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Pierre Mansat et les Alternatives

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Grille de lecture du populisme rudimentaire de notre ami Mélenchon

 

Ces réflexions personnelles s’appuient sur les lectures, les débats, les multiples tribunes parues depuis quelques semaines, et sur les impressions perçues tout au long de ces semaines angoissantes et décisives.

Dans cette période chahutée j’ai été comme beaucoup interpellé par cet adage prêté à Valéry : « tout ce qui est simple est faux…mais tout ce qui ne l’est pas est inutilisable », double risque d’impuissance qui conduit a repousser les solutions radicales au bénéfice d’un certain immobilisme, du confort de la sécurité, et du rejet apeuré du saut dans l’aventure chaotique.

Cette contradiction inévitable et largement partagée a évidemment bénéficié à Emanuel Macron, sans effacer le succès électoral incontestable du projet des « insoumis » qui a renoué de façon inattendue avec le score Duclos de la présidentielle de 1969.

 

Ce succès ambivalent qui a enthousiasmé nombre d’entre nous, mais pas moi, est pourtant fondé sur la combinaison inédite de plusieurs phénomènes :

 

  • l’éclairage des mécanismes profonds du capitalisme et de ses dérives contemporaines incontestables : dérégulation, inégalités, financiarisation, précarité, exploitation, injustice…,
  • les luttes de pouvoir et les rapports de classe qui structurent toute société, même si Mélenchon s’adresse davantage aux « gens » catégorie bien peu précise et socialement mal déterminée
  • les aspirations et colères nouvelles qui s’expriment face aux difficultés qui assaillent les couches populaires, mais pas que comme le montrent les scores FN dans des villes et des quartiers prospères……
  • la guerre ouverte entre la France Insoumise et tout le reste de la gauche : socialistes de tout poil, communistes devenus les idiots utiles, écologistes jamais assez verts
  • le talent inédit de son porteur unique, qui a su faire reculer le Front National et lui disputer l’influence parmi de nombreux électeurs notamment les plus jeunes et les abstentionnistes pas toujours familiers de l’histoire et même pas de sa période récente,

 

Cette posture tribunicienne incarnée et bravache s’est aussi faite « en même temps » le relais du populisme de gauche qui avait largement disparu du paysage politique depuis le déclin du PCF et la marginalisation des différents trotskismes.

Bref les deux campagnes présidentielle et législative très fortement personnalisées, émancipées de toute référence à l’idée historiquement structurante de gauche, nous ont montré un Mélenchon aux multiples facettes :   

  • intuition que pour gagner le soutien populaire la forme parti est dépassée et que le mouvement comme le collectif s’imposent pour renouveler le personnel politique, les pratiques, et même les symboles identitaires consacrés
  • porte voix d’un vieux jacobinisme et du nationalisme républicain flamboyant invoqué avec culture humour et profondeur historique, tout en gommant tout ce qui pourrait rappeler l’héritage du communisme alors que la filiation avec 1789 et le CNR était fortement soulignée pour justifier le concept de résistance abondamment répété  
  • interprète de l’appel au peuple dans la tradition des sans culottes anti parlementaire et de la démocratie directe confortée par  l’utilisation  habile des nouvelles technologies d’information et de la mobilisation des réseaux sociaux dans le contexte du discrédit total de la parole politique  et des partis traditionnels :
  • tendance plébiscitaire centrée sur la guerre contre les élites, les oligarchies, les corps intermédiaires sur fond de haine des puissances de l’argent et de traitrise des « puissants », bref une image réductrice et dangereuse d’une France coupée en deux entre dominants et dominés en lieu et place du clivage gauche/droite  où à minima d’une approche sociologique plus fine correspondant aux réseaux complexes qui structurent nos sociétés contemporaines, bref une survalorisation du modèle France d’en haut/France d’en bas  assez proche du discours FN
  • versant fanfaron autoritaire conforté par les coups d’éclat et le  verbe du leader charismatique qui manipule les idéaux de générosité de fraternité et d’égalité et alterne exposés brillants à vocation éducative et paroles vulgaires qui se veulent populaires. Il sait hypnotiser les foules conquises par les succès d’estrade de l’orateur qui repousse tout compromis et semble ignorer les contraintes économiques et matérielles, où simplement le jeu normal des alliances nécessaires dans le libre jeu démocratique 
  • affirmation violente et binaire de certitudes qui délégitiment l’adversaire, la diversité des opinions, et les intérêts contradictoires des très riches (le fameux 1%) certes, mais aussi plus fondamentalement du grand groupe central aux limites mal définies mais qui reste le socle de toute société démocratique…c’est celui  là qui a fini par élire le nouveau Président
  • appel aux groupes sociaux mais surtout aux « gens » en déshérence politique dans le prolongement de la lutte des classes et dans la perspective d’un programme fiscal fortement redistributif à partir d’une cagnotte cachée (en Suisse, à Coblence, où à Monaco) qu’il suffirait de confisquer pour enrayer la dislocation sociale
  • sémantique ambigüe qui recherche toujours la polémique et les insinuations pour conforter un fort sentiment de conspiration et de complot adossé aux profondes inégalités aussi croissantes qu’injustifiées. En définitive tout s’expliquerait par  la volonté machiavélique d’un petit groupe de « banquiers » et d’actionnaires cupides confortés par la complicité coupable des traitres socialistes et pourquoi pas même des communistes….vieux regain subliminal du trotskisme dans les territoires qui ont été les points forts du communisme et  du socialisme municipal en centre ville comme dans les banlieues ouvrières
  • modèle économique de retour aux 30 glorieuses qui mixe keynésianisme et souverainisme avec une grande pincée d’écologie sans prise en compte des contraintes et opportunités de la mondialisation et sans réel souci de la crédibilité d’un programme qui prévoyait 273 milliards de dépenses nouvelles
  • discours qui rejette clairement toute xénophobie où racisme, mais qui est paradoxalement fortement teinté d’un anti germanisme assumé et du rejet du projet européen au profit d’un internationalisme Bolivarien romantique confus maquillé de pacifisme désincarné profondément anti occidental anti atlantique et minorant les effets contradictoires de la mondialisation pour les pays émergents comme pour notre pays
  • intransigeance délétère entre les deux tours en prenant le risque invraisemblable de rompre la tradition du front républicain et du positionnement sur l’axe droite/gauche en assumant  « d’entrer dans la marmite souverainiste avec son romantisme populiste et d’en sortir ficelé dans l’uniforme du Front National » (André Burguière)

 

 

Depuis chaque jour confirme la volonté d’hégémonie du héraut qui attise systématiquement le dégagisme à l’encontre de tout ce qui lui résiste et utilise une phraséologie radicale avec sa dose de démagogie, de raccourcis simplificateurs, et de vulgarité sans nuance qui exacerbent un séparatisme social et territorial dont il faut bien constater qu’il a fortement marqué les élections.

 

Le risque de dérives d’une aventure personnelle soumise aux foucades et à l’activisme désordonné et imprévisible du chef solitaire en prise directe avec les désordres du monde et avec le peuple est réel. Chantre d’une nouvelle république guidée par la seule révolte dont nul ne sait où elle peut aboutir, Mélenchon feint la sagesse de celui qui a tout compris pour nous révéler la vérité profonde du monde. Il est devenu une marque qui signe l’outrance, l’insulte, le maximalisme, l’hyperbole, la brutalisation systématique du débat politique afin de récupérer la colère et de capter la haine latente par un vocabulaire qui suscite ferveur et adhésion.

 

Pour réorganiser l’espace politique de la gauche autour de lui Mélenchon combine verticalité et horizontalité autour du chef charismatique en gommant la complexité d’un monde contradictoire et incertain. Cette posture à haut risque est elle le signe du renouveau démocratique annoncé ? est ce là la base d’une reconstruction confiante crédible et raisonnable à l’ordre existant ? est ce là le socle du rassemblement toujours invoqué mais moins que jamais réalisé ? quelle rationalité à se retrouver en position centrale à gauche tout en éradiquant ses soutiens et alliés potentiels et en systématisant une concurrence  fratricide et vengeresse? que signifie au fond être insoumis : a quoi, a qui, pour surmonter quelles crédulités, pour rechercher quelles convergences, pour bâtir  quelle coalition?

 

En tout cas cet épisode désolant a permis de bien faire la différence entre ce que fût la tradition et la pratique politique communiste devenues obsolètes comme le vieux monde, et ce corps de doctrine apparemment nouveau et anti système au devenir inconnu mais capable de toutes les métamorphoses, y compris je le crains les plus mortifères.

 

 

 

 

 

 

Simon Ronai

le 30 mai 2017

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