31 Janvier 2017
A lire ce texte de Patrice Bessac, maire de Montreuil :
Quel avenir pour la métropole parisienne ?
Jeudi, 19 Janvier, 2017 L'Humanité
Si par une nuit d’hiver, un voyageur entrait aujourd’hui dans Paris et en cherchait l’octroi, il serait bien en peine de trouver la porte et la frontière de la ville. Jusqu’où peut-on dire que nous sommes à Paris ? Une zone dense, urbaine, connectée, continue et contiguë, desservie par un réseau de transport cohérent, avec une concentration de l’activité économique, de la création de valeur et de l’emploi. C’est soi-disant la métropole. Ses habitants évoluent vers le même mode de vie, consomment les mêmes « produits culturels », recherchent les mêmes services, achètent les mêmes vêtements, et choisissent les mêmes denrées alimentaires. Ils parlent la même langue et échangent sur les mêmes vecteurs, ils en arrivent à vivre selon des comportements sociaux, familiaux, professionnels et personnels similaires. « Soi-disant » car ce n’est pas la réalité : Paris et la banlieue ne font pas encore métropole. Les éléments de diagnostic qui freinent cette dynamique font consensus : l’aggravation des inégalités et des ségrégations de toutes natures, l’impératif d’une prise en compte plus radicale de la contrainte environnementale, l’inégalité d’accès au système de transport collectif et l’inadéquation des liaisons de banlieue à banlieue, et enfin la pénurie de logements abordables et de qualité.
Le camp progressiste porte une vision, un projet pour la métropole qui donne le cap, pose les grandes questions : celle de l’habitat, du travail, des loisirs… celle de la possibilité pour chacune et chacun de vivre où il le souhaite et de vivre bien, sans être assigné à résidence. On voudrait nous le faire oublier mais la métropole est d’abord un projet politique.
C’est ce qui manque cruellement aujourd’hui. C’est ce qui aurait dû préexister à l’installation de la gouvernance ; c’est ce qu’il est encore temps de construire plutôt que de laisser s’installer un projet en creux, qui sera toujours au service des intérêts économiques dominants, au détriment des plus faibles. Depuis sa création, en tant qu’institution, la métropole du Grand Paris a surtout installé une logique de guichet, avec des appels à projets, répondant davantage aux impératifs de la concurrence entre les métropoles européennes qu’au rééquilibrage territorial indispensable entre Paris et ses banlieues.
La métropole reste pourtant un levier incroyable pour l’ensemble du territoire francilien, une terre d’innovation dont les principaux chantiers sont devant nous : innovation dans l’organisation de l’espace afin de définir le foncier qui doit être préservé et disponible, sous quelles conditions et pour quels usages. Innovation sur la question de la nature en ville, de la biodiversité, de l’agriculture urbaine, produire local pour consommer local, de l’autosuffisance alimentaire. Innovation des grands services métropolitains en zone dense : les usines de chauffage urbain, les incinérateurs d’ordures, les emprises ferroviaires, bien souvent repoussés aux franges et dans les villes les moins favorisées. Innovation dans la construction, pour faire avancer la mise en œuvre de matériaux locaux, biosourcés, recyclés, pour réussir la transition énergétique.
Enfin, dans cette réflexion sur la métropole, il y a un grand absent : la citoyenneté. Nos villes ont appris à concerter avec les habitants, à coconstruire avec eux les projets. Comment construire l’avenir de la métropole sans écouter ceux qui la font et ceux qui la vivent au quotidien ? La métropole doit s’inspirer de la démocratie locale.
La métropole doit être un échelon stratégique innovant, à l’échelle du Grand Paris, et elle doit être respectueuse des dynamiques locales, des villes, de leurs cultures et de leurs habitants. C’est ainsi, avec un projet métropolitain ambitieux, démocratique et solidaire, que nous pourrons faire rayonner notre métropole parisienne et construire son avenir.