11 Mars 2020
A l'initative des anciens de cette agence, une « Lettre ouverte aux candidats aux municipales pour la défense des aménagements parisiens de Bernard Huet » Elle concerne la dégradation alarmante des espaces publics conçus et réalisés par l’architecte à Paris : la place de la Bataille de Stalingrad (1989), l’avenue des Champs-Elysées (1994), le parc de Bercy et la place des Fêtes (1996).
Cette lettre est signée par plus d’une centaine de personnalités, très choquées, voire indignées par les
altérations que connaissent ces quatre aménagements remarquables de la capitale.
Choquées également par les invitations récurrentes à « écrire une nouvelle page » pour certains d’entre eux. Il en est ainsi de la Place de la Bataille de Stalingrad dont les deux bastions plantés et engazonnés qui s’ouvrent sur la Rotonde de Ledoux, geste majeur qui renforce l’évidence urbaine de la place, seraient menacés de destruction !
Les nuisances invasives d’une activité commerçante incontrôlée, due au laxisme des équipes municipales qui
μse sont succédées et les « nouveaux usages et modes de déplacement » sont ainsi prétextes à l’expression
d’une frénésie de renouvellement et de choix radicaux tendant à la destruction de l’existant.
Malgré les dégradations et les altérations qu’elle subit, une bonne partie des riverains présents à la réunion
publique du 14 mai 2019 sur l’avenir de la place de la Bataille de Stalingrad ont néanmoins témoigné de leur
attachement à cet et confirmé, par leur présence, la diversité des usages et des pratiques
sociales qu’il accueille.
Concernant l’avenue des Champs-Elysées, nous avons tout récemment été interpellés par le battage
publicitaire et médiatique exceptionnel révélant les intentions du Comité des Champs-Elysées pour le
réaménagement de l’avenue, depuis la place de la Concorde jusqu’à celle de l’Etoile. On s’étonnera ici qu’en
matière d’aménagement d’espaces publics, l’initiative privée se substitue à l’initiative municipale.
S’il faut se féliciter des intentions premières que sont la réduction de la circulation automobile et l’augmentation substantielle des espaces piétonniers projetés, on ne peut que s’interroger sur le remplacement envisagé de l’élégant dallage de Bernard Huet par une très virtuelle uniformisation des sols, indifférente aux contraintes et aux situations spécifiques dans l’espace.
On comprend qu’un tapis uniforme de la place de l’Etoile à la rue de Rivoli satisferait le Comité des Champs-
Elysées situé dans cette partie haute de l’avenue qui semble souffrir d’un complexe d’éloignement pourtant
déterminé par l’histoire de cet axe symbolique.
« Rappelons, pour mémoire, qu’à la fin du XVIIIème siècle, l'avenue des Champs-Elysées coïncidait avec la
limite de l'enceinte des Fermiers généraux, avec le site de l'Arc de Triomphe et les deux pavillons d'octroi de
Ledoux. La promenade était déjà construite en partie, bordée par deux lignes d'arbres. A partir de 1838, la
totalité de cette figure a été redessinée et reconstruite par Hittorf, l'architecte d’origine allemande. Hittorf a
réalisé d'admirables travaux à Paris, aussi bien comme architecte que comme "désigner urbain" - ce que l'on
sait moins. Il a, avant les interventions du préfet Haussmann, commencé par redessiner la Place de la Concorde telle que vous la voyez maintenant, avec tout son mobilier urbain, les nouvelles fontaines et l'emplacement de l'obélisque de Louxor à la place de la statue du Roi. C'est également à Hittorf que nous devons le dessin intégral de la Place de l'Etoile et des douze pavillons qui l'entourent. Enfin, au fil de ce travail qui s'est étiré sur une vingtaine d'années, il a également redessiné la totalité du pavage et du mobilier des Champs-Elysées, y compris les théâtres, les panoramas et les cafés qui, à cette époque-là, se trouvaient dans les jardins bordant l'avenue ».
Bernard Huet (colloque urbain de Francfort en 1999)
« La zone entre les deux files de platanes, dégagée de tout mobilier urbain (excepté ceux liés aux accès métro et des parcs de stationnement), permet de retrouver le principe de la promenade arborée qui est à l'origine même de la création des Champs-Elysées et qui a perduré jusqu'à la fin des années 30. Dans ce cas, il s'agit plutôt d'évoquer la promenade que de la restituer dans sa dimension originale sur 1800 mètres de long ». Bernard Huet (notice pour l’aménagement pour l’avenue des Champs-Elysées.
« Enfin, l'hommage nécessaire à Hittorf et l’impératif presque "catégorique" de se situer dans la continuité :
nous avons donc repris un certain nombre d'éléments de l’aménagement de Hittorf en retrouvant leur état
originel ». Bernard Huet (colloque urbain de Francfort en 1999) Conserver, entretenir, restaurer les aménagements de qualité devraient être les principes d’une bonne gestion municipale. Et pour tout projet de recomposition plus vaste, celle-ci devrait s’inscrire dans une démarche responsable et respectueuse, plus économe, plus environnementale et plus durable des oeuvres existantes -et, plus singulièrement, celles de Bernard Huet
Nous attendons de connaître votre vision des choses et vos intentions programmatiques sur ce sujet. Nous ne manquerons pas de les adresser aux 111 signataires de cette lettre ouverte.
Serge SANTELLI
Jean-Baptiste SUET (ep.bh.paris@gmail.com