sa chute en 2024 ne suffit pas à rétablir l’ordre ancien. La gauche – toutes tendances confondues – ne totalise que 31 % des suffrages exprimés. Elle est loin de retrouver ses niveaux de l’avant macronisme. Quant à la droite classique, rien n’arrête sa chute. Tout se passe comme si le RN, disposant déjà du suffrage des catégories populaires, avalait en sus une large partie des soutiens habituels de la droite classique. Et pourtant, lorsque l’on considère la grande droite (droite classique + extrême droite), leur total reste minoritaire dans le pays.
Dans les nouveaux équilibres partisans, le RN domine le premier tour de scrutin. Il lui reste à démontrer qu’il peut transformer cette avance en voix en une majorité absolue des sièges. Ce sera l’enjeu du deuxième tour le dimanche 7 juillet.
L'analyse de Jérôme Jaffré en intégralité.
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3. Le Rassemblement national : un parti dominant, national et... populaire
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Les candidats du Rassemblement national et des partisans d’Éric Ciotti ont rassemblé au premier tour des élections législatives plus de 10 millions et demi de voix (33,5 % des suffrages exprimés). Jamais cette formation n’avait atteint un tel niveau. Elle connaît, en deux ans, une progression vertigineuse de plus de six millions de voix (soit +14,8 % des suffrages exprimés).
D'un parti qui compte mais loin de pouvoir s’imposer comme premier rôle, le parti de Jordan Bardella est devenu un véritable parti dominant et national. Dans la vague 6 de l’Enquête Électorale Française, dans la perspective des élections législatives, il faisait la course en tête chez les hommes et chez les femmes, dans toutes les tranches d’âge (sauf les moins de 35 ans qui préfèrent les candidats du Nouveau Front Populaire) et dans toutes les catégories sociales (sauf les cols blancs qui mettent en tête la gauche). Après le premier tour des élections législatives, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen est non seulement dominant et national, il est populaire.
L'analyse de Pascal Perrineau en intégralité.
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4. Le vote RN : un vote de reconnaissance sociale ?
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La plupart des gens développent un sentiment d’appartenance à des groupes sociaux. Lorsque les gens ont l'impression que leur groupe social est en train de perdre de sa position au profit d'autres groupes, ils ont tendance à éprouver un fort ressentiment et le désir d'y remédier. Ce sentiment de perte, appelé “frustration relative”, peut être lié aux conditions matérielles, mais pas uniquement. Il peut aussi résulter de la perception d'une perte de reconnaissance sociale.
Pour explorer cette grille de lecture, deux questions spécifiques ont été posées dans l'Enquête Électorale Française 2024. Toutes choses égales par ailleurs, on enregistre une association étroite entre la frustration de nature économique et le vote RN, et dans une moindre mesure NFP. En revanche, la frustration liée au manque de reconnaissance sociale n’affecte pas les électeurs du NFP, et a fortiori ceux d’Ensemble, tandis qu’elle s’impose comme un facteur explicatif décisif de la probabilité de vote pour le RN. Ce dernier a su être l’exutoire de ces électeurs qui pensent qu’ils “ne reçoivent pas le respect qu’ils méritent”.
L'analyse de Kevin Arceneaux en intégralité.
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5. La délicate équation pour une majorité absolue du Rassemblement national
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Malgré sa performance électorale historique, le RN ne dispose pas de garanties pour obtenir une majorité absolue dimanche 7 juillet au soir. Et ce pour trois raisons. En premier lieu, obtenir une majorité absolue signifie pour le RN et ses alliés de l’emporter dans 251 circonscriptions au second tour alors que le retrait des candidats Ensemble ou NFP arrivés en troisième position dans ces circonscriptions rend le pari difficile. En deuxième lieu, les réserves de voix pour le second tour restent très minces en raison d’une offre électorale rétrécie en 2024. Le RN doit donc viser les réserves de voix potentielles parmi les abstentionnistes du premier tour, ce qui est là encore une gageure. Enfin, dans l’hypothèse d’un nombre plus important de duels RN face à la coalition de gauche ou Ensemble (en raison des désistements républicains), nous savons, grâce à la vague 6 de l'Enquête Électorale Française, que les reports de voix se distribuent de manière hétérogène.
La clé de cette équation repose donc sur l’écart de voix entre les candidats RN et leurs adversaires arrivés en deuxième position mais aussi, et surtout, sur la stratégie des candidats Ensemble, NFP et LR qui, arrivés en première ou deuxième position, restent menacés par le candidat RN arrivé en troisième position.
L'analyse de Martial Foucault en intégralité.
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6. La stratégie risquée de la gauche face au RN
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L'alliance électorale adoptée par la gauche s’est tout de suite inscrite dans une perspective de radicalisation, prise en main par La France insoumise et son leader, Jean-Luc Mélenchon. Elle n’a pas tiré les leçons des élections européennes où l’on a vu la liste Parti Socialiste - Place Publique de Raphaël Glucksmann obtenir des résultats bien meilleurs que la liste LFI. En enfermant le second tour dans une opposition frontale entre le NFP et le RN, la radicalité va sans doute conduire bon nombre d’électeurs à s’abstenir en cas de duel entre un candidat RN et un candidat NFP venant de LFI. En cas de duel NFP-RN, l’Enquête Électorale Française nous apprend que 36 % des électeurs Renaissance aux européennes préfèreraient voter au second tour pour le candidat RN.
La stratégie de radicalisation de la gauche et de revendication exclusive du pouvoir par LFI la rend donc très vulnérable pour le second tour, mais également lorsqu’il s’agira de s’allier à Renaissance à l’Assemblée nationalepour faire face à un grand bloc de droite souverainiste et nationaliste qui, lui, va jouer la carte de la modération et du recentrage, comme le fait le RN depuis 2022.
L'analyse de Luc Rouban en intégralité.
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7. L’échec d’Emmanuel Macron
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C’est un échec clair et sans discussion que l’exécutif a subi lors du premier tour des législatives. Malgré un score honorable de 20 %, la majorité présidentielle est passée de la première à la troisième marche du podium de la tripartition politique. En quelques jours, le temps semble bien court pour redresser la situation et éviter la quatrième cohabitation de la Ve République ou le scenario d’une chambre ingouvernable, le contraire de la clarification recherchée par Emmanuel Macron.
On peut d’ores et déjà mettre en exergue deux facteurs politiques de cet échec : l’impossibilité, pour l’exécutif, de convaincre des bonnes raisons d’avoir fait la dissolution, d’une part, et d’autre part, l’image détériorée du chef de l’État dans l’opinion, en particulier depuis l’annonce de la dissolution. Les données de la vague 6 de l’Enquête Électorale Française montrent clairement que la perplexité et l’incompréhension dominaient les sentiments ressentis à propos de la dissolution, vécue en revanche comme un espoir par les électorats de LFI et surtout du RN.
L'analyse de Bruno Cautrès en intégralité.
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8. Chez les jeunes, le choix de la radicalité mais à gauche plus qu’à droite
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Les votes des tranches les plus jeunes du corps électoral se sont répartis entre les trois blocs, mais en privilégiant clairement les candidats du NFP. Les 18-24 ans lui ont accordé 48 % de leurs suffrages et les 25-34 ans 38 %. Le Rassemblement national a capté un nombre de voix équivalent à celui qui est enregistré dans la moyenne du corps électoral. Enfin, Ensemble, recueille nettement moins de voix qu'à l'échelle nationale (respectivement 9 % et 14 % de leurs voix).
Les enseignements de la vague 6 de l'Enquête Électorale Française, permettent de mettre en évidence trois singularités de ce tropisme de gauche juvénile. Tout d’abord l’existence d’un différentiel assez marqué entre les jeunes femmes et les jeunes hommes (pour les moins de 35 ans, 50 % des jeunes femmes contre 37 % des jeunes hommes ont voté NFP). La deuxième singularité est que ce tropisme concerne principalement la jeunesse étudiante (52 % des étudiants votent NFP). Enfin, troisième singularité, ce tropisme de gauche s’accompagne dans la jeunesse de moins de rejet envers LFI que dans le reste de l’électorat.
L'analyse de Anne Muxel en intégralité.
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