24 Juin 2021
Élections régionales en Île-de-France:
pour un gouvernement métropolitain
du Grand Paris
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Comme nous l'écrivions dans une tribune parue dans Le Monde1 à l'occasion des dernières élections municipales, la métropole parisienne est aujourd'hui confrontée à plusieurs urgences :
lutter vigoureusement contre les inégalités sociales et territoriales : si la région métropolitaine parisienne est la plus riche de France, elle en est aussi la plus inégalitaire et les disparités de tous ordres s'aggravent depuis trente ans ;
répondre à la crise, quantitative et qualitative, du logement, qui prive d'un logement décent et accessible toujours plus de ménages ;
compléter le Grand Paris Express par une offre de mobilités plurielles et décarbonées et enrayer la spéculation immobilière autour des futures gares ;
accélérer la transition de notre métropole-monde vers un modèle urbain soutenable centré sur l'humain, dans la perspective du changement climatique global.
Mises en lumière et exacerbées par la crise sanitaire, ces urgences renvoient en réalité à des enjeux structurels et de longue durée. Non traités, sinon impensés, par l'action publique, ceux-ci expliquent pourquoi la métropole est aujourd'hui plus subie que souhaitée par ses habitants, jusqu'à en devenir répulsive. Ce sentiment de ne pas avoir de prise sur les changements métropolitains se traduit notamment par l'accroissement du solde migratoire négatif de l’Île-de-France et surtout par une abstention électorale record dans certains territoires.
Des urgences non résolues, un blocage politique
Face à ces défis, le constat d’échec de l'organisation institutionnelle est patent. Les raisons ne tiennent pas tant à la nature des projets, toujours discutables et susceptibles d’alternatives, qu'à un blocage politique. Force est de constater que la Métropole du Grand Paris, créée en 2016, a montré son incapacité à élaborer une stratégie partagée relative aux enjeux sociaux, économiques, écologiques et territoriaux. Elle paraît inopérante pour gérer un espace métropolitain de quelque 12 millions d’habitants et de près de 6 millions d’actifs créant 700 milliards d’euros de PIB annuel (32% du PIB national).
À cet échec s'ajoutent l'exacerbation des égoïsmes municipaux et départementaux, l'opacité de gestion des grands syndicats techniques, l'absence de démocratie participative... On mesure ainsi l'impasse à laquelle a conduit l'architecture institutionnelle forgée au fil des décennies, caricature du «mille-feuille territorial» et du «pré carré» à la française (cinq niveaux de décision, dont les compétences se chevauchent, se superposent ou pire, se neutralisent). Or à chaque fois qu'il a été question de mettre en place un gouvernement métropolitain intégré, le processus s'est heurté à la résistance d'élus de toutes tendances qui ont défendu leurs prérogatives et refusé tout changement significatif.
Si le blocage est politique, la solution sera politique !
Comment avancer ?
Dans le Grand Paris, l’espace des principaux (dés)équilibres (logement, emploi, mobilité, éducation, commerce, culture, santé…) se déploie sur l’aire d’attraction des villes (AAV de l’Insee) correspondant pour l’essentiel au territoire de la région Île-de-France. S’il n’existe pas de périmètre idéal, c’est sans aucun doute à cette échelle que le gouvernement métropolitain doit être imaginé et organisé.
Ainsi, le gouvernement du Grand Paris pourrait s'appuyer sur la région actuelle, sous la forme d'une nouvelle entité. Par cet acte simple et cohérent, un élan serait donné pour dés-enchevêtrer les actions, rendre lisibles les pouvoirs, remettre les citoyens au centre de la stratégie démocratique, libérer l'intelligence collective afin de s'attaquer aux urgences de notre métropole-monde et rechercher collectivement des solutions aux crises actuelles et à venir.
Ce changement suppose toutefois de répondre à trois questions préalables:
Quel partage de compétences, de ressources et de légitimités entre le gouvernement métropolitain et les autres collectivités, notamment les communes, au service du bien commun et de l’intérêt général ?
Quel fonctionnement pour l'institution régionale-métropolitaine (mode d'élection, assemblées, coopérations à différentes échelles…) ?
Quelle relation de cette nouvelle entité avec l’État ?
Notre socle de propositions pour amorcer ce changement: un calendrier et une méthode
Un engagement du (de la) futur(e) Président (e) de la Région pour relancer le dialogue avec l’État au plus haut niveau.
Un engagement du Président de la République (actuel ou en 2022) pour la création d'un véritable gouvernement métropolitain en Île-de-France.
La convocation d’une convention métropolitaine citoyenne, pour imaginer la métropole dont nous avons besoin, et bâtir des propositions sur des questions clefs (stratégie globale et projets locaux, complémentarité d'échelles, périmètre métropolitain ouvert, etc.) : c’est une assemblée de la société civile qui contribuera à dépasser les blocages.
L'implication de toutes les parties prenantes (acteurs économiques, sociaux, associatifs) pour qui le Grand Paris est déjà une réalité.
Et à l'issue de cette dynamique, l'adoption de nouvelles dispositions législatives.
1https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/25/elections-regionales-en-ile-de-france-les-debats-de-fond-concernant-l-avenir-de-la-region-metropolitaine-parisienne-ne-sont-jamais-abordes_6077965_3232.html
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Signataires
Emmanuel Bellanger, historien directeur de recherche du CNRS Guy Burgel, géographe, professeur Université Paris Nanterre - Juliette Bompoint, directrice Mains d'Oeuvres - Marie Deketelaere-Hanna, Haut fonctionnaire - Aurélien Delpirou, géographe - Cynthia Ghorra-Gobin, géographe- urbaniste - Jacques Lévy, Géographe, professeur École Polytechnique fédérale de Lausanne - David Mangin, architecte-urbaniste, Grand prix de l'urbanisme, Atelier International du Grand Paris - Pierre Mansat, ancien adjoint au maire de Paris - Ariella Masboungi, Architecte urbaniste, grand prix de l’urbanisme 2016 - Caroline Poulin, architecte-urbaniste, Grand prix de l'urbanisme 2021 - Pierre Veltz, Chercheur, Grand prix de l'Urbanisme
Luc Gwiazdinski, professeur École d'Architecture Toulouse - Chantal Pacteau écologue CNRS - Christian Lefèvre, Professeur, École d'urbanisme de Paris - Brigitte Métra, Architecte - Urbaniste, Membre titulaire de l’Académie d’Architecture - Simon Ronai, géographe et urbaniste - Hélène Dang Vu, maître de conférences, École d'urbanisme de Paris - Sylvain Rotillon, Géographe, fonctionnaire au ministère de la transition écologique - Monique Eleb, sociologue, Atelier International du Grand Paris - Ivan Fouquet, architecte - Corinne Jaquand, MDC École d'Architecture Paris Belleville - François Leclercq, architecte urbaniste - Magda Maaoui, géographe-urbaniste - Philippe Panerai, architecte-urbaniste Grand Prix de l'urbanisme - Silvia Casi, architecte-urbaniste, Atelier International du Grand Paris - Jean-Louis Cohen, historien de l'architecture et de l'urbanisme, professeur au Collège de France - Corinne Larrue, Professeure, École d'urbanisme de Paris - Rachida Larinouna, Doctorante en économie, Laboratoire LADYSS CNRS - Jean-Pierre Orfeuil, Professeur émérite d'aménagement, Université Gustave Eiffel - - Bernard Landau, Architecte Voyer honoraire Paris - - Beatriz Ramo, architecte-urbaniste - Julien Neiertz, Socio-anthropologue , co-fondateur de Métropop'! - Nathan Starkman, urbaniste - Jacques Donzelot, sociologue - Sandrine Wenglenski, maître de conférences à l'Université Gustave Eiffel - Pierre Grenet, écrivain - Florine Ballif, maître de conférences à l'Université Paris Est Créteil - Marc Laimé, conseil politiques publiques eau - Sophie Didier, professeur, École d'Urbanisme de Paris - Marc Sauvez, architecte-ingénieur, haut fonctionnaire - Djamel Klouche, architecte-urbaniste , Grand prix de l'urbanisme - Virginie Picon-Lefebvre enseignante École d'Architecture Paris Belleville - Mostafa Kheireddine, professeur Montréal - Michel Cantal-Dupart, architecte-urbaniste - Pierre Narring, ingénieur-urbaniste, élu local - Antoine Picon Enseignant Harvard, ENPC - Baptiste François, architecte - Eric Beaudu, architecte - Jean-Michel Daquin, architecte - Jean-Louis Subileau, urbaniste, Grand prix de l'urbanisme - Serge Renaudie, architecte - Paul Chemetov, architecte, grand prix de l'architecture - Serge Bethelot, Professeur Directeur du département Génie Urbain, Université Paris-Est - Patrick Norynberg, auteur, formateur et consultant en politiques publiques - Jean Vuillermoz, ancien adjoint au maire de Paris - Jean-Pierre Merlot, urbaniste - Wilfried Serisier, chercheur, Institut Français de Géopolitique - Bruno Barroca, Professeur Université Gustave Eiffel, Ville Transports Territoires - Gwenaël Querrien Journaliste et critique d'architecture indépendante - Nicolas Buchoud Cercle Grand Paris de l’Investissement Durable - Aline Arrouze, ancienne conseillère de Paris - Cyrille Hanappe, architecte - Yannick Beltrando, architecte-urbaniste - Claude Birenbaum, Président de La Plateforme des associations parisiennes d’habitants - Philippe Vignaud, architecte -