Auchan et la SNCF s’apprêtent à transformer la gare du Nord en centre commercial qui nécessitera des travaux importants pour plusieurs années. Le protocole négocié et signé dans le secret entre la SNCF, le géant de la grande distribution et la Maire de Paris, n’a permis d’obtenir que des améliorations marginales, notamment une petite réduction des surfaces commerciales et la création d’un parc vélo mieux adapté. Cependant, la nature même du projet reste inacceptable et incompatible avec les exigences de l’accord de Paris sur le Climat et notre conception d’un service public de qualité
Contre l’écologie urbaine
Seuls 10% des coûts du projet concernent le rail et la gare. Les flux des voyageurs ne seront pas améliorés, certains temps de parcours entre train et métro ou bus parfois même allongés, car toute la gare a été conçue pour encourager le passage devant les commerces et non pour faciliter la vie des voyageurs. Les quais du métro, du Transilien et du RER resteront bondés. Les quelques micro-améliorations seront payées très cher, avec un chantier de plusieurs années générant beaucoup de déchets et de nuisances, sans compter la destruction de la gare du Nord Échanges (la «Halle Duthilleul»), bâtiment qui n’a que vingt ans. En termes d’insertion urbaine, le projet est hors-sol. Le nouveau bâtiment de cinq étages sera accolé à la gare historique, chef-d’œuvre de l’architecte Jacques Ignace Hittorff.
L’impact d’une gare est fort sur un quartier : précarité, insécurité, bruit, problèmes de propreté, pollution et congestion vont souvent de pair avec le formidable accès aux transports et l’ouverture sur tout le nord de l’Europe. Or ces sujets sont tout simplement ignorés. Enfin, l’arrivée des nombreux nouveaux commerces va poser deux grands problèmes : les livraisons par camion (le projet ne prévoit pas d’utiliser le fret ferroviaire) et l’affaiblissement des commerces du quartier et des villes de banlieues desservies, qui n’avaient vraiment pas besoin de cette concurrence.
Pourtant, une autre rénovation de la gare du Nord est possible : une rénovation qui s’inscrit réellement dans le temps long ; une rénovation qui met l’intermodalité (pouvoir passer d’un mode de transport à un autre) et l’amélioration de l’accueil des voyageurs et des Francilien.ne.s au cœur du projet. Une rénovation qui concentre les améliorations sur le rail et sur la fonction «gare». Bref, une rénovation qui respecte l’accord de Paris et la ville de Paris.
Contre l’intérêt général
Il ne s’agit pas tant d’un projet de rénovation d’une gare, que de la construction d’un centre commercial. On subordonne donc le financement d’un service public à des intérêts privés. La concession exclusive d’exploitation de cet espace est donnée à une filiale d’Auchan, pour une durée de 46 ans. Ce qui revient ni plus ni moins à une privatisation de la gare qui ne dit pas son nom.
Ce pari pour 46 ans est même tout à fait anachronique et hasardeux, puisqu’on peut douter de la réussite économique et de la pertinence d’un centre commercial monumental, à proximité du centre de Paris déjà largement pourvu. Et en cas d’échec, de faillite du projet, qui peut aujourd’hui affirmer que tous les risques ne seront pas, une fois encore, à la charge de la SNCF et du secteur public ? On peut craindre que la SNCF ne se retrouve dans 20 ans avec un paquebot immobilier désert à la gare du Nord et une dette publique encore alourdie.
Au contraire, un projet plus modeste et résolument orienté sur les activités ferroviaires peut être entièrement financé par la puissance publique et par la SNCF, en préservant son patrimoine et privilégiant l’intérêt général.
Contre la démocratie
Enfin ce projet est problématique d’un point de vue démocratique. L’Etat et la SNCF ont totalement négligé les critiques entendues pendant l’enquête publique et la concertation. Les négociations se sont tenues dans le secret de la SNCF et du cabinet de la Maire de Paris. Un tel projet impacte tout autant les usagers du Thalys, du TGV, du TER, du RER et du Transilien que les Parisiens des 10e et 18e arrondissements. La gare du Nord concerne aussi les habitants de Sevran, de Sarcelles, de Bruxelles ou de Compiègne. Comment peut-on engager des travaux de cette ampleur, impactant durablement la vie des Franciliens, alors qu’un débat sur l’avenir de l’Ile-de-France commence dans le cadre de la campagne électorale des régionales ? Comment l’Etat a-t-il pu sceller le sort de la plus grande gare d’Europe et de notre région, sans jamais consulter l’Assemblée nationale ? Pourquoi la région Ile-de-France n’est-elle pas intervenue pour imposer l’amélioration et le confort des voyageurs du quotidien ? Pourquoi l’accord négocié entre la maire de Paris, SNCF et Ceetrus n’a-t-il pas été discuté préalablement au Conseil de Paris, alors qu’il prévoit que la ville renonce à tout recours contre le projet, et n’apportera aucun soutien aux associations qui s’y opposent ? Voici donc les citoyens privés de toute critique, alors que les oppositions citoyennes et politiques, notamment chez les écologistes et à gauche, se multiplient.
Un autre type de consultation aurait été mieux à même de répondre aux enjeux d’un tel projet. Une conférence du consensus impliquant associations et citoyens engagés, dans le dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés aurait été le garant d’un projet au plus près de l’intérêt général.
Nous, citoyen.ne.s d’Ile de France et d’Europe, voyageurs du quotidien, demandons l’arrêt du projet pharaonique StatioNord et défendons les améliorations urgentes et nécessaires de la gare du Nord, pour un accueil digne des usagers et une meilleure insertion urbaine. Nous voulons une gare au service de l’intérêt général. Une gare pour tous.
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