Organisé à la demande du groupe Les Républicains du Sénat, un débat en séance publique sur l’avenir de la métropole du Grand Paris s’est tenu mardi 9 février 2021. Si Jacqueline Gourault a réaffirmé certains principes, la ministre de la Cohésion des territoires n’a pas révélé les intentions du gouvernement sur une réforme qui pourrait bien ne pas avoir lieu avant la prochaine élection présidentielle.
Alors que la date de l’examen par le Parlement du projet de loi 4D (décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification) est inconnue, et qu’à plusieurs reprises au cours des derniers mois, Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, a indiqué que ce texte ne contiendrait pas de réforme d’ampleur du Grand Paris, les sénateurs républicains voulaient en savoir un peu plus sur les intentions du gouvernement. Et lui rappeler l’impatience des élus face à l’inertie du dossier de la réforme du Grand Paris laissé intact par le gouvernement après avoir annoncé, à l’été 2017, une réforme profonde.
Mais à la fin des deux heures du débat organisé mardi 9 février 2021 sur l’avenir de la métropole du Grand Paris, Christine Lavarde n’a pas obtenu de réponses, pas plus que ses collègues avant elle, sur l’agenda de cette réforme tel que le conçoit le gouvernement. La sénatrice des Hauts-de-Seine a notamment demandé quel sort le gouvernement comptait réserver à la proposition de loi des parlementaires LREM Guillaume Gouffier-Cha et Pacôme Rupin, respectivement députés du Val-de-Marne et de Paris. Un texte déposé récemment à l’Assemblée nationale, qui vise à supprimer la métropole du Grand Paris et la remplacer par un pôle métropolitain, dénué de fiscalité propre (1).
"Faire avancer le schmilblick"
Mais la jeune sénatrice n’a pas reçu de réponses précises. "Cette proposition, comme d’autres, est là pour faire avancer le schmilblick", a indiqué Jacqueline Gourault. Cependant, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a laissé clairement entendre que le gouvernement n’entendait pas renoncer à l'une des vocations originelles de la Métropole qui est le rééquilibrage territorial. Répondant à une question de Vincent Capo-Canelas (UDI, Seine-Saint-Denis) sur les intentions du gouvernement quant au partage de la cotisation foncière des entreprises (CFE) entre les territoires et la Métropole, qui s’en disputent le produit chaque année en loi de finances, la ministre a indiqué que "l’on ne répondra pas aux enjeux de la région capitale en laissant chaque territoire replié dans son coin". "Il faut prendre le débat par le bon bout, en partant des objectifs avant de concevoir les bons tuyaux, a poursuivi Jacqueline Gourault. L’objectif est de construire un espace de solidarité, donc de partage entre collectivités, Paris et sa banlieue, l’Est et l’Ouest. A défaut d’internaliser la solidarité au sein d’une structure large, il faudra des transferts financiers plus directifs pour financer les grandes compétences structurantes", a-t-elle ajouté.
"Une MGP croupion"
En introduisant cette soirée de débat, lors de laquelle l’inadaptation de l’organisation administrative locale francilienne a été dépeinte une nouvelle fois, sur tous les bancs et sous toutes les facettes, Christine Lavarde a cité les propos du directeur de recherches au CNRS Romain Pasquier :"Nous avons une métropole qui est tout à fait sous-calibrée, une gouvernance éclatée, une MGP croupion, qui a quelques dizaines de millions d’euros de budget réel. Il faut réformer. Et c’est un tel imbroglio, qu’il faut réformer fort. Mais personne n’est prêt à assumer les coûts politiques qu’il faut assumer pour le faire."
"Aucun consensus n’émerge, à l’exception d’un seul : la situation actuelle ne satisfait personne", lui a répondu la ministre. "La situation ne permet pas à la métropole parisienne, comme réalité géographique et non comme institution, de répondre aux défis du temps", a ajouté Jacqueline Gourault, qui a évoqué trois scénarios possibles : la fusion de la métropole et de la région, celle des départements de petite couronne et de la métropole, ou la transformation des EPT en ECPI. A suivre, donc.
(1) Dans le même temps, ce texte transformerait les actuels établissements publics territoriaux (EPT) en établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), se voyant attribuer, subséquemment, le produit de la fiscalité économique dans son ensemble, incluant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE).
Verbatims
Jacqueline Gourault : "La situation actuelle est le produit d’une histoire à laquelle nombre d’entre nous ont participé, une histoire faite de compromis, d’occasions manquées, et, il est vrai, de renoncements. Loin de la juger en procureurs implacables, nous devons la comprendre pour éviter de faire les mêmes erreurs."
Christine Lavarde (LR, Hauts-de-Seine) : "Non soutenue par les maires, la nouvelle organisation issue des lois NOTRe et Maptam érige un échelon supplémentaire dans une organisation territoriale très compliquée. Chacun cherche à garder les compétences que la loi lui a retirées. Seule la ZAC de la Plaine Saulnier a été reconnue d’intérêt métropolitain à la création de la MGP et seulement deux ZAC lui sont été attribuées depuis. La MGP est un nain budgétaire, doté d’un budget de 3,4 Mds, dont 98% est reversé aux communes via les attributions de compensation."
Philippe Dallier (LR, Seine-Saint-Denis) : "On serait intéressé de connaître les propositions formulées en son temps par le préfet Cadot, qui n’ont jamais été rendues publiques. Chacun sait aujourd’hui qu’il est trop tard pour une réforme lourde, qui n’entrerait en vigueur que lors des prochaines municipales, mais l’on pourrait espérer un pas dans le bon sens, pour une métropole qui partage la richesse fiscale, ce qui n’est pas du tout le cas de la métropole actuelle."