21 Décembre 2023
💥« Non, nous ne sommes pas fières, monsieur le président », la lettre de ELLE à E.Macron
Par Alice Augustin
Il y a les vrais coups, ces coups qui font mal, qui laissent des bleus. Et il y a les coups symboliques, qui abîment tout autant. Celui qu’ Emmanuel Macron a asséné à la cause des femmes sur le plateau de C à vous, le jeudi 20 décembre, restera dans les mémoires comme un tournant de sa présidence. Après avoir fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause prioritaire de ses deux quinquennats, le chef de l’Etat vient de trahir, sans ciller, les millions d’électrices tous bords confondus qui ont voté pour lui, contraintes ou convaincues. « Je suis un grand admirateur de Depardieu », « Il rend fière la France » … Voilà ce que nous avons toutes entendu hier. Voilà les paroles qui nous ont laissé estomaquées, abasourdies, nauséeuses, dans le sillage des insanités proférées par Depardieu en Corée du Nord.
🔸️« Taisez-vous, je ne vous crois pas »
Autre uppercut : les mots « dénonciations » et « on-dits » utilisés par Emmanuel Macron pour qualifier les deux plaintes pour « viols » et « agressions sexuelles » déposées contre Depardieu et dont l’une a conduit à une mise en examen, les 13 témoignages de femmes parus dans une enquête Mediapart demandant deux ans de travail aux journalistes, les récits d’actrices qui ont fréquenté Depardieu de près comme Anouk Grinberg, Sophie Marceau ou Emmanuelle Debever. 🔸️« Je suis contre les chasses à l’homme », a-t-il eu besoin d’ajouter reprenant la ligne de défenses classique des agresseurs mis en cause. Que dire du choix de cette expression pour soutenir un acteur qui se vante, face caméra, d’être « un grand chasseur » de femmes ? Ce que nous avons véritablement entendu hier, le voici : 🔸️« Taisez-vous, je ne vous crois pas ». Un désaveu magistral de la parole des femmes et des victimes, devenues présumées menteuses. Venant du chef de l’état, cette régression est gravissime. Ces propos constituent une faute morale et politique.
Comment analyser cette séquence folle ? Est-ce une volonté autoritariste de recadrer Rima Abdul Malak, sa ministre de la Culture, une femme de surcroit, qui avait déclaré quelques jours plus tôt que Gérard Depardieu faisait « honte à la France » et évoqué le retrait de sa légion d’honneur ? Est-ce une nouvelle main tendue à la frange la plus conservatrice de son électorat ? L’hypothèse la plus probable est sans doute celle de la fin de l’hypocrisie. Emmanuel Macron, qui n’a plus le souci de se faire réélire, a dévoilé son vrai visage : celui d’un homme qui se range au côté des prédateurs ; celui d’un président qui nous a fait croire à son engagement auprès des femmes pour mieux les trahir.
Faire le choix de retirer une légion d’honneur, refuser de célébrer le talent d’un prédateur n’est pas une question de présomption d’innocence (qui ne vaut que dans le cadre d’une procédure judiciaire), mais d’exemplarité, de valeurs, de compassion. D’ailleurs, ce même président qui s’indigne aujourd’hui avait engagé les démarches pour déchoir Harvey Weinstein de sa légion d’honneur dès octobre 2017, avant même toute décision de justice. Deux poids deux mesures, l’art de dire tout à la fois et son contraire, comme une nouvelle violence faite aujourd’hui aux femmes par Emmanuel Macron. Non, monsieur le président, nous ne sommes pas fières. Ni de Gérard Depardieu. Ni de vos propos.