25 Janvier 2016
Patrick Ollier, président du Grand Paris : "Nous voulons aller très vite"
INTERVIEW - Elu vendredi à la tête de la Métropole du Grand Paris, Patrick Ollier annonce ses priorités au JDD.
Après des semaines de négociations éreintantes et de compromis arrachés in extremis, Patrick Ollier a finalement décroché son graal. Vendredi, le député-maire LR de Rueil-Malmaison (92) a été élu par ses pairs à la tête de la Métropole du Grand Paris (MGP). Ému et transporté, il a accordé au JDD sa première interview de patron du Grand Paris. À 71 ans, l'éphémère président de l'Assemblée nationale (2007), ex-ministre de Nicolas Sarkozy (Relations avec le Parlement) et compagnon de Michèle Alliot-Marie, a su rassembler sur son nom toutes les forces politiques, de droite, de gauche et du centre. Il était le seul candidat vendredi.
Celui que tout le monde décrit comme un "homme de consensus" a obtenu 192 voix - 12 bulletins blancs, 3 nuls, 0 voix contre - des 209 conseillers métropolitains, réunis place d'Iéna (16e), dans l'hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dans son sillage, 20 vice-présidents ont également été élus : la maire PS de Paris, Anne Hidalgo (1re vice-présidente) ; suivie par Gilles Carrez, député-maire LR du Perreux (94) ; André Santini, député-maire UDI d'Issy-les-Moulineaux (92) ; Patrick Braouezec, président FG de Plaine Commune (93)… La MGP regroupe Paris et 130 communes alentour : toutes celles de la petite couronne (92, 93, 94), ainsi que six communes volontaires du 91 et une du 95 (Argenteuil).
Avez-vous le sentiment d'être entré dans l'Histoire vendredi en devenant le premier président de la Métropole du Grand Paris (MGP)?
Une page d'Histoire a été écrite le 22 janvier, c'est évident. Mais n'allez pas dire que je me prends pour un personnage historique… Recueillir le vote de la quasi-totalité des conseillers métropolitains, c'est exceptionnel. Voir les clivages politiques s'effacer devant l'intelligence collective, c'est très émouvant.
«Nos voisins ont créé le Grand Londres ou le Grand Berlin. Et nous serions le seul pays européen à ne pas avoir l'intelligence de nous rassembler?»
On dit souvent que la MGP est une coquille vide, une strate supplémentaire dans le millefeuille territorial, éloignée des préoccupations des habitants…
Ce sont des bêtises trop souvent répétées par les ennemis de la Métropole. La vérité, c'est que la MGP est une intercommunalité au service de 7 millions d'habitants. Elle associe 131 maires [et d'autres conseillers municipaux pour les communes les plus peuplées, dont 62 conseillers de Paris], tous élus au suffrage universel dans leur commune, et donc légitimes. Ces maires vont travailler ensemble pour faire avancer les dossiers en matière de développement économique, d'habitat, d'environnement et d'aménagement du territoire. Cela aura un impact positif sur la vie des citoyens, sans augmenter les contraintes fiscales et administratives. Nos voisins ont créé le Grand Londres (7,7 millions d'habitants) ou le Grand Berlin (6 millions). Et nous serions le seul pays européen à ne pas avoir l'intelligence de nous rassembler?
Comment voyez-vous concrètement vos 100 premiers jours à la tête de cette nouvelle institution? Quelles mesures comptez-vous prendre immédiatement?
Il est trop tôt pour parler de mesures concrètes. Les 100 premiers jours seront occupés à construire la gouvernance. Il va falloir trouver des locaux, constituer des équipes, se mettre d'accord sur une méthode de travail, sur les missions confiées aux vice-présidents… Nous allons surtout définir ce qu'est l'intérêt métropolitain et répartir les compétences entre la MGP et les douze territoires [Établissements publics territoriaux] qui la composent. Les résultats ne seront visibles pour la population qu'à partir de 2017.
Quel sera le rôle des 20 vice-présidents?
Ce sera l'objet de notre première réunion lundi. Je demanderai à chacun quels sont ses centres d'intérêt. Il me semble assez logique qu'Anne Hidalgo revendique les relations internationales et les grands événements. Gilles Carrez est très compétent sur les finances. André Santini s'intéresse à l'économie…
«On ne va pas faire comme si Hidalgo n'existait pas. Mais chacun se respecte»
Ne craignez-vous pas une omniprésence de la maire de Paris, beaucoup plus visible et influente que n'importe quel autre maire?
Anne Hidalgo est la maire de la capitale de la France autour de laquelle se construit la Métropole. On ne va pas faire comme si elle n'existait pas. Mais chacun se respecte. Elle ne prendra pas la place du président. Et elle nous aidera à donner une visibilité mondiale à la métropole.
Comment fait-on pour présider une telle institution avec un budget dérisoire de 70 millions d'euros?
Je ne sais pas d'où sort ce chiffre. Pour l'instant, le budget de la MGP est de de l'ordre de 3,7 milliards d'euros, qui seront redistribués aux douze territoires. Ce n'est pas ridicule. Concernant le fonctionnement des services de la Métropole, nous devrions tourner autour de 4 ou 5 millions pour démarrer ; c'est largement suffisant. Pour le reste, Gilles Carrez va travailler sur des projets de maquettes budgétaires. Nous voulons aller très vite. Mi- février, nous aurons le débat sur les orientations budgétaires. En mars, nous voterons le budget.
La nouvelle présidente de la région, Valérie Pécresse (LR), estime que "le Grand Paris, c'est l'Île-de-France" et réclame la "suppression" de la MGP…
Valérie vient d'arriver, elle pose ses marques. Mais je ne suis pas en compétition avec elle. La Métropole n'a pas les mêmes compétences que la région, à part un peu de développement économique. Valérie est une femme intelligente, solide ; je n'imagine pas un instant que nous puissions être en conflit.
Envisagez-vous de racheter le siège de la Région Ile-de-France, dans le 7e, que Valérie Pécresse souhaite déménager en banlieue?
L’idée est intéressante, mais ce n’est qu’une rumeur. L’avantage, c’est qu’il y a un hémicycle. Mais quand j’ai vu le prix de vente, j’ai failli avoir un vertige. Malheureusement, je ne pense pas que ce soit dans nos moyens. En attendant de trouver un lieu adapté, nous installerons provisoirement le bureau de la MGP dans les locaux de la mission de préfiguration, rue Leblanc (15e). Et nous avons réservé la location de l’hémicycle du Palais d’Iéna (16e) pour cinq séances.
Quel regard portez-vous sur le projet de Patrick Devedjian et Pierre Bédier de fusionner leurs départements, les Hauts-de-Seine et les Yvelines?
Je ne répondrai pas à cette question.
«Croyez-moi, quand la Métropole sera vraiment en marche, il sera très difficile de l'arrêter»
Le conseil métropolitain ne compte que 28% de femmes (59 sur 209 élus). Et le bureau, seulement trois femmes sur 21 membres. N’y a-t-il pas un problème de parité?
Il faut le dire aux électeurs! Ce n’est pas de ma faute s’il y a peu de femmes. Moi, je fais avec les maires qu’on m’envoie.
Certains pensent que vous êtes non seulement le premier mais aussi le dernier président de la MGP…
C'est absurde. En tout cas, je ferai tout pour que cela n'arrive pas. Je suis très optimiste. Croyez-moi, quand la Métropole sera vraiment en marche, il sera très difficile de l'arrêter. J'en veux pour preuve l'enthousiasme collectif manifesté lors de la première assemblée vendredi. Tout le monde a l'air de croire que c'est normal, naturel. Mais c'est le fruit d'un travail colossal et d'une puissante volonté des maires de travailler ensemble, au-delà des différences politiques. Voilà notre force. Les 7 millions d'habitants du Grand Paris attendent de nous que nous soyons responsables et efficaces, imaginatifs et passionnés. Nous ne les décevrons pas.
Bertrand Gréco - Le Journal du Dimanche
dimanche 24 janvier 201