20 Juin 2018
Scot : les propositions de Paris pour bâtir un projet métropolitain
20 juin 2018
La Capitale estime qu’au moment où des arbitrages sur le Grand Paris sont de nouveau annoncés pour l’automne, il est plus que jamais nécessaire de doter la métropole d’un projet fort. Dans cet esprit, Paris adoptera lors de son prochain conseil, début juillet 2018, une délibération présentant une plateforme de propositions qu’elle souhaite voir intégrées au sein du schéma de cohérence territoriale (Scot) en cours d’élaboration par la métropole.
Pour nombre d’élus, il s’agit d’une heure de vérité pour la métropole, et de mise à l’épreuve de la solidité de sa gouvernance partagée. Une gouvernance largement consensuelle jusqu’à présent, mais sans prises de décisions majeures. « En réalité, deux conceptions s’opposent, résume Yvan Itzkovitch, conseiller communautaire, président du groupe UDI au sein de la métropole et animateur du comité de pilotage du Scot : elles confrontent ceux qui considèrent que le Scot ne doit être que la compilation des projets et des ambitions de chaque territoire, et ceux qui estiment que le schéma de cohérence territoriale doit contenir une vision métropolitaine forte ». En filigrane, la concurrence entre les EPT et la MGP, dans l’attente des décisions présidentielles sur la réorganisation administrative francilienne, alourdit le climat.
Deux conceptions s’affrontent, souligne Ivan Itzkovitch, conseiller communautaire, président du groupe UDI au sein de la métropole, et animateur du comité de pilotage du Scot. © Jgp
A la fois projet d’ensemble, fixant les objectifs de la métropole et sa stratégie, via son plan d’aménagement et de développement durable (PADD), mais aussi document d’urbanisme, via son document d’orientation et d’objectifs (DOO), le schéma de cohérence territoriale (Scot), d’apparence un rien technocratique, constituera bel et bien la feuille de route de la métropole pour les années à venir. Patrick Ollier, président de la métropole, souhaite aller vite pour sa réalisation, avec un achèvement du document annoncé pour fin 2019.
Un bus sillonne actuellement la métropole, afin de recueillir à ce sujet la parole des habitants, dans le cadre d’une vaste concertation. Les 131 communes de la MGP, ses 12 territoires, les habitants et le conseil de développement de la métropole de même qu’une série de personnes publiques sont associées à cette concertation. Début juillet, un premier texte circulera, fixant les grandes lignes du PADD, afin que les différents groupes politiques en débattent et que ce document soit soumis au vote du conseil communautaire à l’automne, lors du débat d’orientation du PADD.
Dépasser les égoïsmes locaux
« A l’heure où des arbitrages vont intervenir sur l’organisation administrative francilienne, il nous semble plus que jamais utile d’affirmer une vision ambitieuse de la métropole, dépassant les égoïsmes locaux, montrant le sens des responsabilités des élus », indique-t-on dans l’entourage d’Anne Hidalgo.
Jean-Louis Missika, Anne Hidalgo et Patrick Ollier, lors de la présentation des sites d’Inventons la métropole 2. © Jgp
C’est pourquoi la ville de Paris a élaboré une plateforme de propositions qu’elle entend verser au débat. Les sujets de tension ne manquent pas, puisque le Scot, tout comme le plan climat air énergie métropolitain (PCAEM), comprendra des prescriptions opposables, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) devant, par exemple, se conformer aux règles du document d’orientation et d’objectifs (DOO) du Scot. Autrement dit, la question de la densification de l’habitat de certaines zones, dans certaines communes, celle du rééquilibrage est-ouest entre actifs résidentiels et tertiaires, vont être abordées lors de ce chantier.
Inégalités territoriales
En préambule de ses propositions, la Ville rappelle le paradoxe d’un Grand Paris au top des classements pour son attractivité, à la fois économique, culturelle et touristique, mais aussi « souvent cité parmi les agglomérations les moins attractives pour la qualité et le cadre de vie ». L’ampleur des inégalités régionales est également rappelée en introduction. En matière de logement, la ville note la pression sur le parc social, « très forte, avec dix demandes pour une attribution en 2016 et 490 000 ménages inscrits comme demandeurs de logement ».
La Capitale rappelle le paradoxe d’un Grand Paris au top des classements pour son attractivité, à la fois économique, culturelle et touristique, mais aussi « souvent cité parmi les agglomérations les moins attractives pour la qualité et le cadre de vie ». © Jgp
« Aux inégalités sociales s’ajoutent d’autres inégalités territoriales héritées en grande partie de l’histoire de l’aménagement de l’agglomération parisienne », est-il signalé. Paris propose ainsi d ‘orienter le développement de la métropole vers plus d’équilibre spatial dans la répartition des lieux de travail et des lieux de résidence.
Urgence climatique
Les défis environnementaux, liés à l’urgence climatique, sont également décrits. « L’agglomération parisienne continue d’être l’une des plus bruyantes au monde, nuisant à la qualité de vie des habitants », constate encore la Capitale, qui juge « indispensable de mieux faire face aux risques auxquels la métropole est confrontée, et de prendre en particulier à bras le corps la question du risque d’inondation ».
La délibération soumise à l’approbation du prochain conseil municipal de Paris évoque, par ailleurs, la réinvention du périphérique et des autoroutes urbaines, citant la consultation internationale récemment lancée par le Forum métropolitain du Grand Paris sur le devenir des grandes fractures urbaines. Plus globalement, une série de propositions visent à agir pour la qualité de l’air et la transformation des modes de déplacement, à organiser la transition énergétique et à intégrer la nature dans la ville.
Droit à la ville et transition écologique
Paris ordonne ses propositions autour de deux axes stratégiques majeurs : le droit à la ville et la transition écologique. « Tout habitant de la métropole doit, quel que soit son lieu de résidence, disposer d’une offre de soins satisfaisante, de services publics de proximité, d’équipements culturels et sportifs nécessaires à son épanouissement, d’une vie commerciale diversifiée et d’un cadre de vie agréable et sûr, estime la ville. L’accès aux soins est très variable, le nombre de médecins spécialistes par habitant pouvant par exemple, le long de la ligne B du RER, s’inscrire dans un rapport de 1 à 30 », est-il relevé.
« Dans de nombreux quartiers, les opérations de lutte contre l’habitat indigne et les opérations de rénovation pilotées par les collectivités avec l’Anru et l’Anah ont déjà fortement contribué à améliorer le cadre de vie et à reconstituer une trame urbaine dans des secteurs jusqu’alors enclavés. Mais il paraît aujourd’hui nécessaire d’élargir ce travail dans une démarche globale et de procéder à un investissement prioritaire dans les quartiers en difficulté, condition essentielle à la cohésion sociale et urbaine métropolitaine. Les pistes évoquées dans l’appel de Grigny et dans le rapport Borloo peuvent inspirer le travail de la métropole sur le sujet », indique Paris.
« Dans de nombreux quartiers, les opérations de lutte contre l’habitat indigne et les opérations de rénovation pilotées par les collectivités avec l’Anru et l’Anah ont déjà fortement contribué à améliorer le cadre de vie », souligne Paris. © Jgp
« L’effectivité de ce droit à la ville est désormais indissociable de l’intégration des objectifs de la transition écologique, poursuit la capitale. Considérée hier comme élément s’opposant à la nature, la ville devient un acteur des biodiversités au service de l’appropriation de l’espace urbain », souligne Paris, qui rappelle le devoir d’exemplarité de la métropole à la suite des Accords de Paris signés en marge de la COP21.
Incitations financières
Une mise en œuvre du Scot « collective et en réseau » est préconisée, associant l’ensemble des collectivités concernées mais aussi l’Etat, la Région, et les grands syndicats techniques d’Ile-de-France. Paris souhaite que le Scot soit à la fois « opposable et incitatif ». « Dans le respect du principe de subsidiarité et sur la base des nombreux projets de territoires intercommunaux élaborés ces dernières années, le projet métropolitain et sa traduction réglementaire devraient contenir des orientations suffisamment fines, précises et opérantes, notamment vis-à-vis des PLU », est-il indiqué. Des mécanismes d’incitations financières sont également suggérés, la métropole « ciblant ses investissements sur les actions qui concourent à la mise en œuvre du projet métropolitain ».
Le document rappelle que Paris a proposé à la métropole d’intégrer la société d’exploitation de la Tour Eiffel pour promouvoir le territoire de la Capitale et plus largement celui du Grand Paris. © Jgp
Paris estime également que la métropole et les territoires pourraient s’appuyer sur les outils et structures déjà existants. « La ville de Paris a déjà ainsi proposé à la métropole d’entrer dans la gouvernance de Paris&Co pour conduire de futures politiques de développement économique et de la Soreqa pour la résorption de l’habitat insalubre, indique le document. Elle a également proposé à la métropole de fonder une SPL d’aménagement s’appuyant sur Paris Batignolles aménagement et d’intégrer la société d’exploitation de la Tour Eiffel pour promouvoir le territoire de la Capitale et plus largement celui du Grand Paris ».
Lutte contre la ségrégation scolaire
La lutte contre la ségrégation scolaire figure parmi les orientations métropolitaines proposées par Paris. « L’une des clés de la désagrégation de certains quartiers réside donc dans l’attractivité des établissements qui y sont implantés. Celle-ci ne peut uniquement être travaillée par une politique de l’offre éducative qui resterait sans effet si elle n’était accompagnée d’une modification des secteurs scolaires », est-il indiqué.
Réduire les fractures urbaines
Paris préconise de s’attaquer aux nombreuses « fractures urbaines » qui caractérisent la métropole (voies rapides, faisceaux ferroviaires, formes urbaines enclavées, etc.) et souligne « l’urgence sociale liée à l’augmentation des personnes à la rue ». « Les capacités d’hébergement, aujourd’hui mal réparties au sein de la métropole, ne parviennent pas à y faire face, malgré les efforts important réalisés par la ville de Paris pour contribuer à l’offre francilienne d’hébergement, indique le projet de délibération. Cette situation est accentuée par la crise migratoire dont les effets se concentrent dans la capitale et les communes limitrophes. Des réponses ont déjà été apportées afin d’accueillir de manière digne les personnes qui arrivent dans notre pays pour y trouver refuge, mais elles restent insuffisantes. »
Le document formule aussi une série de propositions pour bâtir le Grand Paris de la culture. © Jgp
Sites industriels et commerciaux
La ville propose aussi de mieux contrôler la mutation des sites industriels et artisanaux. Un zonage spécifique aux surfaces de production pourrait par exemple permettre à chaque territoire de maîtriser le destin des sites concernés en conditionnant, au cas par cas, leur déclassification et donc leur mutation. Ceci afin d’affirmer la place dans la ville des fonctions productives et des grands services urbains.
« Afin d’encourager le développement des économies vertueuses », Paris propose de faciliter dans les PLU la mutation des destinations en faveur des lieux dédiés à l’économie sociale et solidaire et à l’économie circulaire. La ville préconise enfin de mettre en place une bourse d’échanges des déchets du BTP réutilisables et d’étudier la création de plateformes matérielles de stockage en attente de réemploi. Le document formule aussi une série de propositions pour bâtir le Grand Paris de la culture, ainsi qu’un volet visant à faire du sport un vecteur de réduction des inégalités et de rapprochement entre les territoires.
Logements sociaux et intermédiaires : des dispositifs innovants
Logements sociaux rue de Belleville, dans le 20° arrondissement de Paris. © Jgp
Le projet de délibération propose des dispositifs innovants pour développer et mieux équilibrer la construction des différentes typologies de logements sociaux, y compris à l’échelle infra-communale pour réduire les effets ségrégatifs.
« Au-delà de la définition des objectifs par commune, le Scot pourrait également définir ou encourager les PLU à définir une zone de déficit en logements sociaux à une échelle fine au sein de laquelle tout projet de création de surface d’habitation au-delà d’un seuil à définir comporte un taux plancher de logements sociaux, indique Paris. Le Scot devrait également encourager, en application du PMHH, la définition d’emplacements réservés aux logements sociaux dans les PLU. Enfin, il faudrait rendre effective la mobilité dans le parc métropolitain par la mise en place une bourse d’échange de logements sociaux, en partenariat avec l’AORIF ».
Pour « lutter contre les effets destructeurs de la spéculation foncière », la Capitale propose également « l’encadrement des loyers dans la métropole, le renforcement du contrôle des offres de location touristique, la limitation du développement des résidences secondaires par les voies réglementaire et fiscale, l’élaboration d’une charte anti-spéculative métropolitaine, et la demande auprès de l’État de la délégation du droit de réquisition afin de réduire le nombre de logements vacants ».
Paris recommande aussi de « développer les dispositifs innovants de limitation des coûts, en instaurant des mécanismes permettant l’immobilisation de la subvention publique par dissociation perpétuelle du foncier et du bâti en les accompagnant d’un dispositif anti-spéculatif durable ou en créant un organisme de foncier solidaire métropolitain pour la constitution et la mobilisation de réserves foncières dans les territoires les plus déficitaires en logements à prix accessible. La Capitale propose également que soit encouragé le développement de nouvelles façons d’habiter, comme le coliving ou l’habitat participatif. »
Développer le réseau de plateformes logistiques métropolitaines
L’hôtel logistique Chapelle international, récemment inauguré. © Jgp
Paris recommande une approche métropolitaine de la logistique, en partenariat avec les territoires de grande couronne, « de manière à obtenir une armature régionale cohérente ». « Prendre en compte les différentes échelles, de l’hôtel logistique aux micro-espaces de proximité ainsi que l’usage des cours d’eau, et évaluer l’opportunité d’une intégration dans les nouvelles opérations d’aménagement », est également recommandé, tout comme la constitution d’emplacements ou périmètres réservés à cet effet dans les PLU et l’identification des espaces à fort potentiel (sous-sols, parkings sous-utilisés…).
La création d’une commission métropolitaine de la logistique associant les acteurs privés de la logistique, chargée de la mise en réseau des plateformes et de l’efficience du système de hubs et travaillant à une mise en cohérence des réglementations en matière de livraison est également proposée par la ville. Le projet de délibération suggère enfin d’identifier les fonciers potentiels destinés à la méthanisation, aux centres de tri, aux déchèteries et aux centres de transfert sur les différents flux et de mieux contrôler les flux logistiques liés à la collecte des déchets.